Le 10 octobre 2025, l'agence de notation Fitch Ratings a confirmé la note souveraine à long terme du Nigeria en devises étrangères à " B ", assortie d'une perspective stable. La confirmation de la note reflète les progrès accomplis, notamment en matière de gestion macroéconomique et de politique monétaire, mais elle signale aussi les limites que le pays devra impérativement surmonter pour espérer une amélioration de sa notation.
Premier facteur de soutien selon Fitch : la taille de l'économie nigériane, récemment revue à la hausse grâce à un nouveau rebasing du produit intérieur brut en juillet 2025, qui a augmenté la taille nominale de 43 %. Cette révision permet de relativiser certains indicateurs de dette ou de déficit, mais elle ne gomme pas les failles structurelles. L'économie reste peu diversifiée, avec une base fiscale étroite et une administration encore peu efficace dans la collecte des recettes. Cela étant dit, le pays bénéficie d'un marché intérieur de la dette relativement profond et liquide, soutenu par la forte demande des institutions financières locales.
Autre élément positif : les efforts de la Banque centrale du Nigeria (CBN) pour améliorer le fonctionnement du marché des changes. En réduisant les multiples taux officiels et en relâchant certaines restrictions, la CBN a restauré une part de confiance et accru la liquidité du marché. La stabilité relative du naira ces derniers mois en est l'un des effets visibles. En septembre, la banque centrale a même pris le pari prudent d'abaisser pour la première fois depuis cinq ans son taux directeur, de 50 points de base, le portant à 27 %. Fitch salue cette initiative, tout en soulignant que la CBN devra continuer d'agir pour préserver la tendance à la désinflation. Car si l'inflation a commencé à ralentir, tombant à 20 % en août 2025, contre une moyenne de 33 % en 2024, elle reste très au-dessus des niveaux de ses pairs notés ''B'' établie à 5 %.
Sur le plan extérieur, le Nigeria s'est renforcé. Les réserves de change ont atteint 42 milliards de dollars à fin septembre 2025, soit l'équivalent de 5,8 mois de paiements extérieurs courants, nettement au-dessus de la médiane " B " de 4,2 mois. Même si une légère érosion est attendue d'ici fin 2026 (à 40 milliards), Fitch considère que le pays a assaini sa position externe, en partie grâce à la baisse des importations de produits pétroliers raffinés, rendue possible par une capacité de raffinage domestique en hausse. L'excédent du compte courant, qui s'est hissé à 6,8 % du PIB en 2024, devrait toutefois se tasser à 4,6 % en moyenne entre 2025 et 2026, en raison d'une reprise des importations non pétrolières et du poids croissant des paiements d'intérêts.
Des recettes fiscales en hausse mais encore insuffisantes
Mais ce tableau plus équilibré à l'extérieur contraste avec une situation budgétaire encore sous tension. Fitch prévoit que le déficit public atteindra en moyenne 3,1 % du PIB en 2025-2026, gonflé par des dépenses en hausse : hausses salariales, dépenses sociales, impératifs sécuritaires, et préparatifs budgétaires pour les élections de 2027. En parallèle, les recettes publiques, bien qu'en hausse, resteront très faibles. Elles devraient progresser à 12,4 % du PIB d'ici 2027, contre 10 % en 2024, portées par l'entrée en vigueur de nouvelles lois fiscales au 1er janvier 2026. Ces textes visent à réduire l'informalité et à mieux canaliser les flux de capitaux. Toutefois, ce niveau reste très éloigné de l'objectif affiché par le gouvernement (16,2 % du PIB), et bien en-deçà de la médiane " B " (17,8 %). Les difficultés de mise en œuvre, les lacunes administratives et la faiblesse de la base imposable continuent de freiner les ambitions.
Sur le volet de la dette, le tableau est plus rassurant. Fitch prévoit une légère baisse du ratio dette publique/PIB, de 39 % en 2024 à 37 % en 2027. Ce chiffre, inférieur à la médiane des pairs (51 %), est facilité par la forte croissance nominale attendue et par une structure de dette relativement favorable : maturité moyenne longue (10,9 ans) et majorité des encours libellés en monnaie locale, ce qui réduit le risque de change.
La croissance économique devrait rester modérément dynamique. Fitch anticipe une hausse du PIB réel de 4,2 % en 2025, contre 4,1 % en 2024. La stabilisation du naira et le redressement partiel de la production pétrolière, prévue à 1,5 million de barils par jour en moyenne en 2025 (contre toutefois de 2 mbpj en 2019), devraient soutenir cette dynamique qui sera portée en outre un secteur non pétrolier qui se consolide.
Les scénarios à la baisse et à la hausse
À moyen terme, plusieurs scénarios pourraient influer sur la trajectoire de la note du Nigeria. À la baisse, une perte de crédibilité dans la conduite des politiques économiques (monétaire comme budgétaire) ou de nouvelles tensions sur la liquidité externe (notamment en cas de recul prolongé des prix du pétrole) pourraient entraîner une dégradation. De même, une incapacité à financer le déficit public ou à honorer le service de la dette, par exemple via une demande affaiblie de dette domestique ou un accès limité aux marchés d'euro-obligations, représenterait un risque sérieux.
À l'inverse, un renforcement durable de la stabilité macroéconomique, une baisse significative de l'inflation, une amélioration de la gouvernance et une mobilisation plus efficace des recettes intérieures – notamment non pétrolières – pourraient ouvrir la voie à une amélioration de la notation souveraine. Un renforcement substantiel des réserves en devises et la poursuite des excédents courants constitueraient également des leviers de crédibilité supplémentaires.
Jean Mermoz Konandi
Publié le 14/10/25 12:15