La Côte d’Ivoire sous surveillance du GAFI : Quels sont les défis juridiques et fiscaux à relever ?

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La Côte d'Ivoire, considérée comme l'économie motrice de l'Afrique de l'Ouest, fait face à des défis significatifs suite à sa récente inscription sur la liste grise du Groupe d'Action Financière (GAFI), une organisation intergouvernementale qui veille à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Cette classification, révélée lors de la plénière du GAFI qui s'est tenue du 23 au 25 octobre 2024, souligne l'urgence pour le pays de se conformer aux normes internationales relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LCB/FT). Elle interpelle également sur les réformes nécessaires pour répondre aux normes internationales et renforcer la crédibilité du pays sur les plans juridique et fiscal.

Comprendre la surveillance du GAFI

Le GAFI évalue régulièrement les systèmes financiers des États membres et non membres afin de vérifier leur conformité avec les quarante (40) recommandations qu'il a établies. 

Lorsqu'un pays est jugé insuffisamment performant, il est placé sur une liste grise ou noire. 

Cette classification entraîne une surveillance accrue et, dans certains cas, des sanctions indirectes telles qu'une baisse des investissements ou une limitation des relations bancaires internationales.

Pour la Côte d'Ivoire, cette surveillance est une alerte visant à accélérer la mise en œuvre des réformes dans les domaines critiques.

La mise sous surveillance du GAFI n'est pas sans conséquences économiques. Elle induit un réel impact sur les investisseurs étrangers qui pourraient percevoir la Côte d'Ivoire comme un pays à risque, ce qui réduirait l'attractivité économique.

Aussi, en cas de non-conformité persistante, les banques internationales pourraient limiter leurs relations avec les établissements financiers ivoiriens, entraînant des perturbations dans les flux financiers.

Vous l'avez compris, ce sujet est vaste et fait couler beaucoup d'encre, le présent article a pour objectif d'aborder dans un premier temps les défis juridiques (I) et fiscaux (II) à relever mais aussi, proposer dans un second temps, une esquisse de solution (II).

            I. Les défis juridiques à relever

            a. Renforcer le cadre législatif 

La Côte d'Ivoire doit harmoniser ses lois avec les standards internationaux du GAFI. Cela implique :

          b. Renforcer les institutions judiciaires

Cela étant dit, il est clair que le cadre législatif à lui seul, ne suffit pas sans des institutions solides pour l'appliquer. 

Il est donc important de former un écosystème spécialisé (juges, magistrats etc.) dans les crimes financiers mais aussi de créer des juridictions dédiées aux affaires économiques et financières pour accélérer le traitement des dossiers

        II. Les défis fiscaux à relever

        a. Lutter contre l'évasion fiscale

La surveillance du GAFI pousse à adopter des mesures contre l'évasion fiscale, souvent liée au blanchiment d'argent. 

Bien que le Code Général des Impôts prévoit des mesures à cet effet, il est crucial que la Côte d'Ivoire s'engage dans des initiatives régionales pour renforcer l'échange d'informations fiscales.

       b. Moderniser le système fiscal

L'Administration fiscale ivoirienne s'est inscrite depuis plusieurs années dans la digitalisation de son système fiscal. 

Cette digitalisation est parfaitement perfectible et peine encore à être effective pour certains types de contribuables. Dans tous les cas, l'on constate encore que l'Annexe fiscale 2025 apporte des améliorations dans ce domaine. 

En tout état de cause, la traçabilité des transactions financières passe par l'informatisation des déclarations fiscales et le croisement des données entre les banques, les entreprises et l'administration fiscale.

      c. Encourager la transparence des entreprises

Des entreprises basées en Côte d'Ivoire pourraient utiliser la surévaluation des frais de gestion pour transférer des bénéfices imposables vers des juridictions à fiscalité réduite. 

Ainsi, la Côte d'Ivoire a renforcé son cadre législatif, imposant aux entreprises locales liées à des entités étrangères des obligations déclaratives strictes, notamment l'État des Transactions Internationales Intragroupe (ETII), la documentation des prix de transfert ("master file" et "local file") et, pour certaines, une déclaration pays par pays.

Par ailleurs, la réforme de la réglementation financière extérieure des États membres de l'UEMOA (Règlement n° 06/2024/CM/UEMOA) exige une autorisation préalable pour certaines opérations, telles que : 

Ces mesures visent à accroître la transparence, prévenir l'évasion fiscale et lutter contre le blanchiment de capitaux dans la région.

Il serait important de veiller à l'application scrupuleuse de ces mesures, déjà implémentées dans le dispositif juridiques Ivorien.                                                                                                 

Pour surmonter ces défis, la Côte d'Ivoire doit adopter une approche proactive. 

En effet, en tant que membre de l'UEMOA, elle doit s'appuyer sur des cadres régionaux pour poursuivre l'alignement de ces réformes internes avec celles des Etats membres de l'organisation.  

Sur le plan local, Il est par ailleurs crucial de former les acteurs nationaux, notamment les juges, régulateurs et professionnels des secteurs financiers, afin qu'ils maîtrisent les normes du GAFI.

Enfin, le secteur privé ne doit pas rester en marge. Les entreprises, cabinets juridiques et organisations professionnelles doivent être sensibilisés aux nouvelles obligations. Cela permettra de réduire les résistances et d'encourager la collaboration.

 

La surveillance du GAFI constitue un signal d'alarme et un appel à l'action pour la Côte d'Ivoire, mais aussi une opportunité d'assainir son système financier et de renforcer sa compétitivité économique face aux enjeux mondiaux

Les défis juridiques et fiscaux sont nombreux, mais avec une volonté politique forte de les surmonter et une collaboration efficace entre les secteurs public et privé, le pays peut transformer cette contrainte en levier de développement durable.

Le succès de cette démarche ne dépendra pas seulement des réformes techniques, mais aussi de la capacité de tous les acteurs à adopter une approche collective et résolue face à cette problématique mondiale.

Pour approfondir ce sujet, Deloitte Côte d'Ivoire vous invite à sa traditionnelle présentation de l'Annexe Fiscale 2025. À cette occasion, un expert, Commissaire Divisionnaire de Police du Pôle Pénal Économique et Financier d'Abidjan, interviendra pour partager son expertise. Ne manquez pas cet événement enrichissant. Venez nombreux !

      Par Ursula DUTAUZIET, Conseil Juridique, Associée, et Jean-Denis BOHOUSSOU, Manager,          Expert  en Fiscalité transactionnelle - Deloitte Côte d'Ivoire                  

Communiqué

Publié le 09/01/25 13:37

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