Côte d'Ivoire: La filière cacao et son impact dans les zones rurales autour de Duékoué

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Impact sur le développement : La filière cacao entre défis et opportunités dans les zones rurales autour de Duékoué

La réforme structurelle de la filière café-cacao donne de bons résultats, et la tendance des prix d'achat ces dernières années redonne espoir aux producteurs dont le pouvoir s'accroît. Cependant, en dépit de ces avancées, de nombreux défis persistent, notamment en termes de résilience, conditions de vie des producteurs et de sécurité. L'impact de ces réformes est significatif dans la région de Duékoué, où l'économie de la filière génère à la fois des défis et des opportunités.

Au cours de la dernière décennie, la Côte d'Ivoire a accompli des avancées significatives dans la filière cacao, grâce à la réforme structurelle instaurée par le Président dès son arrivée au pouvoir en 2011. Cette initiative avait pour objectif central l'amélioration des conditions de vie des producteurs et de leurs communautés. Le programme de développement intégré de la filière cacao, dénommé Programme quantité, qualité et croissance (2QC), a permis, sur la période 2009-2013, d'améliorer la productivité, la qualité, le niveau de revenus et le cadre de vie des producteurs. La phase 2 du programme, couvrant la période 2014-2023, a permis à la Côte d'Ivoire de maintenir sa position de premier producteur mondial, avec une production quadruplée par rapport aux années 1980, atteignant et dépassant 2 millions de tonnes par an depuis 2018.

Combinés à ces actions, les aspects de la réforme structurelle visant à assurer aux producteurs des prix d'achat plus rémunérateurs ont conduit à la mise en place du mécanisme national du différentiel de revenu décent (DRC), relançant ainsi la cacaoculture et suscitant l'espoir au sein de la filière. La hausse du prix d'achat, promis à 60% du prix CAF et aligné avec les prix pratiqués dans les pays voisins, notamment le Ghana, permet d'améliorer effectivement les revenus des producteurs chez qui l'espoir renaît. Cependant, cette réussite n'a pas fondamentalement changé les conditions de vie des producteurs et de leurs familles, dont beaucoup vivent encore en dessous du seuil de pauvreté.

Le bien-être des producteurs au cœur des préoccupations

''Pas de producteurs, pas de cacao !'' Tel était le thème de la 9e édition des Journées nationales du cacao et du chocolat (JNCC 2024), tenue le 28 septembre 2024. Ce thème soulevait la problématique cruciale du bien-être des producteurs, les premiers acteurs de la filière, qui ne perçoivent qu'une infime part, moins de 6%, des richesses générées par l'industrie du cacao. Les responsables du Conseil du café-cacao, dirigé par Yves Koné Brahima, en sont conscients et s'efforcent de changer cette situation déplorable.

Ces dernières années, la filière a connu de nombreux changements grâce à une combinaison d'actions visant à renforcer la position des producteurs, garantir leur juste rémunération et promouvoir des pratiques durables. Menées à l'échelle nationale et internationale, ces actions ont un impact tangible sur la vie des producteurs. Toutefois, des efforts substantiels demeurent nécessaires afin qu'ils bénéficient pleinement des fruits de leur travail.

La filière se porte bien dans les régions du Guémon et du Cavally, qui forment la délégation régionale du Conseil du café-cacao basée à Duékoué. La production moyenne au cours de ces dernières années est estimée à 300 000 tonnes par an. ''Nous avons la délégation qui fait le plus gros tonnage'', dit fièrement un responsable local de la filière. Cette production a connu une hausse significative, liée au programme 2QC qui a entraîné le rajeunissement des vergers et la création de nouvelles plantations sur des parcelles en jachère. Les surfaces cultivées sont ainsi plus importantes d'au moins un tiers, comparé à celles enregistrées durant les années de crise qu'a traversées la Côte d'Ivoire.

L'impact du programme est notable, car au cours de la campagne de commercialisation de 2014, ces deux régions ont atteint une production de 210 000 tonnes, bien qu'en baisse par rapport à la campagne 2012-2013 où elle était de 214 000 tonnes. Cependant, cette année 2024, en raison de la forte pluviométrie qui a perturbé la production, signe des effets du changement climatique, les productions sont en baisse pour la deuxième année consécutive. Selon les estimations, elles devraient difficilement excéder 200 000 tonnes, retrouvant ainsi les niveaux observés entre 2012 et 2014

En outre, la production résiduelle du mont Péko, une aire protégée de la région du Guémon en cours de restauration, est aujourd'hui insignifiante, n'atteignant même pas la tonne. Cette forêt classée, qui produisait des centaines de tonnes de cacao pendant la période post-crise, est depuis près d'une décennie débarrassée de ses occupants, permettant à la nature de reprendre ses droits. ''La production connaîtra une baisse à cause des pluies abondantes ayant entraîné des inondations dans nos plantations. Nous avons été beaucoup touchés et nous devons attendre peut-être jusqu'au mois de janvier pour espérer atteindre de bons niveaux de production. C'est avec désolation que nous constatons les dégâts causés par ce phénomène'', a déclaré Seydou Kiebré, président de la coopérative Nouvelle Scoopranyd de Duékoué. ''S'il n'y avait pas eu ces pluies cette année, la production aurait été abondante'', insiste-t-il.

Une nette amélioration des conditions de vie

D'un autre point de vue, l'engagement du Conseil du café-cacao à se conformer à une nouvelle norme de l'Union européenne instituant des dispositions contraignantes à l'entrée de son marché (dites ''cacao zéro déforestation'') conduit à plus de rigueur concernant l'origine des fèves. La mise en œuvre anticipée du système national de traçabilité du cacao, à travers l'application de la norme ARS, a permis de réduire considérablement la production illégale issue de cette forêt classée depuis la crise post-électorale. ''Même 100 kg, aujourd'hui, il est difficile d'obtenir cette quantité dans cette forêt. Les exploitants sont partis car il n'est plus possible d'y entretenir les plantations ni de défricher ou de vivre là-bas. Cela a entraîné une baisse de la production dans le département'', explique le président de coopérative.

Cette baisse de la production, constatée au niveau mondial, a fait réagir le marché, face à la menace de pénurie de fèves. Ainsi, des prix d'achat bord champ du kilogramme de cacao plus rémunérateurs ont été fixés. Sur le long terme, le mécanisme de stabilisation des prix a permis de garantir un revenu stable, quelle que soit la conjoncture. Mais l'ajustement opéré pour la campagne intermédiaire 2024, avec un prix de 1500 Fcfa/kg, puis la fixation du prix d'achat bord champ de 1800 Fcfa/kg pour la campagne 2024-2025 ouverte le 1er octobre, ont attiré l'attention sur la filière cacao. ''Avec ces prix et malgré la baisse de production et les défis auxquels les producteurs sont confrontés, la filière attire de plus en plus de personnes. La filière serait plus rentable, si les prix restaient à ce niveau, et nous producteurs vivrions mieux et pourrions réaliser nos projets et offrir une meilleure qualité de vie à nos familles'', interpelle Kiebré. Quand il produit aujourd'hui une tonne de cacao, il obtient un revenu d'un million huit cent mille francs CFA. Même après avoir déduit la rémunération des travailleurs agricoles et les charges d'entretien de son exploitation, il lui reste encore beaucoup d'argent.

Cette évolution dans l'économie cacaoyère fait rêver les producteurs et les travailleurs, qui ont enfin l'impression d'être rémunérés à la hauteur de leurs efforts. Nombreux sont ceux qui se lancent dans la construction de maisons pour améliorer le logement de leurs familles. D'autres investissent dans des projets de création de boutiques ou de lieux de restauration afin de diversifier leurs revenus et offrir des emplois à leurs enfants confrontés au chômage.

Dans tous les villages du Guémon et du Cavally, un vent nouveau souffle. Les producteurs espèrent pouvoir élargir leurs horizons et bénéficier pleinement de cette dynamique dans les années à venir. De leur point de vue, les prix du cacao doivent encore augmenter afin de leur permettre de scolariser leurs enfants dans les écoles et universités les plus prestigieuses. Sur le plan national, ce sont 22 000 milliards FCFA qui ont été distribués aux producteurs au cours des 12 dernières années, tandis que plus de 331 milliards FCFA ont été investis par le Conseil du café-cacao pour la réalisation d'infrastructures de base dans les zones de production, dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'hydraulique villageoise, et de la sécurité.

Les conditions de vie des principaux acteurs de la filière s'améliorent progressivement, surtout avec la mise en œuvre de projets de durabilité visant une répartition équitable des richesses générées. Principalement, l'initiative Cacao Côte d'Ivoire – Ghana a permis d'influer sur le négoce mondial du cacao et d'obtenir une prime supplémentaire de 400 dollars par tonne, soit 200 000 FCFA la tonne sur le prix d'achat bord champ. Cela représente une cagnotte de 2 400 millions de dollars, soit 1 600 milliards FCFA, versée aux producteurs au cours des trois campagnes de mise en œuvre du différentiel de revenu décent.

Les producteurs, par la voix de plusieurs d'entre eux, rencontrés dans le village de Pinhou, dans la sous-préfecture de Duékoué, saluent la mesure du Gouvernement qui leur permet de bénéficier de la couverture maladie universelle (CMU), financée par le Conseil du café-cacao. Grâce à cette mesure sociale, le Conseil versera un milliard FCFA par an pour la prise en charge des producteurs. Pour ce faire, ils devront se faire recenser en même temps que leurs plantations qui doivent être géoréférencées.

Les défis auxquels sont confrontés les cacaoculteurs

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La Rédaction

Publié le 20/05/25 14:54

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