Conférence sur la dette : L’Afrique veut restaurer sa souveraineté budgétaire

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À l'heure où les vulnérabilités financières minent les économies africaines, Lomé, capitale togolaise, accueille du 12 au 14 mai 2025 la première Conférence de l'Union africaine sur la dette, rassemblant plus de 500 décideurs – chefs d'État, ministres des Finances, gouverneurs de banques centrales, partenaires techniques et société civile – autour d'un enjeu aussi crucial que complexe : la souveraineté budgétaire de l'Afrique.

Dans un contexte de surendettement croissant, le paradoxe africain est patent : un continent riche en ressources, mais pris dans l'étau d'un financement extérieur souvent court-termiste, coûteux et peu adapté à ses besoins structurels. Claver Gatete, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Afrique (CEA), a donné le ton : ‘'L'Afrique n'est pas seulement confrontée à une crise de la dette, elle fait face à une crise de développement''.

Loin des discours alarmistes habituels, la conférence de Lomé a posé les bases d'un discours de rupture : penser la dette non plus comme un fardeau, mais comme un levier stratégique, à condition qu'elle soit utilisée à bon escient, pour financer l'énergie, l'industrie, les infrastructures — des investissements productifs à fort retour économique et social.

Cinq piliers pour une souveraineté retrouvée

Dans un exposé structuré, Claver Gatete a formulé cinq impératifs pour restaurer la souveraineté budgétaire de l'Afrique, en réconciliant discipline macroéconomique, innovation financière et vision panafricaine :

- Repenser la dette comme outil de transformation : la dette n'est pas une mauvaise chose en soi. Tout dépend de son usage. Investir dans des secteurs à fort effet multiplicateur permet d'assurer un remboursement soutenable tout en catalysant la croissance.

- Instaurer une culture de transparence et de responsabilité : pour éviter les pièges de la dette cachée ou mal structurée, il faut mieux comptabiliser les engagements de l'État, y compris ceux des entreprises publiques, et publier des données fiables. Cela renforce la confiance des créanciers et des citoyens.

- Réformer l'architecture financière mondiale : l'actuel système, jugé biaisé en faveur des créanciers, ne reflète ni la réalité des économies africaines ni leurs perspectives. L'Afrique appelle à un nouveau multilatéralisme, incluant la création d'une agence africaine de notation et la refonte du Cadre commun du G20.

- Favoriser un financement innovant et durable : les obligations vertes et bleues, les échanges de dette contre action climatique, ou encore les prêts indexés sur la durabilité sont autant de pistes à promouvoir. L'Afrique veut se positionner à l'avant-garde du financement climatique, en lien avec ses besoins de développement.

- Mobiliser les ressources intérieures : cela passe par une réforme fiscale ambitieuse, la lutte contre les flux financiers illicites et surtout la dynamisation des marchés de capitaux nationaux. La ZLECAf, Zone de libre-échange continentale africaine, est présentée comme le socle structurel de cette reconquête économique.

Le président ghanéen John Dramani Mahama a enrichi le débat en rappelant que la viabilité de la dette ne se mesure pas uniquement au ratio dette/PIB, mais à sa gouvernance et à sa finalité. Il a insisté sur la nécessité de négociations coordonnées avec les créanciers, dans une logique de transparence et d'équité.

Même son de cloche du côté de la Commission de l'Union africaine : ‘'La crise de la dette est devenue une crise du développement humain'', a averti Moses Vilakazi, appelant à des solutions africaines pour des problèmes africains.

Vers une Déclaration de Lomé

Les débats devraient déboucher sur la Déclaration de Lomé, document politique qui actera une position africaine commune sur la gouvernance de la dette. Il servira de boussole dans les futures négociations internationales.

Car au-delà des chiffres, c'est une question de souveraineté : la capacité des États africains à décider de leur avenir, à financer leur développement selon leurs priorités, et à se libérer du piège d'une dépendance chronique aux bailleurs extérieurs.

Dr Ange Ponou

Publié le 13/05/25 11:29

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