Longtemps relégué au second plan des politiques économiques, le secteur des ressources halieutiques s'impose aujourd'hui comme l'un des piliers les plus dynamiques de la transformation structurelle de l'économie ivoirienne. En effet, d'après une note gouvernementale publiée ce 27 décembre, entre 2011 et 2024, la pêche et l'aquaculture ont généré 680 000 emplois, dont 100 000 emplois directs et 580 000 emplois indirects, confirmant leur rôle stratégique à la fois sur le front social et sur celui de la sécurité alimentaire.
Cette performance est d'autant plus remarquable qu'elle s'inscrit dans un contexte de forte pression démographique, de dépendance accrue aux importations alimentaires et de vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement mondiales. Pour les autorités ivoiriennes, les ressources halieutiques ne sont plus seulement une activité traditionnelle, mais constituent désormais un levier économique structurant, capable d'absorber une main-d'œuvre importante tout en contribuant à la réduction du déficit commercial.
La création massive d'emplois observée sur la période repose sur un écosystème étendu. Au-delà des pêcheurs et pisciculteurs, le secteur mobilise une chaîne de valeur dense : transformation, transport, commercialisation, fabrication d'aliments pour poissons, maintenance des équipements, distribution et restauration. Cette réalité explique le poids prépondérant des emplois indirects, qui représentent près de 85% des postes générés.
Sur le terrain, les professionnels témoignent du potentiel du secteur. " La pisciculture est un métier d'avenir qui nourrit son homme. Mais pour faire des profits, il faut être patient et passionné ", confie Zeregbé Yacé, technicien en pisciculture à la station de Koubi, dans la région du Bélier. Un discours révélateur d'une filière en mutation, où le savoir-faire technique devient aussi important que l'accès au financement.
Une production en hausse, mais encore insuffisante
Sur le plan productif, les résultats sont encourageants mais demeurent en deçà des besoins nationaux. La production halieutique est passée de 55 864 tonnes en 2011 à 94 553 tonnes en 2024, traduisant une progression soutenue, notamment dans l'aquaculture. Toutefois, cette dynamique reste largement insuffisante face à une demande nationale estimée à 730 000 tonnes en 2023, dont moins de 15% sont couverts par la production locale. Cette situation maintient le poisson parmi les principales denrées importées du pays, avec un impact significatif sur la balance commerciale et les réserves en devises. D'où l'urgence, pour l'État, de changer d'échelle.
Pour combler ce déficit, plusieurs réformes structurantes ont été engagées. La création de l'Association nationale des aquaculteurs de Côte d'Ivoire (ANAQUACI) a permis de mieux organiser la filière, tandis que la modernisation des infrastructures et la diffusion de 25 millions d'alevins améliorés ont contribué à renforcer les capacités de production. Ces efforts ont déjà permis une progression notable de la production annuelle d'alevins, élément clé de la durabilité du secteur.
Cette dynamique est portée par des programmes ambitieux, au premier rang desquels figure le Programme stratégique de transformation de l'aquaculture en Côte d'Ivoire (PSTACI). Il vise un objectif de 150 000 tonnes de poissons par an à l'horizon 2030. ‘'Deux objectifs principaux ont été fixés : améliorer la production aquacole et susciter l'investissement dans le secteur, aussi bien privé que public, avec l'impulsion de l'État'', explique Modibo Samaké, coordonnateur du PSTACI. Une stratégie qui vise à attirer les capitaux, professionnaliser les acteurs et faire émerger des champions nationaux de l'aquaculture.
A travers ces réformes, le gouvernement ivoirien affiche une ambition claire : réduire la dépendance aux importations et renforcer la souveraineté alimentaire en produits halieutiques. Au-delà des chiffres de production, c'est un choix de politique économique assumé, où l'emploi, la sécurité alimentaire et l'industrialisation légère se rejoignent.
Narcisse Angan
Publié le 29/12/25 12:18