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Lors de la 3e édition du Choiseul Africa Summit tenue le 3 juillet à Abidjan avec pour thème : ‘'Industrialisation en Afrique de l'Ouest : où en est-on aujourd'hui ?'', Laetitia Gadegbeku-Ouattara, directrice Côte d'Ivoire d'Endeavour Mining et vice-présidente de la Chambre des Mines de Côte d'Ivoire, a offert une masterclass sur le rôle central mais souvent méconnu du secteur minier dans le processus d'industrialisation régionale.
Son intervention a mis en lumière la profondeur stratégique du cycle minier, bien au-delà de l'extraction brute, en y intégrant les dimensions économiques, sociales, environnementales et de contenu local.
Comprendre le cycle minier : une industrie à haute intensité de risque et de capital
Avec pédagogie, Laetitia Gadegbeku-Ouattara a rappelé que l'activité minière ne commence pas à l'ouverture d'une mine, mais à la phase d'exploration, souvent longue, coûteuse et aléatoire. ‘'Sur 10 000 projets d'exploration dite “greenfield”, un seul aboutit à une mine en exploitation'', a-t-elle expliqué. Et cette phase peut nécessiter jusqu'à 100 millions de dollars d'investissements sans garantie de succès.
Viennent ensuite les études de faisabilité économique, les évaluations environnementales et sociales, la mobilisation des financements – étape où Endeavour Mining s'est distinguée en levant 100 milliards FCFA auprès de banques locales, une première en Afrique de l'Ouest – puis la construction et enfin l'exploitation, généralement sur 10 à 15 ans.
Ce cycle complet implique une logique industrielle de long terme. Il ne s'agit pas simplement d'extraire, mais de structurer des écosystèmes durables autour des sites miniers.
Une approche ESG pleinement intégrée : produire de l'or, mais de façon responsable
Contrairement à certaines idées reçues, le secteur minier ivoirien ne fonctionne pas en silo. ‘'Chez nous, la RSE n'est pas une façade. C'est une culture'', insiste-t-elle. Tout au long du cycle, des stratégies environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) sont mises en œuvre, partant de l'intégration des communautés locales, la création de comités villageois, les formations professionnelles, les emplois directs et indirects, le soutien aux PME locales via les marchés de sous-traitance.
Un exemple frappant : le développement de commerces informels comme celui d'un vendeur de “choukouya” (viande grillée) près d'un site minier, dont le chiffre d'affaires a explosé grâce à la concentration de travailleurs. ‘'L'effet boule de neige de la mine dépasse les murs de la société'', souligne-t-elle.
Un secteur à fort levier de croissance pour l'économie ivoirienne
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La production d'or en Côte d'Ivoire est passée de 13 tonnes en 2016 à 52 tonnes aujourd'hui, soit une multiplication par quatre en moins de 10 ans. Avec seulement six compagnies en activité, le secteur minier représente désormais 4% du PIB national, contre moins de 1% avant 2014.
Au total, 320 milliards FCFA de taxes et royalties ont été versés à l'État en 2023, sans compter l'obligation légale de consacrer 0,5% du chiffre d'affaires minier au développement local. Le secteur génère des dizaines de milliers d'emplois directs et indirects.
Le local content, pierre angulaire d'une industrialisation inclusive
Mais pour Laetitia Gadegbeku-Ouattara, le véritable levier d'industrialisation repose sur l'intégration des compétences et des entreprises locales. Elle appelle à une massification des investissements dans la formation technique, à la contractualisation avec des fournisseurs ivoiriens, et à l'élargissement de l'accès aux marchés de sous-traitance, souvent concentrés entre quelques acteurs étrangers.
Elle cite notamment l'initiative en cours pour créer un fonds d'investissement minier panafricain, destiné à financer des PME locales dans la chaîne d'approvisionnement minière. Une façon de ‘'renforcer les capacités tout en stimulant l'économie locale'', affirme-t-elle.
L'industrialisation en Afrique de l'Ouest ne pourra réussir sans une vision holistique du développement minier, a martelé Laetitia Gadegbeku-Ouattara. Il ne s'agit plus simplement de produire plus, mais de produire mieux, de manière plus inclusive et plus durable, en intégrant les territoires et leurs populations.
‘'On ne peut pas juste produire de l'or. Il faut produire de la prospérité''. Voilà le credo d'un secteur en pleine mutation, qui aspire désormais à être un catalyseur d'industrialisation plutôt qu'un simple pourvoyeur de matières premières.
Dr Ange Ponou
Publié le 03/07/25 22:05
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