Le Ghana et la Banque africaine d'import-export (Afreximbank) ont officiellement tourné la page d'un différend financier sensible qui menaçait à la fois la trajectoire de redressement macroéconomique d'Accra et l'équilibre du financement du développement sur le continent. Les deux parties ont en effet annoncé avoir résolu “à la satisfaction mutuelle” les questions liées à une facilité de crédit de 750 millions de dollars, soit 417,8 milliards FCFA, signée en 2022, ouvrant la voie à la poursuite de leur partenariat stratégique.
Dans un communiqué succinct conjoint publié ce 25 décembre, le ministère ghanéen des Finances et Afreximbank ont salué un règlement qui permet de préserver la coopération en faveur du programme de développement du Ghana, sans toutefois divulguer les termes financiers précis de l'accord. Une discrétion révélatrice de la sensibilité du dossier, tant les enjeux dépassaient largement le cadre bilatéral.
Un différend né de la crise de la dette
Le litige s'était cristallisé dans le sillage du défaut de paiement du Ghana en décembre 2022 et de l'accord de soutien conclu avec le Fonds monétaire international (FMI). Engagé dans une vaste restructuration de sa dette, Accra avait renégocié environ 13 milliards de dollars d'euro-obligations, 5,1 milliards de dollars de prêts bilatéraux et plus de 200 milliards de cedis de dette intérieure.
C'est dans ce contexte que le gouvernement ghanéen avait cherché à inclure la créance d'Afreximbank, évaluée entre 750 et 768 millions de dollars selon les instruments, dans son périmètre de restructuration. La banque panafricaine s'y était fermement opposée, invoquant son statut de créancier privilégié, qu'elle estime comparable à celui des institutions de Bretton Woods, telles que le FMI ou la Banque mondiale. ‘'Le gouvernement ghanéen ne considère pas Afreximbank comme un créancier privilégié'', avait alors affirmé le ministre des Finances Cassiel Ato Forson, soulignant que cette dette faisait partie intégrante de l'enveloppe à restructurer. Une position qui avait conduit à une impasse prolongée.
Des répercussions au-delà du Ghana
Ce désaccord n'était pas sans conséquences systémiques. Il avait contribué à fragiliser la perception du risque autour d'Afreximbank, poussant Fitch Ratings à abaisser en juin sa note de crédit à long terme à BBB-, rapidement suivie par Moody's. Résultat : un renchérissement du coût de financement pour une institution clé du financement du commerce et des infrastructures africaines, qui prévoit de lever près de 10,9 milliards de dollars sur les marchés.
L'affaire ghanéenne faisait également écho à des tensions similaires avec d'autres pays, notamment la Zambie, et soulevait une question centrale : comment traiter la dette des institutions financières multilatérales africaines dans le cadre des restructurations souveraines ? Une “zone grise”, selon les mots de Thomas Moatti (Lazard), dans l'architecture internationale de l'allègement de la dette.
Un compromis à forte portée symbolique
Si les modalités du règlement restent confidentielles, le message politique est clair. ‘'Le déblocage de cette impasse permettra aux deux parties de poursuivre leur partenariat en faveur du programme de développement du Ghana'', a souligné Afreximbank. Pour Accra, l'accord réduit un facteur d'incertitude dans son processus de redressement économique. Pour la banque, il contribue à préserver son statut institutionnel et sa capacité à mobiliser des ressources à grande échelle.
Les dirigeants d'institutions financières africaines rappellent toutefois les équilibres fragiles en jeu. Imposer des pertes à ces banques, qui empruntent elles-mêmes à des coûts plus élevés, risquerait d'augmenter le prix du financement du développement pour l'ensemble du continent, avertit Samaila Zubairu, président de l'Alliance des institutions financières multilatérales africaines.
La résolution du différend Ghana–Afreximbank pourrait ainsi servir de référence implicite pour de futures restructurations en Afrique, sans pour autant clore le débat sur le statut des créanciers multilatéraux régionaux. Elle illustre surtout la nécessité d'une clarification politique et juridique au niveau international, alors que de plus en plus de pays africains naviguent entre impératifs de soutenabilité de la dette et besoins massifs de financement du développement. Pour le Ghana, cette entente marque une étape importante sur le chemin du retour à la stabilité. Pour Afreximbank, elle confirme sa détermination à défendre son modèle, tout en restant un partenaire central des économies africaines.
Narcisse Angan
Publié le 29/12/25 08:52