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Le Gabon vient de conclure avec succès une émission obligataire de 85 milliards FCFA sur la Bourse des valeurs mobilières de l'Afrique centrale (Bvmac), enregistrant une sursouscription de près de 35 milliards FCFA. Selon Emrald Securities Services Bourse (ESS Bourse), principal arrangeur de l'opération, le montant total proposé s'élève à 119,91 milliards FCFA (environ 214 millions de dollars), soit un taux de réalisation de 141,07 %.
Ce résultat confirme l'intérêt des investisseurs régionaux pour les titres souverains gabonais, en dépit d'un environnement jugé risqué par les agences de notation. La structuration en deux tranches une à deux ans avec un taux d'intérêt de 5,6 %, et une autre à trois ans rémunérée à 6,0 % a certainement permis d'attirer un éventail plus large d'investisseurs aux profils différenciés.
Le produit de cette levée sera principalement affecté au financement de projets d'infrastructures publics, au premier rang desquels figure la construction d'une cité administrative regroupant l'ensemble des services de l'État dans un même ensemble immobilier. Ce projet vise à réduire les coûts locatifs supportés par les finances publiques, actuellement estimés à plus de 20 milliards FCFA par an, et à améliorer la performance de l'administration.
Ce succès intervient alors que Fitch Ratings a maintenu la note souveraine du Gabon à ''CCC'' le 20 juin dernier, signalant une perception persistante de risque élevé. L'agence américaine met en cause la vulnérabilité structurelle de l'économie gabonaise, encore largement tributaire des hydrocarbures, ainsi qu'une gestion des finances publiques jugée déficiente. Fitch note notamment une accumulation d'arriérés représentant 2,8 % du PIB en 2024, un déficit budgétaire de 2,5 %, et prévoit des déséquilibres persistants au cours des deux prochaines années, sur fond de baisse attendue des revenus pétroliers et de ralentissement de la croissance économique.
L'agence observe toutefois quelques éléments d'atténuation, dont un échange de dette domestique réussi en avril dernier, représentant un allègement de 1,4 % du PIB sur l'année 2025, ainsi qu'un refinancement anticipé de l'euro-obligation qui arrivait à échéance en 2025. Ces opérations ont permis de reporter les prochaines échéances à 2028 et 2029, desserrant temporairement la contrainte sur la trésorerie publique.
Dans un communiqué officiel diffusé le 24 juin, le ministère de l'Économie gabonais a exprimé son désaccord avec l'analyse de Fitch. Libreville dénonce une évaluation partielle, occultant selon lui les avancées récentes en matière de gouvernance et de stabilité institutionnelle. Le gouvernement met en avant l'organisation pacifique de l'élection présidentielle d'avril 2025, ainsi que son engagement à atteindre l'équilibre budgétaire hors investissement dès l'exercice 2026.
Les autorités gabonaises affirment que des réformes structurelles sont en cours, incluant un renforcement de la transparence budgétaire, un recentrage des dépenses et une lutte accrue contre la corruption. Le gouvernement évoque également des discussions engagées avec plusieurs partenaires financiers internationaux, en vue de conclure un programme de soutien budgétaire.
Si la note attribuée par Fitch témoigne d'une prudence persistante des agences vis-à-vis de la signature gabonaise, l'appétit des investisseurs régionaux pour la dernière émission obligataire montre une confiance relative dans les engagements du pays à honorer ses dettes de court et moyen terme.
Bien avant la confirmation de la note ''CCC '' par Fitch Ratings, l'agence américaine Moody's avait déjà abaissé, le 14 juin 2024, la notation souveraine du Gabon de " Caa1 avec perspective négative '' à '' Caa2 stable ''. Dans son analyse, l'agence justifiait cette dégradation par une ''détérioration marquée de la solidité budgétaire'' et par '' des risques accrus de liquidité '', liés notamment à l'apparition de dépenses hors budget découvertes par le gouvernement de transition. Selon Moody's, ces engagements non enregistrés ont été couverts en grande partie par des arriérés intérieurs, pesant lourdement sur les finances publiques.
Dans ce contexte délicat, une mission de Moody's s'est rendue à Libreville au début du mois de juin pour des discussions avec les plus hautes autorités, dont le vice-président du gouvernement, Alexandre Barro Chambrier, et le ministre de l'Économie et des Finances, Henri-Claude Oyima. Officiellement, il s'agissait d'une mission de réévaluation de la note souveraine.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 01/07/25 15:15
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