COURS | GRAPHIQUES | ACTUS | FORUM |
Le gouvernement camerounais a officiellement clôturé, le 16 mai 2025, la deuxième phase du projet d'autonomisation des femmes et de dividende démographique au Sahel (SWEDD 2), à l'occasion d'une cérémonie tenue à l'Hôtel de ville de Yaoundé. Orchestrée par le ministre de l'Économie, Alamine Ousmane Mey, cette cérémonie a été marquée par la remise d'équipements à plusieurs ministères impliqués dans le projet, dont ceux de la Santé, de la Jeunesse et de la Promotion de la femme.
Mais cette clôture protocolaire masque une réalité bien moins reluisante. Le Cameroun a perdu 29 milliards FCFA de financements dans le cadre de ce programme soutenu par la Banque mondiale. Selon le document d'évaluation final validé par l'institution, le projet avait démarré en juin 2022 avec un budget initial de 75 millions de dollars (environ 44,9 milliards FCFA, au cours de l'époque). Toutefois, face à des " retards accumulés dans le démarrage effectif des activités ", la Banque mondiale a procédé à une restructuration du projet en février 2024. Le montant du crédit a alors été ramené à 16 milliards FCFA, soit une réduction de 66 %.
À la suite de cette révision, un plan de travail budgétisé annuel (PTBA) de 13 milliards FCFA a été adopté en mars 2024. À la date de clôture effective du projet, fixée au 31 décembre 2024, environ 11 milliards avaient été consommés. Le solde non engagé, soit les 29 milliards FCFA de crédits initiaux restants, a été annulé à la demande du gouvernement camerounais.
Déjà, une mission d'évaluation conduite par la Banque mondiale en février 2024 avait qualifié les progrès du SWEDD 2 d'" insatisfaisants ". L'impact du projet sur les populations cibles — femmes et jeunes des régions de l'Extrême-Nord, du Nord et de l'Adamaoua a été jugé très limité. Le taux de décaissement à cette date plafonnait à seulement 8,3 %, soit 3,2 milliards FCFA sur l'enveloppe initiale.
Face à ces performances jugées préoccupantes, le projet a été réorienté dans l'urgence. Une période de grâce de quatre mois, allant jusqu'au 30 avril 2025, a permis d'accélérer l'exécution des dépenses jugées éligibles. Les autorités camerounaises assurent aujourd'hui que le taux de décaissement final atteint 81,1 % sur l'enveloppe restructurée.
Le gouvernement met en avant plusieurs résultats, notamment dans les secteurs de l'éducation et de la santé : 4 430 bourses accordées, 17 238 frais d'examen pris en charge, 32 000 kits scolaires distribués, 1 040 vélos remis à des élèves. En matière de santé reproductive, 1 million de contraceptifs ont été distribués et 602 sage-femmes formées. Le projet a aussi permis la création de 45 " espaces sûrs " et la sensibilisation de 250 leaders communautaires contre les violences basées sur le genre.
Cependant, malgré ces réalisations, la Banque mondiale a souligné dans ses rapports de graves déficiences de gouvernance. L'équipe nationale de mise en œuvre du SWEDD 2 a été jugée pléthorique et peu performante comparée aux autres pays bénéficiaires du programme. À cela s'ajoutent des retards dans le paiement des prestataires et des enseignants, ainsi que des blocages dans le transfert de fonds attendus par certains partenaires comme l'UNICEF.
Dans son allocution finale, le ministre de l'Économie a appelé à " pérenniser les acquis " du programme, insistant sur son alignement avec la stratégie d'émergence du pays à l'horizon 2035. Mais la perte de deux tiers du financement initial sonne comme un revers majeur pour un projet censé améliorer durablement les conditions de vie des femmes dans les régions les plus vulnérables du Cameroun.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 26/05/25 12:23
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le avec vos amis en cliquant sur les boutons ci-dessous :