La politique monétaire ultra-restrictive de la Banque centrale du Nigéria bouleverse le financement des entreprises. Confrontées à des coûts d'emprunt historiquement élevés, les grandes sociétés comme les banques multiplient les émissions de dettes à court terme pour éviter de s'enfermer dans des obligations de long terme trop coûteuses. Une stratégie défensive qui révèle la fragilité du tissu économique face à la flambée des taux.
Selon les données du FMDQ, plateforme de référence pour le suivi du marché de Lagos, les entreprises nigérianes ont émis pour 1 800 milliards de nairas (1,2 milliard de dollars) de dette arrivant à échéance en moins d'un an au cours des treize mois s'achevant en juin. À titre de comparaison, seulement 197,3 milliards de nairas ont été levés sur des maturités de deux à sept ans sur la même période.
Pour les dirigeants, les rendements actuels à deux chiffres rendent insoutenable tout financement long. ‘'Des emprunts à long terme aux rendements actuels enfermeraient les entreprises dans une dette très coûteuse'', explique Chika Mbonu, directeur général de KSBC Advisory Partners.
Une politique monétaire sous tension
Depuis trois ans, la Banque centrale du Nigéria a relevé son taux directeur de 16 points de pourcentage, pour le porter à 27,5%. Objectif affiché, endiguer une inflation galopante alimentée par la dépréciation de 73% du naira face au dollar. En parallèle, le ratio de réserves obligatoires des banques privées a été porté à 50%, raréfiant les liquidités disponibles et incitant les établissements à se tourner eux aussi vers la dette courte.
Résultat des courses, le rendement des obligations à court terme des entreprises s'élève à environ 25%, légèrement inférieur aux taux bancaires qui dépassent les 30%.
Les acteurs financiers dominent ce marché. Access Holdings, Stanbic IBTC Holdings et FSDH Merchant Bank représentent plus de 53% des émissions de court terme. Mais des poids lourds de l'économie réelle comme MTN Nigeria Communications, Dangote Cement ou encore Lagos Free Zone Co. ont également recours à ces instruments pour sécuriser leurs besoins de trésorerie.
‘'L'émission de billets de trésorerie permet aux entreprises et aux banques d'accéder à des liquidités à un taux plus compétitif'', souligne Ayodeji Ebo, directeur général d'Optimus by Afrinvest.
Ce glissement massif vers la dette courte constitue un pari sur la stabilisation future des taux. Les analystes anticipent néanmoins un maintien du resserrement monétaire jusqu'à la fin de l'année, au mieux assorti d'une baisse marginale de 25 à 50 points de base. Autrement dit, aucune détente significative n'est en vue à court terme.
Pour l'instant, les entreprises nigérianes gagnent du temps, mais au prix d'une exposition croissante à un risque de refinancement permanent. Un retournement brutal des conditions de marché pourrait fragiliser même les acteurs les plus solides.
En arrière-plan, la situation met en lumière un dilemme plus profond. Comment financer durablement la croissance et l'investissement dans un pays où le coût du capital explose ? Tant que les taux resteront à des niveaux élevés, l'horizon des entreprises nigérianes restera limité à quelques mois. Cette dépendance au financement court traduit moins une stratégie qu'une contrainte, révélant la difficulté d'un secteur privé pourtant dynamique à se projeter dans le long terme.
La Rédaction
Publié le 28/08/25 12:05