Dette souveraine : L’Afrique, victime d’un coût du risque souvent exagéré

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Alors que le Nigeria, le Kenya ou la Côte d'Ivoire reviennent activement sur les marchés internationaux, une constante demeure : les États africains continuent de payer les rendements les plus élevés de la planète. Une anomalie persistante que l'appétit massif des investisseurs ne suffit pas à corriger.

Daniel Lebetkin, banquier chez Citigroup, cité par Bloomberg, dit avoir contribué à structurer l'immense majorité des 18 milliards de dollars émis cette année par les souverains africains. Il constate une demande croissante pour les nouvelles obligations. Mais les coupons, eux, restent durablement élevés.

‘'Il existe une différence structurelle au niveau des rendements'', résume-t-il. Une formule qui traduit la complexité d'un phénomène à la fois technique, psychologique et historique.

Une prime de risque qui dépasse les fondamentaux économiques

Plusieurs analystes justifient ces coûts élevés par le passif récent de défauts souverains au Ghana ou en Zambie, les instabilités politiques ou la taille limitée des économies africaines. D'autres, à l'image du ministre sud-africain des Finances Enoch Godongwana, dénoncent un biais assumé des investisseurs, des agences de notation et des institutions internationales.

Africa Finance Corporation va plus loin en parlant de ‘'prime de préjudice'', un surcoût estimé à 75 milliards de dollars par an pour le continent. L'étude du FMI publiée en juillet confirme l'existence d'une surprime moyenne d'un demi-point de pourcentage sur les emprunts africains, y compris pour les pays ayant une notation équivalente à d'autres régions émergentes.

Mais cette surprime disparaît largement dès lors que la gouvernance et la transparence budgétaire sont mieux prises en compte.

L'exemple du Kenya et du Bahreïn illustre l'écart de perception

Le Kenya, classé à haut risque de surendettement par le FMI, a payé 9,2% pour une émission récente à 12 ans. Le Bahreïn, soutenu par ses voisins pétroliers mais avec une notation comparable, a levé des fonds à 6,625%. Un différentiel que les seuls fondamentaux budgétaires ne suffisent pas à expliquer.

À l'inverse, le Ghana démontre que le marché peut revenir rapidement lorsqu'une trajectoire de réformes inspire confiance. Trois ans seulement après son défaut, ses obligations 2029 se négocient autour de 6%.

Les coûts d'emprunt africains ont reculé ces derniers mois grâce à la politique monétaire internationale plus souple et aux réformes engagées par plusieurs États. Les eurobonds du Nigeria et du Kenya ont été sursouscrits 5 fois, signe d'un appétit croissant des investisseurs internationaux.

Le spread africain s'est ainsi établi à 3,7 points, son plus bas niveau depuis 2018. Mais il reste nettement supérieur à celui de l'Amérique latine, de l'Europe émergente ou de l'Asie.

Cette persistance d'un écart s'explique en partie par la faiblesse de la production statistique sur le continent. Faute de données complètes et fréquentes, les investisseurs appliquent un supplément de prudence. Les agences de notation, elles aussi, disposent de moins d'éléments pour affiner leur évaluation et dégradent souvent plus rapidement les notes africaines en période de chocs mondiaux.

Selon une étude, 62% des pays africains notés ont été dégradés durant la pandémie, contre 32% au niveau mondial. Une asymétrie qui nourrit le débat sur un biais systémique.

Un marché trop étroit pour rassurer les investisseurs

Moins de 10% des obligations souveraines en dollars émises par les économies émergentes proviennent d'Afrique. Cette faible profondeur du marché limite la construction d'un historique financier et rend les titres moins familiers pour les gérants internationaux. Ces derniers hésitent alors à recommander des achats dans des pays qu'ils connaissent mal.

Pour certains analystes, les États africains doivent renforcer leur coordination et bâtir un argumentaire fondé sur les données plutôt que sur la dénonciation d'un système. Selon lui, la surprime d'un point de pourcentage en moyenne pourrait être réduite si les pays publiaient plus régulièrement leurs informations financières.

L'Afrique bénéficie aujourd'hui d'un regain d'intérêt sans précédent. Elle émet davantage, réformes et politiques monétaires s'améliorent, et les marchés accueillent massivement ses titres. Pourtant, la structure du marché, la rareté des données et certaines biais persistants maintiennent les coûts d'emprunt à des niveaux disproportionnés.

Réduire durablement cette surprime nécessitera une alliance de transparence, de volumes plus importants, d'amélioration institutionnelle et d'un dialogue soutenu avec les investisseurs.

La Rédaction

Publié le 17/11/25 10:37

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