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Face à la recrudescence des crises de la dette, la transparence s'impose comme le maillon faible mais décisif de la soutenabilité des finances publiques dans les pays en développement. Le dernier rapport de la Banque mondiale, intitulé ‘'Radical [Debt] Transparency'', publié ce 19 juin, sonne l'alarme.
Dans un contexte mondial où près de 60% des pays à faible revenu sont en situation ou en risque élevé de surendettement, le rapport met en évidence une faille majeure, celle de l'opacité persistante autour des engagements publics. Entre dettes non déclarées, restructurations confidentielles et instruments financiers atypiques (swaps, prêts adossés à des ressources, repo surcollatéralisés), de nombreux gouvernements n'ont même plus une visibilité claire sur leurs propres obligations. Conséquence, les investisseurs reculent, les coûts d'emprunt s'envolent, et les plans d'ajustement deviennent inévitables.
Des chiffres alarmants révèlent l'ampleur du problème. Depuis 2018, le système de la Banque mondiale a détecté 631 milliards de dollars de prêts non reportés auparavant. Moins d'un quart des pays à revenu faible publient des informations précises sur chaque prêt contracté. Plus inquiétant encore, des cas de dissimulation, comme celui du Sénégal, ont provoqué des hausses brutales des primes de risque sur les marchés, sapant la crédibilité financière nationale. En 2024, seuls 15 pays en développement ont publié des plans annuels d'endettement, limitant fortement la lisibilité des stratégies d'emprunt.
Mais la responsabilité est partagée. Les créanciers aussi restent opaques. Si les pays du G7 ont fait des progrès en matière de transparence sur leurs portefeuilles de prêts, la plupart des créanciers bilatéraux non-G7 et des prêteurs privés brillent par leur mutisme. À peine 15 prêts de banques commerciales ont été publiés sur les plateformes prévues à cet effet, forçant des institutions académiques à compiler elles-mêmes des bases de données.
La solution proposée est radicale, mais pragmatique, à savoir instaurer une véritable révolution de la transparence de la dette. Cela implique des réformes législatives nationales pour imposer la divulgation des termes des prêts, une meilleure supervision parlementaire, la numérisation des données d'emprunt, et surtout une plateforme mondiale de réconciliation automatique des données entre débiteurs et créanciers. Le pilote lancé en Indonésie, soutenu par le Japon et la Banque mondiale, montre que la technologie peut y parvenir.
Enfin, le message du rapport est sans équivoque : la transparence de la dette n'est pas un luxe moral, mais une exigence économique. Elle conditionne l'accès aux marchés, la confiance des bailleurs, la discipline budgétaire, et in fine, la croissance. Sans données complètes, précises et accessibles, aucun discours sur la soutenabilité ne peut tenir. L'heure n'est plus aux demi-mesures, il faut une transparence totale ou se préparer à de nouvelles implosions silencieuses.
Dr Ange Ponou
Publié le 20/06/25 10:32
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