En mai 2024, à l'issue des consultations au titre de l'article IV, le Fonds monétaire international (FMI) dressait un diagnostic contrasté de l'économie gabonaise. L'institution saluait la résilience de la reprise post-pandémique et une inflation contenue sous le seuil communautaire de la BEAC, mais alertait déjà sur une dégradation rapide des équilibres budgétaires. Près de vingt mois plus tard, alors que Fitch Ratings a abaissé la note souveraine du Gabon à " CCC- " en devises et " CC " en monnaie locale, les signaux pointés à l'époque par le FMI semblent progressivement se matérialiser.
Le FMI relevait en particulier l'aggravation des déficits hors pétrole en 2022 et 2023, qui avaient conduit à une accumulation rapide d'arriérés et porté la dette publique à environ 70,5% du PIB, au-delà du plafond communautaire de la CEMAC. Les projections actuelles confirment cette trajectoire. Fitch anticipe une dette publique atteignant plus de 80% du PIB en 2025, avec une poursuite de la hausse en 2026 et 2027 sous l'effet de déficits budgétaires persistants et de conditions de financement de plus en plus contraignantes sur le marché régional.
Au-delà de la dynamique de la dette, le FMI mettait également en garde contre des risques de liquidité à court terme susceptibles de fragiliser la viabilité financière de l'État. Ces tensions sont aujourd'hui visibles à travers l'accumulation d'arriérés de paiement, tant intérieurs qu'extérieurs, et la dépendance croissante du Gabon au financement sur le marché régional de la CEMAC. Fitch souligne notamment la détérioration de l'accès aux financements externes et la pression exercée par des amortissements élevés en monnaie locale, qui pèsent sur la trésorerie publique.
Sur le plan macroéconomique, les perspectives de croissance avancées par le FMI apparaissent également en ligne avec les tendances observées. L'institution estimait que la croissance gabonaise convergerait vers un rythme d'environ 2,6% à long terme, insuffisant pour relever durablement le revenu par habitant. Si la politique budgétaire expansionniste soutient encore l'activité à court terme, Fitch anticipe déjà un ralentissement de la croissance à partir de 2026, sous l'effet du resserrement des conditions de financement et de la baisse attendue des recettes pétrolières.
Par ailleurs, le FMI insistait sur la nécessité d'une consolidation budgétaire, d'un renforcement de la gouvernance et d'une diversification plus rapide de l'économie pour éviter une déstabilisation des perspectives macroéconomiques. L'absence de programme avec le FMI, conjuguée à une politique budgétaire toujours expansionniste et à des faiblesses persistantes en matière de gestion des finances publiques, laisse aujourd'hui ouverte une question : le Gabon parviendra-t-il à infléchir sa trajectoire avant que les risques identifiés dès 2024 ne s'imposent pleinement comme des contraintes structurelles ?
La Rédaction
Publié le 23/12/25 11:45