Le groupe minier canadien Sarama Resources, dans une note consultée par Sika Finance, annonce ce 3 novembre avoir déposé auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) une demande d'indemnisation de 242 millions de dollars US, environ 138 milliards FCFA, plus intérêts, à l'encontre du gouvernement du Burkina Faso. En cause : l'"expropriation illégale" de son permis d'exploration Tankoro 2, un actif stratégique du projet aurifère Sanutura, situé dans le sud-ouest du pays.
Le 31 octobre, Sarama a soumis son Mémoire écrit au CIRDI, institution rattachée au Groupe de la Banque mondiale, marquant une nouvelle étape dans le différend qui l'oppose à l'État burkinabè. Ce document détaillé expose les fondements juridiques et économiques de la réclamation.
La société, cotée à la fois à la Bourse de Toronto et d'Australie, reproche au gouvernement burkinabè d'avoir annulé rétroactivement, en août 2023, son permis d'exploration Tankoro 2, une décision intervenue près de deux ans après son approbation officielle.
Ce permis englobait le gisement de Tankoro, qui renfermerait une ressource de plusieurs millions d'onces d'or et constituait le cœur du projet Sanutura, l'un des plus prometteurs de la zone aurifère du sud-ouest du pays.
"Le dépôt de notre Mémoire constitue une étape majeure du processus d'arbitrage et fournit une base complète et étayée à notre réclamation ", a déclaré Andrew Dinning, président exécutif de Sarama Resources. " La société a investi plus d'une décennie de travail et des capitaux considérables dans le développement du projet Sanutura, qui a été exproprié de manière illégale. Nous poursuivons cette démarche pour protéger la valeur pour nos actionnaires et obtenir un règlement équitable", a-t-il ajouté.
Un différend fondé sur le Traité bilatéral d'investissement Canada–Burkina Faso
En tant qu'entreprise canadienne, Sarama s'appuie sur les dispositions du Traité bilatéral d'investissement (TBI) liant le Canada et le Burkina Faso depuis 2017. Ce traité prévoit des mécanismes de règlement des différends investisseur-État devant le CIRDI, en cas d'expropriation ou de traitement discriminatoire.
Après un avis d'intention d'arbitrage adressé à Ouagadougou en novembre 2023 — resté sans réponse —, la société a officiellement engagé la procédure en décembre 2024.
Une première audience de procédure s'est tenue en juillet dernier à Washington D.C., au cours de laquelle les parties ont arrêté un calendrier préliminaire.
Un financement de 4,4 millions de dollars pour soutenir l'arbitrage
Afin de financer sa procédure, Sarama a obtenu une ‘'facilité de financement sans recours de 4,4 millions de dollars US sur quatre ans, soit environ 2,3 milliards FCFA, conclue avec le fonds Locke Capital II LLC, spécialisé dans le financement de litiges internationaux. Ce mécanisme, courant dans les arbitrages d'investissement, permet à la société de couvrir ses frais juridiques sans peser sur sa trésorerie opérationnelle.
La société est défendue par le prestigieux cabinet Boies Schiller Flexner (UK) LLP, réputé pour ses succès dans des dossiers similaires d'expropriation minière, notamment pour Indiana Resources Ltd et GreenX Metals Ltd, deux groupes australiens qui ont récemment obtenu gain de cause dans des affaires comparables.
Calendrier procédural et perspectives
Selon le calendrier communiqué, le gouvernement du Burkina Faso devra déposer son Contre-Mémoire au plus tard le 31 janvier 2026. Une rencontre est ensuite prévue pour le 17 février 2026, à l'issue de laquelle seront fixées les prochaines échéances et la date de l'audience principale à Washington D.C.
Pour l'heure, les autorités burkinabè n'ont pas réagi publiquement à la réclamation du groupe canadien.
Si le CIRDI venait à reconnaître la responsabilité de l'État dans cette affaire, le Burkina Faso pourrait être contraint de verser une compensation considérable, une décision qui serait scrutée de près par les investisseurs internationaux actifs dans le pays, voire dans la région. En octobre dernier, les autorités maliennes ont pris un décret actant la révocation de 90 permis miniers, dont ceux de plusieurs filiales de multinationales.
La Rédaction
Publié le 03/11/25 12:40