Fuite de données ANKA : Un signal d’alarme pour la cybersécurité africaine ou quand la confiance numérique vacille

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Par Gaëlle Koanda, CISA, CISM

La cybersécurité africaine vient de recevoir un sérieux avertissement. En novembre, plus d'un demi-million de comptes de la plateforme ANKA — fleuron du commerce numérique africain — auraient été compromis, exposant des données sensibles sur le dark web. Au-delà du choc, cet incident met en lumière les failles structurelles d'un écosystème numérique en pleine expansion, où l'innovation avance souvent plus vite que la sécurité.

Entre urgence de protection des données, déficit de compétences locales et besoin de gouvernance, l'affaire ANKA illustre le défi majeur qui attend le continent : bâtir une transformation numérique solide, durable… et résiliente.

Ce mois de novembre, la nouvelle a surpris le monde de la tech africaine : plus d'un demi-million de comptes ANKA auraient été compromis.

Pour certains, ce n'est qu'un incident parmi d'autres. Mais pour les professionnels de la cybersécurité, c'est un signal d'alarme majeur.

ANKA n'est pas une simple plateforme : c'est un pilier de la transformation numérique africaine. Grâce à ses services (Shipping, Pay, Marketplace), des milliers de créateurs, commerçants et PME africains exportent leurs produits à travers le monde. Mais cette fuite révèle une vérité dérangeante : notre transformation numérique avance plus vite que notre résilience cyber.

Une brèche révélatrice de failles structurelles

Selon les rapports publiés par CIO Mag et Botcrawl, 537 877 utilisateurs ont vu leurs données personnelles exposées : noms, e-mails, numéros de téléphone, dates de naissance, genre et – fait inquiétant – des jetons d'authentification actifs.

Ces fichiers, totalisant près de 12 Go de données, auraient circulé sur le dark web, ouvrant la porte à des connexions frauduleuses et des usurpations d'identité.

Les analyses évoquent plusieurs causes possibles :

- un endpoint d'API mal protégé,

- des jetons d'accès non expirés,

- ou encore une mauvaise configuration d'un serveur cloud.

En d'autres termes : des erreurs techniques évitables, mais fréquentes dans les environnements à forte croissance.

L'Afrique numérique : croissance rapide, sécurité fragile

Le continent vit une révolution numérique sans précédent, mais la sécurité n'avance pas au même rythme que l'innovation.

Cinq réalités expliquent cette fragilité :

  1. Budgets cybersécurité insuffisants – souvent absorbés par la communication ou le marketing.
  2. Manque de compétences locales – les experts formés quittent le continent ou sont sursollicités.
  3. Faible culture de conformité – les normes comme ISO 27001, NIST 800-53 ou RGPD sont peu appliquées.
  4. Absence d'obligation de transparence – beaucoup d'entreprises ne déclarent pas leurs incidents.
  5. Croissance sans gouvernance – l'expansion technologique se fait sans structure de gestion du risque.

La confiance : nouvelle monnaie du numérique

Une fuite de données ne se mesure pas seulement en gigaoctets perdus, mais en confiance érodée.

Chaque adresse e-mail, chaque numéro de téléphone exposé, c'est une relation client fragilisée, une marque affaiblie, un écosystème numérique qui perd en crédibilité.

Aujourd'hui, la cybersécurité doit être perçue non comme une contrainte, mais comme le socle de la confiance numérique africaine.

Les pertes économiques liées à la cybercriminalité en Afrique dépassent déjà 4 milliards de dollars par an, selon l'Union africaine.

Ce que l'incident ANKA doit nous enseigner

  1. Sécurité dès la conception

Les jeunes entreprises doivent adopter la “Security by Design” : protéger leurs données, leurs API et leurs flux dès le développement initial.

  1. Leadership cyber au niveau exécutif

Les PDG, DAF et directeurs IT doivent être formés à la gouvernance du risque cyber.

La sécurité n'est plus un sujet technique — c'est un sujet stratégique.

  1. Collaboration régionale et transparence

L'Afrique a besoin de CERT régionaux solides, de partage d'informations et d'une culture de déclaration ouverte des incidents.

Que doivent faire les utilisateurs d'ANKA ?

Si vous avez un compte sur la plateforme ANKA, il est essentiel d'agir immédiatement :

  1. Changez votre mot de passe sur ANKA, et sur tout autre site où vous utilisez le même.
  2. Activez l'authentification à deux facteurs (2FA) si l'option est disponible.
  3. Surveillez vos comptes bancaires et paiements récents.

Si votre carte est liée à la plateforme, contactez votre banque pour demander une nouvelle carte ou faire bloquer les paiements suspects.

  1. Ne cliquez sur aucun lien d'e-mail suspect prétendant venir d'ANKA.

Les cybercriminels peuvent exploiter la situation pour lancer des campagnes de phishing.

  1. Restez informés : suivez les canaux officiels d'ANKA pour tout communiqué de sécurité ou nouvelle mise à jour.

Protéger ses données n'est pas qu'un réflexe — c'est une responsabilité individuelle et collective.

Transformer la crise en opportunité

La fuite d'ANKA ne doit pas être vue comme une honte, mais comme une opportunité collective de progrès.

Chaque incident doit nous pousser à renforcer nos cadres de sécurité, à sensibiliser nos dirigeants et à créer des passerelles entre innovation et gouvernance.

Nous avons les talents, les cerveaux et l'énergie nécessaires.

Ce qu'il nous faut maintenant, c'est une vision commune : celle d'une Afrique numérique résiliente, souveraine et digne de confiance.

“La cybersécurité n'est pas une dépense. C'est un investissement dans la confiance, la réputation et la continuité.”

À propos de l'auteure

Gaëlle Koanda, CISA, CISM est une experte en gouvernance et cybersécurité, finaliste mondiale du SANS Difference Makers Award 2025 et Vice-Présidente Éducation du chapitre ISACA Denver.

En Afrique, elle est Présidente-fondatrice de WiCyS Côte d'Ivoire & Burkina Faso, la première affiliation francophone du réseau mondial Women in Cybersecurity (WiCyS).

À travers ses programmes tels que The Gaëlle Initiative et SheLeadsTech Colorado, elle bâtit des ponts entre le Colorado et l'Afrique francophone afin de promouvoir une cybersécurité inclusive, inspirante et porteuse d'opportunités pour les femmes et les jeunes.

 

La Rédaction

Publié le 11/11/25 13:51

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