C'est un seuil symbolique que l'or vient de franchir. Pour la première fois dans l'histoire des marchés, le métal jaune a dépassé les 4 000 dollars* l'once en séance, atteignant 4 001,11 dollars dans les échanges sur les marchés ce mercredi.
En progression de plus de 40 % depuis le début de l'année, et de plus de 100 % sur deux ans, l'or s'impose une fois encore comme la valeur refuge par excellence, dans un climat où incertitudes économiques, tensions géopolitiques et instabilité politique s'accumulent.
Selon les analystes, l'accélération récente du cours s'explique avant tout par le contexte budgétaire tendu à Washington, où les blocages entre Congrès et administration ont entraîné un nouveau "shutdown" du gouvernement fédéral. Ce blocage institutionnel, combiné à une crise de confiance croissante envers la solidité des finances publiques américaines, alimente les craintes de défaut technique et pousse les investisseurs à se réfugier vers des actifs non souverains.
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier a également ravivé les craintes d'une instabilité politique accrue en raison de l'imprévisibilité de ses décisions, notamment sur le front commercial, avec des menaces de droits de douane contre l'Union européenne et la Chine, a une nouvelle fois bouleversé les équilibres économiques mondiaux.
À cela s'ajoutent les pressions exercées par le président américain sur la Réserve fédérale pour un assouplissement monétaire plus rapide, jetant le doute sur l'indépendance de l'institution. Une Fed affaiblie et perçue comme politisée constitue, dans les yeux de nombreux investisseurs, un facteur de risque supplémentaire.
Également, la montée des tensions sur plusieurs fronts géopolitiques vient renforcer le statut du métal précieux. De la guerre en Ukraine à l'instabilité persistante au Proche-Orient depuis octobre 2023, en passant par la crise politique en France, l'environnement mondial s'est fragmenté, incitant à la prudence.
" Le franchissement de la barre des 4 000 dollars n'est pas seulement une réaction à la peur. C'est aussi le reflet d'une réallocation stratégique des portefeuilles mondiaux ", explique Charu Chanana, stratégiste chez Saxo Capital Markets, cité par Bloomberg.
Les banques centrales, en particulier dans les économies émergentes, continuent par ailleurs de renforcer leurs réserves d'or à un rythme soutenu, cherchant à diversifier leurs avoirs et à se prémunir contre les risques de sanctions financières ou de volatilité excessive sur les marchés des changes.
Une performance hors normes
La performance de l'or dépasse désormais celle des marchés actions sur l'ensemble du XXIe siècle d'après les experts. " Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'or a déjà gagné plus de 40 % en 2025 et se dirige vers une troisième année consécutive de gains à deux chiffres ", observe Stephen Innes, directeur chez SPI Asset Management, cité par Boursorama.
De la crise financière de 2008 (où l'or avait dépassé les 1 000 dollars) à la pandémie de 2020 (2 000 dollars), puis aux tensions commerciales de 2023 (3 000 dollars), et aujourd'hui aux incertitudes systémiques de 2025 (4 000 dollars), le métal jaune continue de servir de baromètre des peurs mondiales.
Tout compte fait, le métal précieux semble bénéficier pour l'heure d'un alignement exceptionnel de facteurs favorables : politiques monétaires souples, volatilité politique, incertitudes économiques, achats des banques centrales et diversification institutionnelle.
* Environ 75 000 FCFA le gramme d'or
Jean Mermoz Konandi
Publié le 08/10/25 12:23