COURS | GRAPHIQUES | ACTUS | FORUM |
À l'heure où les dirigeants de l'Union africaine se réunissent à Malabo, un rapport choc d'Oxfam révèle l'ampleur des inégalités sur le continent : les quatre Africains les plus riches détiennent à eux seuls plus de richesses que la moitié de la population africaine. Ce constat implacable illustre une réalité désormais impossible à ignorer : l'Afrique est confrontée non pas à un manque de ressources, mais à une répartition défaillante de celles-ci.
Une richesse concentrée, une pauvreté généralisée
Selon le rapport d'Oxfam intitulé ‘'La crise de l'inégalité en Afrique et la montée des ultra-riches'', publié à la veille du sommet de l'Union africaine, quatre milliardaires africains possèdent 57,4 milliards de dollars, soit plus que les 750 millions de personnes les plus pauvres du continent réunies. Un déséquilibre moralement indéfendable, que Fati N'Zi-Hassane, directrice d'Oxfam en Afrique, dénonce comme un échec politique, fruit d'un système ‘'truqué'' qui favorise une minorité tout en privant la majorité des services essentiels.
Le rapport va plus loin en avançant qu'en seulement trois jours, un membre du 1% le plus riche gagne ce que gagne en un an une personne issue de la moitié la plus pauvre.
Si les cinq plus riches du continent perdaient 99,99% de leur fortune, ils resteraient encore 56 fois plus riches que la moyenne africaine.
Les hommes détiennent trois fois plus de richesses que les femmes, un record mondial d'inégalité entre les sexes.
Des politiques publiques au service d'une élite
Malgré la montée de la pauvreté — 70% des personnes vivant dans l'extrême pauvreté dans le monde se trouvent désormais en Afrique, contre 10% en 1990 — les gouvernements africains continuent de réduire les budgets des services sociaux tout en protégeant fiscalement les plus riches.
La pression fiscale repose de plus en plus sur les impôts indirects, comme la TVA, régressifs et aggravant les inégalités. Pendant ce temps, les impôts sur la fortune sont quasi inexistants. L'Afrique ne prélève en moyenne que 0,3% de son PIB sur le patrimoine, loin derrière l'Amérique latine (0,9%) ou les pays de l'OCDE (1,8%).
Conséquence, près de la moitié des pays africains ont vu leurs inégalités de revenus se creuser ou stagner sur la dernière décennie, alors même que les ultra-riches ont accru leur fortune de 56% en cinq ans.
Dette, austérité, abandon des plus vulnérables
Le rapport pointe également la responsabilité des politiques d'austérité encouragées par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Entre 2023-2024, 94% des pays africains ayant bénéficié de prêts ont diminué leurs dépenses en éducation, santé et protection sociale pour rembourser leur dette, compromettant directement les objectifs de l'Union africaine en matière de réduction des inégalités.
Tandis que les milliardaires prospèrent, des millions d'Africains survivent avec deux dollars par jour.
Taxer les ultra-riches, une solution concrète et réalisable
Oxfam avance des mesures chiffrées et réalisables. Selon l'ONG internationale, en augmentant d'un point les impôts sur la richesse des 1% les plus riches et de dix points ceux sur leur revenu, les pays africains pourraient lever 66 milliards de dollars par an, soit 2,3% du PIB continental. Une manne suffisante pour assurer l'éducation gratuite de qualité et raccorder tous les foyers à l'électricité.
L'exemple des Seychelles démontre que l'équité est possible. Depuis 2000, les 50% les plus pauvres y ont vu leurs revenus progresser de 76%, tandis que les 1% les plus riches ont perdu deux tiers de leur part de richesse. Le pays garantit en outre des soins de santé universels, une éducation gratuite et une protection sociale solide.
Alors que les chefs d'État se réunissent cette semaine, le temps des diagnostics est révolu. ‘'La solution est de taxer les riches et investir dans la majorité. Toute autre voie serait une trahison'', martèle Fati N'Zi-Hassane.
L'Afrique ne manque pas de ressources. Elle manque de volonté politique pour les redistribuer équitablement. Si le continent veut bâtir un avenir plus juste, la taxation des grandes fortunes et des revenus extrêmes doit devenir un pilier central de ses réformes économiques. À défaut, le rêve d'un développement partagé continuera d'échapper à la majorité du continent.
La Rédaction
Publié le 10/07/25 08:28
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le avec vos amis en cliquant sur les boutons ci-dessous :