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La persistance des risques sécuritaires, l'accès restreint aux financements et une situation budgétaire sous tension pèsent lourdement sur la notation du Niger. Moody's Ratings a confirmé ce 3 juillet la note souveraine du pays à Caa3 (à deux crans du défaut de paiement), en devises locales et étrangères, avec des perspectives stables.
La décision de l'agence de notation reflète un double constat. D'un côté, les fondamentaux économiques du Niger restent extrêmement fragiles, minés par des pressions sécuritaires et une forte contrainte de liquidité. De l'autre, quelques signaux positifs émergent, portés par les engagements de l'État et le soutien du FMI.
Un profil budgétaire sous tension malgré les revenus pétroliers
Si le Niger a lancé en août 2024 ses premières exportations de pétrole via un nouvel oléoduc, les recettes attendues ne suffiront pas à renverser la donne budgétaire. Moody's estime que les revenus pétroliers atteindront seulement 2 à 2,5 % du PIB par an sur les trois prochaines années, alors que le ratio global recettes/PIB devrait rester bas, entre 10 et 12 %, bien en deçà des standards régionaux. Cette faiblesse chronique des recettes est aggravée par des litiges contractuels dans les secteurs pétrolier et minier (Orano), qui risquent de freiner les investissements étrangers à moyen terme.
En parallèle, les dépenses sécuritaires restent lourdes et rigides, tandis que les possibilités de réallocation budgétaire sont très limitées. Le risque de passifs éventuels, notamment à travers l'arbitrage international autour de la nationalisation de la SOMAIR, ajoute une couche supplémentaire d'incertitude budgétaire.
Un risque de défaut toujours élevé
Moody's souligne que les besoins d'emprunt bruts du Niger, estimés à 14 % du PIB d'ici 2027, se heurtent à un accès restreint aux financements bon marché. Bien que les sanctions régionales (CEDEAO) aient été levées à mi-2024, le pays continue d'accumuler des arriérés, atteignant 1,1 % du PIB en janvier 2025, dont 0,7 % envers les banques commerciales nationales. Les taux des bons du Trésor à court terme dépassent désormais 11 %, témoignant de la défiance persistante du marché.
Face à ces tensions, une restructuration de la dette intérieure reste probable, avec des pertes potentielles pour les créanciers locaux. Moody's alerte ainsi sur une " très forte probabilité " d'un nouveau défaut de paiement, dans un contexte de liquidité publique critique.
Un équilibre précaire entre vulnérabilités et réformes
Les perspectives stables assignées par Moody's traduisent un équilibre fragile. Les risques à la baisse restent dominants, en lien avec les incertitudes sécuritaires et l'environnement politique instable hérité du coup d'État de juillet 2023. Toutefois, des facteurs de soutien subsistent. Le gouvernement s'est engagé à apurer l'ensemble des arriérés d'ici fin 2025 et à reprendre la mise en œuvre des réformes structurelles sous l'égide du FMI, notamment pour renforcer la mobilisation fiscale et la transparence budgétaire.
Enfin, l'appartenance du Niger à l'UEMOA continue d'offrir un filet de sécurité monétaire, limitant les risques de change et soutenant la stabilité macroéconomique de base grâce à la garantie du Trésor français sur le franc CFA.
Le maintien de la note à Caa3 illustre la méfiance persistante des marchés à l'égard de la capacité du Niger à stabiliser ses finances publiques, malgré des efforts en cours. La trajectoire reste incertaine, suspendue à la fois à la mise en œuvre des réformes promises et à l'évolution du contexte sécuritaire.
Jean Mermoz Konandi
Publié le 04/07/25 11:26
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