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En 2025, la dépendance aux produits de base demeure l'un des talons d'Achille des économies africaines. Plus des deux tiers des pays en développement restent tributaires de l'exportation de matières premières, selon le dernier rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), une situation structurelle qui freine leur résilience économique, perpétue leur vulnérabilité aux chocs extérieurs et entrave toute transformation industrielle durable.
L'Afrique, en particulier, incarne de manière criante cette impasse, avec une baisse notable de la valeur de ses exportations de produits de base sur la période 2021-2023.
Un modèle économique à bout de souffle
La dépendance à un nombre restreint de matières premières – pétrole, minerais ou cacao – rend les économies africaines extrêmement sensibles aux aléas des marchés mondiaux. Entre 2021 et 2023, l'Afrique a vu la valeur de ses exportations de produits de base reculer de 5,6%, une chute due principalement à la baisse de 20% des prix du pétrole et au repli des volumes d'exportation de géants comme le Nigéria, l'Algérie et l'Angola.
Or, selon les standards internationaux, un pays est considéré comme ‘'dépendant des produits de base'' lorsque ceux-ci représentent plus de 60% de ses exportations de marchandises. C'est le cas de la majorité des pays africains, qui peinent à élargir leur base productive et à développer des chaînes de valeur locales.
Alors que le commerce mondial des marchandises a progressé de 25,6% entre 2012-2014 et 2021-2023, celui des produits de base n'a augmenté que de 15,5%, traduisant une érosion relative de leur part dans les échanges mondiaux. Si les produits énergétiques continuent de dominer (44,5% des exportations de produits de base), leur poids a décliné en dix ans, tandis que les produits agricoles et miniers montent en puissance, avec des hausses respectives de 34% et 33,4%.
Cette dynamique offre à l'Afrique une double lecture : d'un côté, la confirmation de sa fragilité face à l'évolution des cours mondiaux ; de l'autre, une opportunité à saisir pour diversifier ses exportations autour de l'agriculture de transformation, des minerais stratégiques (cobalt, lithium) ou de l'agro-industrie.
Le piège de la rente et l'urgence de la diversification
Le rapport de la CNUCED sonne une fois encore l'alarme : l'abondance en ressources naturelles ne garantit ni développement ni prospérité. Au contraire, l'absence de diversification économique continue d'exposer les pays africains à une croissance erratique, fortement corrélée aux prix internationaux des matières premières.
C'est pourquoi l'enjeu fondamental réside dans la transformation locale de ces ressources, la montée en gamme des exportations et la valorisation des chaînes de production internes.
L'industrie locale, l'investissement dans l'innovation et l'essor des PME sont des vecteurs essentiels pour rompre avec le modèle extractif actuel.
Vers une souveraineté économique fondée sur la valeur ajoutée
Les données du rapport offrent aux décideurs africains une cartographie précise des risques et des leviers potentiels. Il s'agit désormais de passer de l'analyse à l'action en renforçant les politiques industrielles, en diversifiant les partenaires commerciaux, en investissant dans l'éducation technique, mais aussi mettre en place des incitations fiscales et logistiques pour développer l'exportation de produits transformés.
La CNUCED insiste également sur l'importance de stratégies différenciées selon les ressources et les régions. En Afrique de l'Ouest, l'essor de l'agro-industrie pourrait transformer le coton, le cacao ou le karité en relais de croissance, tandis qu'en Afrique centrale, la transformation des minerais pour les chaînes de valeur mondiales (batteries, transition énergétique) représente une opportunité historique.
Dr Ange Ponou
Publié le 23/07/25 21:07
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