C'est devant un parterre de personnalités africaines et internationales que le Professeur Benedict Oramah a livré, ce 24 octobre au Caire, un discours d'adieu à la fois émouvant et historique, marquant la fin d'une ère à la tête de la Banque africaine d'import-export (Afreximbank).
L'événement, empreint d'une solennité rare, a réuni un casting prestigieux : Dr George Elombi, président élu, les anciens présidents de la banque Christopher Edordu et Jean-Louis Ekra, le Secrétaire général de la ZLECAf, Wamkele Mene, ainsi que deux anciens chefs d'État africains, Macky Sall (Sénégal) et Mahamadou Issoufou (Niger), sans oublier le magnat nigérian Aliko Dangote. Tous ont salué la contribution exceptionnelle d'un dirigeant qui, en dix ans de mandat, aura profondément redéfini le rôle d'Afreximbank dans la construction d'une économie africaine intégrée et souveraine.
Un héritage économique et institutionnel sans équivalent
Dans un discours dense de plus d'une heure, Benedict Oramah a retracé une trajectoire personnelle et collective qui se confond avec l'histoire de l'institution elle-même. Arrivé à la banque en 1994 comme cadre pionnier, il en prendra les rênes en 2015, à un moment charnière où l'Afrique cherchait à se réinventer face aux crises des matières premières.
Sous sa présidence, le bilan est impressionnant : le bilan de la banque a été multiplié par plus de sept, passant de 6 à 44 milliards de dollars en dix ans ; près de 155 milliards de dollars ont été décaissés pour soutenir le développement du continent ; les revenus et dividendes cumulés ont atteint 1,4 milliard de dollars ; et surtout, ‘'l'intra-africanisme économique'' est devenu un levier concret, et non plus un slogan.
Benedict Oramah a rappelé les initiatives phares de cette décennie : la mise en place du PAPSS, système panafricain de paiements et de règlements transfrontaliers ; le Fonds d'ajustement de la ZLECAf ; la création du Salon Intra-Africain du Commerce (IATF), qui a généré plus de 170 milliards de dollars d'accords commerciaux ; ou encore la standardisation de 500 normes industrielles et pharmaceutiques à l'échelle du continent.
‘'Nous avons dû nous battre sur tous les fronts, car l'Afrique ne pouvait plus se contenter de rêver son intégration, il fallait la bâtir'', a lancé Benedict Oramah, rappelant que son ambition fut d'enraciner la souveraineté africaine dans les faits, non dans les discours.
Un bâtisseur du commerce intra-africain
Pour le président sortant, Afreximbank devait devenir ‘'le moteur de la décolonisation économique de l'Afrique''. En s'attaquant aux obstacles structurels — absence de chaînes de valeur régionales, multiplicité des devises, faiblesse de l'infrastructure logistique —, la banque a voulu ‘'renverser la stratégie coloniale du diviser pour régner''.
Grâce à des initiatives comme les zones économiques spéciales, le soutien aux industries lourdes (notamment le projet de la raffinerie de Dangote) ou la plateforme numérique Africa Trade Gateway, l'institution a ancré sa mission dans une logique d'autonomisation. Son rôle décisif durant la pandémie de Covid-19, avec plus de 10 milliards de dollars de financements d'urgence et la facilitation de l'achat de vaccins, a consolidé son statut de ‘'banque des crises africaines''.
Un passage de témoin sous le signe de la continuité
L'un des moments les plus applaudis du discours fut la passation symbolique à Dr George Elombi, son successeur, présenté comme ‘'un frère, un compagnon de route depuis trente ans''. Benedict Oramah s'est dit ‘'pleinement confiant'' dans la capacité du nouveau président à ‘'rendre les dix prochaines années encore plus remarquables que les dix dernières''.
L'économiste nigérian a également exprimé sa reconnaissance envers les partenaires multilatéraux (Banque africaine de développement, Banque mondiale, Agence française de développement, KfW, etc.) et les actionnaires africains qui ont renforcé les fonds propres de la banque, même en période de crise.
Dans la dernière partie de son allocution, le ton s'est fait plus introspectif. Le président sortant a rendu hommage à ses mentors, notamment le professeur Adeniyi Osuntogun et les anciens présidents Christopher Edordu et Jean-Louis Ekra, à sa famille, et aux milliers de collaborateurs d'Afreximbank qu'il a surnommés ‘'les véritables artisans de la réussite africaine''. ‘'Nous avons prouvé que l'Afrique peut bâtir ses propres institutions, mobiliser ses ressources et écrire son destin. Le combat n'est pas terminé, mais nous avons redressé le cours de l'histoire''.
Ces mots, prononcés sous les applaudissements nourris des chefs d'État et partenaires présents, résonnent comme un testament ; celui d'un homme qui aura fait d'Afreximbank non seulement une banque, mais une institution de souveraineté continentale.
Envoyé spécial au Caire, Egypte
Dr Ange Ponou
Publié le 25/10/25 15:31