Ababacar DIAW, Directeur Général d'Impaxis Securities :
Ces taux reflètent une prime de confiance, davantage qu'une prime de risque
Alors que l'État du Sénégal lance un nouvel emprunt obligataire de 300 milliards FCFA, Ababacar DIAW, Directeur Général d'Impaxis Securities, décrypte les motivations et les enjeux d'une opération qui conjugue souveraineté financière, attractivité pour les investisseurs et ouverture au grand public. Il met en lumière une stratégie où la confiance devient le véritable moteur du financement de l'économie nationale, dans un contexte de détente monétaire et de besoins budgétaires pressants.
L'État du Sénégal a choisi de lancer un nouvel emprunt obligataire de 300 milliards FCFA dans un contexte économique régional marqué par des défis budgétaires et des besoins d'investissement croissants. Pouvez-vous nous expliquer les motivations profondes derrière ce choix et comment il s'inscrit dans la stratégie globale de souveraineté financière et de mise en œuvre de l'Agenda Vision 2050 ?
L'État du Sénégal poursuit sa stratégie de financement responsable et souverain par l'émission d'un emprunt obligataire par appel public à l'épargne (APE) d'un montant de 300 milliards FCFA sur le marché financier régional de l'UEMOA.
Cette opération s'inscrit dans le cadre de la Loi de Finances Rectificative 2025 et vise à financer les priorités stratégiques de l'Agenda Sénégal Vision 2050 : éducation, santé, énergie renouvelable, agriculture, numérique, logistique et développement territorial durable.
Il s'agira de la troisième incursion de l'État du Sénégal sur le marché obligataire, après les levées d'avril et de juin qui lui ont déjà permis de mobiliser plus de 750 milliards FCFA via un appel public à l'épargne. Quelle lecture peut-on faire de ce recours répété et inhabituel de Dakar à ce marché ?
Cette levée s'inscrit pleinement dans notre stratégie d'endettement avec un recours plus accru au marché financier qui présente des avantages en termes de transparence et offre une liquidité via le marché secondaire de la BRVM. L'Etat du Sénégal avait annoncé dans son plan de financement au moins trois (3) Appel Public à L'Epargne (APE) et donc cette opération est attendu des investisseurs.
Le taux d'intérêt proposé (entre 6,40% et 6,95%) est compétitif dans la zone UEMOA. Pouvez-vous nous expliquer la logique derrière cette structuration financière et ce qu'elle traduit sur la perception du risque souverain du Sénégal ?
Nous pensons que c'est une véritable aubaine pour les portefeuilles en stratégie ‘'buy and hold'', avec (i) des taux nets supérieurs à 6,5%, sécurisés sur une signature souveraine respectée, et (ii) un contexte de taux en baisse qui renforce la valeur de ces obligations dans le temps. En d'autres termes, l'investisseur qui souscrit aujourd'hui verrouille un rendement attractif dans un environnement de plus en plus accommodant. C'est précisément ce qui fait de cette émission une opportunité stratégique à ne pas manquer.
La fourchette de taux retenue traduit un équilibre recherché entre attractivité pour les investisseurs et soutenabilité pour l'État. Les rendements proposés, compris entre 6,40% et 6,95% (selon la maturité) nets de fiscalité pour les résidents, positionnent cette émission parmi les plus compétitives de la zone UEMOA.
Mais ce qu'il faut surtout souligner, c'est le contexte macro-financier dans lequel cette opération intervient. Après plusieurs années de durcissement monétaire, nous assistons aujourd'hui à une baisse progressive des taux directeurs au niveau mondial et régional. Aux États-Unis, la FED a amorcé un cycle d'assouplissement après la phase de hausse agressive de 2022-2023. Malgré le maintien de son taux directeur par la BCEAO en septembre après une première baisse en juin 2025, force est de constater que les banques se refinancement à des taux autour de 4% vs 5,25% précédemment. Concrètement, cela signifie que la ressource est aujourd'hui beaucoup moins chère qu'au cours des deux dernières années, ce qui offre aux États comme aux investisseurs une fenêtre d'opportunité.
Ces taux reflètent donc une prime de confiance, davantage qu'une prime de risque. Pour les investisseurs, les rendements proposés par l'Etat du Sénégal se situent nettement au-dessus du coût de refinancement bancaire actuel, et donc offrent une prime d'investissement très attractive par rapport à d'autres produits de taux disponibles.
Nous pensons que c'est une véritable aubaine pour les portefeuilles en stratégie ‘'buy and hold'', avec (i) des taux nets supérieurs à 6,5%, sécurisés sur une signature souveraine respectée, et (ii) un contexte de taux en baisse qui renforce la valeur de ces obligations dans le temps. En d'autres termes, l'investisseur qui souscrit aujourd'hui verrouille un rendement attractif dans un environnement de plus en plus accommodant. C'est précisément ce qui fait de cette émission une opportunité stratégique à ne pas manquer.
Impaxis Securities est l'arrangeur et chef de file de cette opération. Pouvez-vous nous raconter les grandes étapes de la conception et de la structuration de cet emprunt, depuis les premières discussions jusqu'au lancement officiel ?
Il est important de rappeler que cette opération n'est pas née en quelques semaines : c'est le fruit d'un travail de longue haleine. En tant que banque d'affaires panafricaine, nous avons construit une relation de confiance solide avec l'État, en étant force de proposition à chaque étape clé de son développement financier. À de multiples reprises, nous avons soumis des idées innovantes, proposé des solutions adaptées aux besoins budgétaires et travaillé à renforcer la crédibilité du Sénégal sur les marchés.
Il est important de rappeler que cette opération n'est pas née en quelques semaines : c'est le fruit d'un travail de longue haleine. En tant que banque d'affaires panafricaine, nous avons construit une relation de confiance solide avec l'État, en étant force de proposition à chaque étape clé de son développement financier. À de multiples reprises, nous avons soumis des idées innovantes, proposé des solutions adaptées aux besoins budgétaires et travaillé à renforcer la crédibilité du Sénégal sur les marchés.
Ce que vous voyez aujourd'hui avec l'emprunt obligataire souverain de 300 milliards FCFA n'est en réalité que la partie émergée de l'iceberg. La conception de cet emprunt a été un travail progressif et collaboratif. Les grandes étapes ont été les suivantes :
Nous avons travaillé avec le Trésor pour identifier les priorités budgétaires, notamment l'apurement de la dette intérieure et le financement des projets stratégiques et prioritaires conformément aux orientations des hautes Autorités.
Nous avons proposé une structuration en quatre tranches complémentaires, avec des maturités allant de 3 à 10 ans. Cette flexibilité permet de répondre aux profils variés des investisseurs : banques, assurances, fonds de pension, mais aussi particuliers
Il y a également toute la phase règlementaire et des discussions avec l'AMF-UMOA.
Dès le mois de septembre, nous avons engagé des échanges avec les investisseurs institutionnels, les banques et la diaspora qui a été appelée à une forte contribution sur cette opération par le Premier Ministre Ousmane Sonko, afin de recueillir leurs attentes et de calibrer l'offre en conséquence.
Enfin nous avons procédé au lancement officiel de l'opération ce jeudi 18 septembre sous la présidence du Ministre des Finances et du Budget qui traduit l'engagement des autorités sénégalaises
Notre rôle de chef de file est d'assurer la fluidité du placement, la transparence de l'allocation et la mobilisation de toutes les catégories d'investisseurs.
En résumé, cette émission est le résultat d'un processus patient, bâti sur la confiance, l'expertise et la constance. Elle illustre parfaitement la mission d'Impaxis : connecter la vision économique des États avec les attentes des investisseurs, dans une logique de valeur durable pour tous.
En tant qu'acteur reconnu du marché financier régional, vous avez acquis une expérience précieuse dans la mobilisation d'investisseurs institutionnels et particuliers. Quelles stratégies spécifiques avez-vous déployées pour assurer le succès de cette opération et atteindre un équilibre entre souscriptions locales et internationales ?
Pour faire simple, notre stratégie repose sur trois axes complémentaires :
Nous avons mené des roadshows ciblés avec les grands acteurs de la zone (banques, compagnies d'assurance, caisses de retraite, fonds de pension etc.). La participation de ces institutionnels la profondeur du marché et l'ancrage de l'opération.
Nous travaillons également étroitement avec les banques locales pour qu'elles relaient la souscription auprès de leur clientèle et qu'elles participent elles-mêmes aux tranches longues, ce qui sécurise la courbe de maturité.
Accessibilité au grand public et à la diaspora : Enfin, nous avons digitalisé le parcours de souscription via nos SGI partenaires et des plateformes partenaires, permettant à tout citoyen, même depuis l'étranger, d'investir dès 10 000 FCFA. C'est un pas concret vers la démocratisation de l'accès aux produits souverains.
Cette levée de fonds vise à mobiliser aussi bien l'épargne institutionnelle que citoyenne. Quels défis particuliers cela représente-t-il en termes de communication, de pédagogie financière et de mobilisation de la confiance ?
Pour les particuliers et la diaspora, un discours simple et concret. Nous expliquons que cet emprunt est une opportunité de placer son argent en toute sécurité, de générer un rendement net supérieur à 6,5%, et surtout de contribuer directement au développement du pays.
C'est effectivement le plus grand défi : parler à la fois aux experts et au grand public. Pour y parvenir, nous avons adopté une approche pédagogique différenciée.
Pour les institutionnels, une communication technique et documentée, avec des attraits de la transaction clairement identifiés. Nous avons également organisé des évènements dédiés à cette catégorie d'investisseurs.
Pour les particuliers et la diaspora, un discours simple et concret. Nous expliquons que cet emprunt est une opportunité de placer son argent en toute sécurité, de générer un rendement net supérieur à 6,5%, et surtout de contribuer directement au développement du pays.
Nous utilisons des supports digitaux, des vidéos explicatives, des infographies, mais aussi des relais communautaires (associations, chambres de commerce de la diaspora).
Le leitmotiv de cette opération, c'est confiance. Confiance dans la signature du Sénégal et confiance dans Impaxis en tant qu'arrangeur.
Dr Ange Ponou
Publié le 22/09/25 20:00