Le Groupe d'action financière (GAFI) a confirmé, dans une note publiée sur son site internet le 24 octobre 2025, le maintien du Cameroun sur sa liste grise. Cette liste regroupe les juridictions " sous surveillance accrue ", engagées à combler des lacunes stratégiques dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). L'organisme intergouvernemental y détaille les progrès des pays concernés, dont le Cameroun, et fixe de nouvelles attentes.
Le GAFI rappelle que l'inscription d'un pays sur cette liste ne signifie pas qu'il est soumis à des contre-mesures, mais qu'il fait l'objet d'un suivi renforcé. Les États concernés doivent démontrer, dans des délais convenus, la mise en œuvre effective des engagements pris. Depuis juin 2023, le Cameroun s'est engagé à travailler étroitement avec le GAFI et le Groupe d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique centrale (GABAC) pour corriger les insuffisances de son dispositif national.
Un plan d'action à exécution lente
Selon la note du GAFI, Yaoundé doit poursuivre la mise en œuvre de son plan d'action, qui comprend plusieurs volets, notamment l'alignement des politiques nationales sur l'évaluation des risques, supervision accrue des institutions financières, le renforcement de la transparence sur les bénéficiaires effectifs des entreprises, l'amélioration de l'échange d'informations entre la Cellule nationale de renseignement financier et les autres autorités, et l'intensification des enquêtes sur les infractions de blanchiment et de financement du terrorisme.
Plus d'un an après cet engagement, le Cameroun affiche cependant un bilan mitigé. D'après le dernier rapport de suivi, seuls 8 des 24 points d'action convenus ont été " largement remplis ", soit un taux d'exécution inférieur à 40 %. Cette lenteur a même compromis la sortie de la liste grise, initialement envisagée pour septembre 2025.
Un rappel à l'ordre du ministre des Finances
Face à cette situation, le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motaze, a haussé le ton. Le 25 juin 2025, à l'ouverture de la première session ordinaire du Comité de coordination des politiques nationales de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, il a dénoncé des retards jugés " inacceptables " dans la mise en œuvre du plan convenu avec le GAFI.
" Où est le problème ? Pourquoi tant de lenteurs alors que nous avons défini ce plan nous-mêmes ? ", a-t-il lancé, selon le compte rendu officiel de la réunion. Le ministre a accusé certaines administrations de " négligence " et de " réticence ", avant de prévenir qu'" aucune excuse ne sera désormais acceptée ".
L'avertissement intervient dans un contexte de vigilance internationale accrue. Le maintien du Cameroun sur la liste grise expose son économie à des risques de désengagement bancaire international, selon plusieurs experts régionaux. L'ancien secrétaire permanent du GABAC, Désiré Geoffroy Mbock, rappelait récemment que cette situation fragilise la confiance des institutions financières étrangères et complique les transactions transfrontalières.
Une dégradation vers la " liste noire " du GAFI — qui concerne les juridictions jugées à haut risque — serait synonyme d'isolement financier et de restrictions accrues sur les opérations avec les banques étrangères.
Le gouvernement affirme avoir pris plusieurs mesures depuis l'inscription du pays sur la liste grise, notamment la création par décret présidentiel, en octobre 2023, du comité national de coordination LBC/FT. Ce comité a pour mission de suivre la mise en œuvre du plan d'action et de coordonner les différents acteurs institutionnels. Le Premier ministre a également tenu plusieurs audiences avec les responsables du GABAC et les partenaires techniques impliqués.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 27/10/25 16:46


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