Alors que les cours mondiaux du cacao se replient après trois années de flambée, le Cameroun pourrait s'appuyer sur une stratégie déjà amorcée depuis une décennie. Celle qui consiste à miser sur la qualité pour stabiliser les revenus des producteurs. Dans un marché dominé par un excédent d'offre, la production de cacao certifié et premium apparaît comme une voie de résistance face à la dégradation des prix.
Selon les données de l'Office national du cacao et du café (ONCC), le Cameroun a exporté 168 000 tonnes de fèves de grade II lors de la campagne 2023-2024. Mais la progression la plus notable concerne les fèves de grade I, dites Good Fermented, mieux valorisées sur le marché international. Ce segment a atteint 17 557 tonnes au cours de la même période, contre à peine 8 933 tonnes en 2017-2018. Ces performances traduisent l'effet des programmes de formation et de contrôle qualité lancés depuis 2010 par l'interprofession cacao-café (CICC) et le gouvernement.
Pour encourager cette orientation, l'État a introduit depuis 2016 une prime qualité. En 2025, environ 2 milliards FCFA ont été distribués aux planteurs ayant livré un cacao conforme aux standards de grade I pour les campagnes 2020-2021 et 2021-2022, selon le ministère du Commerce.
Ces incitations permettent aujourd'hui à plusieurs coopératives d'intégrer les circuits de vente dits " marchés de niche ", où le prix d'achat est contractualisé et moins exposé aux fluctuations des bourses internationales. L'ONCC rapporte qu'en 2023-2024, 146 364 tonnes de cacao certifié ont été commercialisées, contre 124 380 tonnes la saison précédente, soit une hausse de plus de 15 %. Le groupe TELCAR, affilié au standard Rainforest Alliance, a dominé le segment avec 70 658 tonnes, suivi par OFI (34 000 tonnes) et la SIC-CACAOS (32 000 tonnes) sous le programme Cocoa Horizon.
Dans la catégorie la plus exigeante, celle du cacao premium, la dynamique est similaire. Issu d'un protocole de transformation rigoureux supervisé par les centres d'excellence du CICC, ce cacao sans défaut s'est établi à 1 112 tonnes en 2023-2024, contre 681 tonnes un an plus tôt. Selon les chiffres du CICC, 546 contrats ont été conclus entre coopératives et exportateurs pour la commercialisation de cette production, garantissant des prix fixes souvent supérieurs au marché.
Cette stratégie s'avère d'autant plus cruciale que la campagne 2025-2026 s'ouvre dans un contexte défavorable. Le kilogramme de cacao, qui atteignait encore 6 000 francs CFA au bord des champs il y a quelques mois, se négocie désormais entre 2 400 et 2 700 francs CFA dans les bassins de production, selon les données du Système d'information des filières (SIF) relayées par Cameroon Tribune le 24 octobre 2025. Au Port autonome de Douala, les prix oscillent entre 2 639 et 2 839 francs CFA. Ces niveaux sont très inférieurs aux projections initiales fixées entre 3 200 et 5 400 francs CFA le kilogramme lors du lancement officiel de la campagne le 7 août à Mbankomo (Centre).
Cette chute s'explique par un retournement du marché mondial. D'après les estimations compilées par le ministère du Commerce et plusieurs analyses sectorielles, un excédent global de 186 000 tonnes est attendu pour la campagne 2025-2026, contre 142 000 tonnes un an plus tôt. L'Équateur, avec une production désormais supérieure à 650 000 tonnes métriques, est au cœur de cette évolution et pourrait, selon les projections, dépasser le Ghana pour devenir le deuxième producteur mondial derrière la Côte d'Ivoire.
L'abondance de l'offre en Amérique latine a entraîné une baisse d'un tiers des prix internationaux depuis janvier. Les cours devraient se stabiliser autour de 3 000 dollars la tonne, selon les dernières prévisions de marché. Cette correction met fin à la phase haussière observée entre 2022 et 2024, période où les déficits de production en Afrique de l'Ouest avaient dopé les prix et soutenu la croissance de pays producteurs comme le Cameroun. La Banque mondiale estime d'ailleurs que cette embellie avait contribué à porter le PIB camerounais de 3,2 % en 2023 à 3,5 % en 2024.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 27/10/25 16:35


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