Sérgio Pimenta, Vice-président régional pour l’Afrique de l’IFC : ‘’La Côte d’Ivoire est un excellent laboratoire d’innovation pour l’IFC’’

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Sérgio Pimenta, Vice-président régional pour l'Afrique de l'IFC :

La Côte d'Ivoire est un excellent laboratoire d'innovation pour l'IFC

 

‘'La Côte d'Ivoire est pour l'IFC un excellent laboratoire d'innovation'' , dixit Sérgio Pimenta, Vice-président régional pour l'Afrique. L'institution y a accompagné les premiers PPP dans le secteur électrique en Afrique qui ont abouti aux premières centrales thermiques à la fin des années 1990. Et dans le courant de la fin 2023, l'institution a participé à une opération innovante de titrisation qui a permis de mobiliser des fonds destinés à financer l'accès à l'électricité de centaines de milliers d'Ivoiriens. Une transaction qui ouvre de nouvelles perspectives de financement pour des projets programmes publics.

En visite à Abidjan à la mi-mars, Sérgio Pimenta a affirmé l'ambition de l'institution d'intensifier ses investissements dans le pays. Il a à cette occasion accordé une interview à Sika Finance.

 L'IFC est un partenaire stratégique de la Côte d'Ivoire, accompagnant aussi bien l'Etat que le secteur privé dans divers domaines. L'institution apporte son appui notamment dans la mise en œuvre du PND 2021-2025. Dans les grandes lignes, en quoi consiste cet accompagnement ? 

La Côte d'Ivoire est un pays très important pour l'IFC, la Société financière internationale. Nous avons ici notre plus grand portefeuille dans la zone UEMOA et ce portefeuille est en forte croissance en raison notamment de l'élargissement de notre palette d'intervention et de l'impact plus profond que nous recherchons sur l'économie.

En Côte d'Ivoire, nos premières opérations ont notamment porté sur le secteur de l'énergie qu'on a financé, via des opérations conjointes avec nos collègues de la Banque mondiale, par son ouverture au secteur privé et donc l'arrivée d'acteurs importants qui maintenant fournissent le gros de la production électrique. On parle bien ici des premières centrales thermiques qui ont été lancées dans la seconde moitié des années 1990, portées par des investissements privés, et qui continuent encore aujourd'hui de répondre aux besoins du pays.

Nous avons ici notre plus grand portefeuille dans la zone UEMOA et ce portefeuille est en forte croissance.

Cette intervention importante dans le secteur s'est en outre élargie aux énergies renouvelables. A cela il faut ajouter un second axe : l'agriculture et l'agroalimentaire avec un accent sur un certain nombre de filières agricoles dont le secteur du cajou et le cacao que nous accompagnons avec de l'assistance technique, du financement pour les agrégateurs qui sont capables d'accéder à l'ensemble de la chaîne de valeur, mais également du financement et de la formation pour les agriculteurs et les agricultrices.

Nous travaillons également à l'accès au financement, cela à travers les institutions financières de la place en Côte d'Ivoire pour qu'elles-mêmes financent des PME, via des lignes de crédit ou encore des lignes de partage de risques. Il s'agit ici d'une intervention importante.

Nous sommes en train d'élargir également nos interventions sur les questions du logement abordable. C'est un secteur, je pense, qui est important en Côte d'Ivoire. Il y a quand même un déficit de logement qui est considérable et donc nous nouons des partenariats. Dans ce sens, un partenariat public-privé avec le gouvernement est en cours, partenariat au sein duquel nous associerons des acteurs du secteur privé justement pour pouvoir développer des projets immobiliers.

Nous sommes en train d'élargir également nos interventions sur les questions du logement abordable.

Je mentionnerais également un secteur qui est important pour nous, qui est devenu plus important évidemment avec la pandémie, le secteur de la santé. Il y a aussi le secteur de l'éducation, donc les secteurs sociaux sur lesquels nous avons fait des opérations.  Nous avons par exemple financé ici en Côte d'Ivoire une première usine de production de produits pharmaceutiques, donc à grande échelle, donc quelque chose d'important. Je vous donne un peu la palette de ce que nous faisons. 

Quels sont Les projets clés qui ont pu être concrétisés avec votre appui ici en Côte d'Ivoire dans le cadre du PND de manière plus concrète ? Là vous avez tout à l'heure une usine de pharmaceutique que vous avez aidé à installer …

Oui, nous avons plusieurs projets dans différents secteurs en lien avec le PND pour lequel nous avons pris des engagements avec la Banque mondiale en termes de montant de financement.

Par exemple sur le secteur de la santé, nous avons lancé ici une initiative que nous allons répéter dans d'autres pays africains et qu'on appelle l'AMEF, qui est un acronyme anglais pour Africa Medical Equipment Facility. Dans ce cadre, en ce qui concerne la Côte d'Ivoire, nous avons fait un partenariat à trois avec une banque, en l'occurrence NSIA Banque Côte d'Ivoire, et un équipementier médical, GE. Qu'est-ce que ce partenariat permet ? Il propose aux cliniques ou hôpitaux de tailles moyennes ou plus petites, d'acheter des équipements auprès de GE, d'obtenir un financement auprès de NSIA Banque et une garantie de la SFI pour couvrir une part de risque pour NSIA Banque, ce qui encourage cette dernière à s'engager dans cette opération. Ce programme à trois a permis justement de déployer un nombre d'équipements dans des hôpitaux, notamment les hôpitaux secondaires ou des cliniques. Et le premier pays où nous l'avons fait en Afrique, c'était ici en Côte d'Ivoire. Comme je le dis souvent, la Côte d'Ivoire est notre laboratoire, nous y réalisons des innovations que nous pouvons répliquer ailleurs. Cette expérience, nous l'avons fait au Kenya. Nous l'avons répliqué dans d'autres pays africains avec d'autres partenaires, avec d'autres banques et d'autres équipementiers.

Comme je le dis souvent, la Côte d'Ivoire est notre laboratoire, nous y réalisons des innovations que nous pouvons répliquer ailleurs.

Dans le secteur électrique, IFC a joué un rôle important via les producteurs indépendants qui génèrent aujourd'hui l'essentiel de la production. Et récemment, vous avez pris part à un financement innovant (titrisation) dans le cadre du Programme électricité pour tous (PEPT). Ce type de financement est-il un levier à promouvoir pour des investissements notamment publics ?  

Tout à fait. Parce que quand vous regardez la situation fiscale des gouvernements à travers le monde, il y a les mêmes limitations au niveau de la dette qu'ils peuvent contracter ou des ressources qu'ils peuvent mobiliser pour financer des projets, notamment le développement énergétique. Et la Côte d'Ivoire a adopté très tôt justement cette approche de vouloir nouer des partenariats public-privé et attirer des acteurs privés pour combler ses besoins de financement qui sont importants. Ce sont ainsi des milliards de dollars qui ont été investis pour la génération d'électricité et ce dans différents aspects de la chaîne de valeur. Je vois donc vraiment le programme qui a été développé ici comme un excellent complément du service public apporté par le service privé.

La Côte d'Ivoire a adopté très tôt justement cette approche de vouloir nouer des partenariats public-privé et attirer des acteurs privés pour combler ses besoins de financement.

Vous avez mentionné une opération de titrisation que nous avons faite avec la PEPT qui a permis de lever des fonds auprès du privé pour financer un programme populaire d'accès à l'électricité. C'est une fois encore une innovation, une première en Afrique. L'idée est de faire un montage en utilisant une structure sur laquelle on regarde comment est-ce qu'on va donner l'accès à l'électricité aux ménages et aux petites entreprises qui n'en ont pas accès aujourd'hui. Comme vous le savez en Côte d'Ivoire, il y a un taux d'électrification qui est très élevé maintenant grâce à tous ces programmes qui ont été faits par le passé mais il y a toujours des ménages qui n'y arrivent pas parce que trop éloignés et cela coûte un peu cher pour les connecter. Alors ce que nous avons fait, c'est que nous avons financé cette connexion. Nous avons titrisé l'opération, c'est-à-dire que nous avons utilisé des instruments de marché de capitaux de manière à étaler le paiement sur une période longue.

Ce projet, qui a été signé et lancé là en novembre 2023, va permettre de raccorder 800 000 ménages en 4 ans. C'est un nombre important et encore une fois avec un organisme qui est un organisme public, une participation des marchés privés, donc un vrai partenariat public-privé où chacun joue son rôle, le public comme le privé. Et c'est comme ça que vous arrivez à, je pense, des résultats de développement qui sont très positifs. 

Cette approche pourrait-elle être appliquée à d'autres secteurs ?

Absolument et j'ai eu l'occasion de l'expliquer aux autorités lors de ce voyage ici à Abidjan et c'est justement une des questions qu'ils m'ont posées, à savoir est-ce qu'on pourrait regarder d'autres secteurs sur lesquels on pourrait appliquer des structures similaires.  Et donc nous avons commencé déjà à réfléchir à quelques axes de ce type-là sur d'autres secteurs pour répondre aux besoins des populations.  

Vous évoquiez la question du logement qui est une grosse problématique ici en Côte d'Ivoire et dans ce cas-là, En juin 2023 en marge de l'Africa Ceo Forum, l'IFC avait conclu un important accord avec l'Etat en vue de ‘'concevoir, structurer et lancer un appel d'offres en vue d'établir un PPP commercialement viable''. Quelles sont les avancées enregistrées dans le cadre de cet accord et quel est l'agenda de mise en œuvre ?

Cet accord est un accord important parce que, comme vous le souligniez, il y a en Côte d'Ivoire un déficit de logements qui est quand même assez considérable. Je crois qu'on parlait d'environ 500 à 600 000 logements il y a quelques années et avec la croissance de la population, ce déficit n'a fait qu'augmenter. On s'est posé la question il y a déjà un certain temps avec les autorités ivoiriennes et avec aussi des partenaires sur comment est-ce que nous pouvions aider à apporter des solutions soit portées par le secteur privé, soit en partenariat public-privé, pour pouvoir combler ce déficit de logement.

Au niveau du projet que nous avions annoncé effectivement lors de l'Africa CEO Forum 2023, nous avons fait toute la partie d'identification des terrains, d'analyse technique, d'analyse structurelle, et nous arrivons là maintenant à la phase où nous allons pouvoir faire ce qu'on appelle les appels d'offres et dire quelles sont les entreprises qui seraient intéressées à construire ce programme. Le programme avance et je pense que nous allons pouvoir annoncer des résultats assez rapidement. C'est un modèle intéressant que nous voulons, une fois cette première opération conclue, répliquer parce qu'on parle de 5 000 logements pour le moment, ce qui n'est pas assez.

Mais en parallèle, je tiens à dire que et j'ai profité également de cette visite pour en parler avec un certain nombre d'acteurs à la fois, y compris des entreprises ivoiriennes qui sont capables de construire des logements à l'échelle et que nous voulons soutenir. Et j'ai eu l'occasion d'en parler avec des institutions financières sur la façon dont on peut aider aussi au niveau des prêts hypothécaires, donc des prêts immobiliers parce que pour pouvoir développer ce secteur, il faut aussi que les ménages qui veulent acquérir un logement aient l'accès au financement pour pouvoir le faire. Il est important d'aider à la fois de ce côté-là et du côté des développeurs, de manière à ce que l'ensemble du secteur évolue dans la même direction. 

Avec la récente découverte d'un nouveau gisement d'hydrocarbures au large de ses côtes, l'horizon semble encore plus prometteur pour la Côte d'Ivoire. Mais l'expérience montre aussi que le rêve pétrolier peut aussi se transformer en mirage. Pour vous, comment le pays peut-il réussir à faire de l'or noir un levier d'accélération du développement ?

 D'abord, je dirais que quand on regarde historiquement comment la Côte d'Ivoire s'est développée, on note que c'est un développement qui reposait sur un certain nombre de secteurs ; ce qui confère au pays d'ailleurs sa capacité de résilience.  Je pense que c'est vraiment ce qui est important parce que quand une économie ne dépend que de ressources d'une seule nature et que les marchés fluctuent, cela met souvent ces pays dans une position un peu plus difficile.

Il est important de continuer la diversification de l'économie, faire ce qu'on appelle la complexification …

Aujourd'hui, la croissance de la Côte d'Ivoire repose sur l'activité économique dans des secteurs autres que les ressources pétrolières et gazières. Donc ces ressources additionnelles vont, je pense, renforcer la croissance et vont permettre d'apporter de nouveaux revenus ; c'est évident. Je ne pense pas que ces découvertes vont amener le pays à se détourner de l'agriculture, de l'industrie, des services. Il est donc important de continuer la diversification de l'économie, faire ce qu'on appelle la complexification, c'est-à-dire le fait que l'économie soit plus en plus sophistiquée, de plus en plus complexe. C'est cela qui crée sa richesse avec le développement des secteurs de services et industriels qui, au-delà des secteurs primaires, ajoutent vraiment de la valeur au niveau du pays.       

Vous avez été au Sénégal et puis en Côte d'Ivoire et il a été question d'explorer de nouvelles voies en vue de renforcer vos interventions dans la région. De vos premiers échanges, quels sont les grands changements en vue dans votre politique dans la région ? 

En termes de mes visites dans la région, vous le savez peut-être, nous sommes en train depuis maintenant une ou deux années, sous la direction de notre directeur général Makhtar Diop, de faire évoluer notre façon de travailler en Afrique. Vous avez pu observer que le continent africain se tourne de plus en plus vers lui-même en termes d'échanges, d'investissement et nous sommes convaincus, je suis convaincu, que le développement de l'Afrique sera fait par l'Afrique.

Nous sommes convaincus que le développement de l'Afrique sera fait par l'Afrique.

En tant qu'institution de développement, nous voulons soutenir ce mouvement. Et pour cela, il faut qu'on travaille beaucoup plus avec les champions africains, les grandes entreprises africaines ; il y en a en Côte d'Ivoire, au Sénégal et dans tous les pays d'Afrique. Il s'agit d'entreprises qui sont capables de grandir, de conquérir d'autres marchés, de se régionaliser. Notre appui vise à la mise en place des écosystèmes, de chaînes de valeur régionales qui seront à mon avis les piliers de l'intégration, de l'avenir de l'Afrique.

Cette évolution, on la voit sur le terrain, on la voit chez nos clients, on la voit dans les entreprises avec lesquelles nous travaillons et nous, on doit s'adapter, s'ajuster pour être à même de mieux les servir. Pour cela, il nous faut une meilleure, une plus grande présence sur place. Donc nous avons augmenté nos effectifs ici à Abidjan, à Dakar ; nous avons ouvert plus de bureaux en Afrique. Quand j'ai commencé, nous avions 22 bureaux en Afrique, nous en avons 35 aujourd'hui dans différents pays de manière à pouvoir accompagner ces champions dans toutes les régions du contient où ils voient des opportunités.

C'est vraiment ce thème-là, si vous voulez, que je pousse lors de mes visites en Afrique :  rencontrer des acteurs locaux, voir comment nous pouvons les soutenir.

Jean Mermoz Konandi

Publié le 08/04/24 17:05

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