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En partenariat avec le Groupe de la Banque mondiale, la Côte d'Ivoire franchit une étape majeure dans la structuration de sa stratégie de financement durable avec le lancement officiel de son cadre de financement lié à la durabilité (" Sustainability-Linked Financing "). Une première du genre en Afrique subsaharienne, ce mécanisme lie directement les conditions d'emprunt du pays à la réalisation d'objectifs climatiques ambitieux, notamment dans l'énergie renouvelable et la gestion forestière.
Un levier de transformation économique et écologique
Le nouveau cadre engage l'État ivoirien sur deux fronts essentiels à l'horizon 2030. D'une part, le pays s'engage à porter à 11 % la part des énergies renouvelables (hors hydroélectricité) dans sa capacité électrique installée, contre 1 % aujourd'hui. D'autre part, il vise à limiter la perte nette de forêt à 300 000 hectares entre 2025 et 2030, tout en restaurant un million d'hectares de couvert végétal. Ces objectifs devraient générer des emplois dans les secteurs verts, renforcer la résilience climatique et contribuer à la diversification de l'économie.
Selon Marie-Chantal Uwanyiligira, directrice des opérations de la Banque mondiale pour la Côte d'Ivoire, cette initiative " donne les moyens à la Côte d'Ivoire d'apporter des changements transformateurs au bénéfice des générations futures ", tout en positionnant le pays comme un chef de file africain en matière de finance durable.
Un système d'incitation financière inédit
Le mécanisme repose sur un principe simple mais puissant : le coût du financement contracté par la Côte d'Ivoire est modulé selon la performance du pays dans l'atteinte de ses objectifs de durabilité. Une baisse des taux d'intérêt est prévue en cas de surperformance (" step-down "), tandis qu'un dépassement négatif des objectifs entraînera un renchérissement (" step-up ").
Voir aussi - Côte d'Ivoire : La BAD approuve une garantie pour soutenir la levée de fonds verts et sociaux
Cette approche repose sur des outils de suivi rigoureux. Chaque année, le ministère des Finances publiera un rapport d'étape sur les indicateurs-clés, basé notamment sur l'imagerie satellite et la surveillance géospatiale à l'échelle nationale. La crédibilité du dispositif est renforcée par l'application de la méthodologie FAB de la Banque mondiale, qui évalue à la fois la faisabilité et l'ambition des objectifs retenus, en les alignant sur les engagements nationaux et les standards internationaux.
Une première opération de prêt durable attendue
Le cadre ainsi défini ouvre la voie à une première opération de prêt liée à la durabilité (" Sustainability-Linked Loan "), que le gouvernement envisage de lancer dans les mois à venir. Cette opération sera appuyée par une structure de garantie innovante combinant les outils de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et de l'Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA), touts deux membres du Groupe de la Banque mondiale, dans un schéma de type première perte / deuxième perte. L'objectif : attirer les capitaux privés à moindre coût tout en sécurisant les risques pour les investisseurs.
Ce prêt inaugural marquera une avancée stratégique dans la feuille de route du financement mixte de la Côte d'Ivoire. Il s'appuie sur l'expertise technique apportée par la Banque mondiale dans le cadre du Programme conjoint des marchés de capitaux (JCAP), cofinancé par plusieurs partenaires internationaux.
En combinant innovation financière, responsabilité environnementale et impact social, la Côte d'Ivoire impose une nouvelle référence pour les pays africains en quête de financement soutenable. Ce modèle, salué par la communauté internationale, démontre qu'il est possible de conjuguer rigueur budgétaire, ambition climatique et attractivité pour les investisseurs.
Jean Mermoz Konandi
Publié le 02/07/25 14:19
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