George Elombi succède à Benedict Oramah à la tête d’Afreximbank

L'annonce est tombée comme une évidence stratégique au terme des 32^e assemblées annuelles d'Afreximbank. Les actionnaires de la banque panafricaine ont porté, ce 28 juin, à sa tête Dr George Elombi, jusqu'ici vice-président exécutif en charge des services juridiques, de la gouvernance et des affaires institutionnelles.

À 60 ans, ce technocrate aguerri devient le quatrième président d'Afreximbank depuis sa création en 1993. Il succède au Professeur Benedict Oramah, artisan de la transformation de l'institution en acteur central de la résilience économique du continent, et qui quittera officiellement ses fonctions en septembre 2025.

Un héritier légitime, un bâtisseur silencieux

L'accession de George Elombi n'est pas celle d'un outsider parachuté, mais d'un homme de l'ombre devenu pilier. Entré à la banque en 1996 en tant que juriste, il y a gravi tous les échelons, occupant successivement les postes de Chief Legal Officer, Secrétaire exécutif, puis directeur exécutif pendant près d'une décennie.

Peu connu du grand public, il a pourtant été à la manœuvre de nombreuses innovations structurelles qui ont façonné la montée en puissance de la banque. Il a notamment piloté la création de plusieurs filiales stratégiques du groupe, renforçant ses capacités d'intervention sur le terrain, dans les domaines de l'assurance, de l'investissement ou du financement industriel.

Plus récemment, c'est lui qui, en tant que président du comité de réponse d'urgence, a orchestré la riposte institutionnelle à la pandémie de Covid-19. Sous sa direction, Afreximbank a mobilisé plus de 2 milliards de dollars pour l'acquisition et la distribution de vaccins dans les pays africains et caribéens, confirmant son rôle central dans la coordination continentale face aux crises sanitaires.

Un juriste panafricain à la tête d'un levier financier stratégique

Titulaire d'un doctorat en arbitrage commercial de la London School of Economics, après une formation en droit à Yaoundé et Londres, George Elombi incarne une nouvelle génération de technocrates africains, ancrés dans une double culture juridique et institutionnelle. Sa carrière mêle rigueur académique et expérience de terrain. Avant de rejoindre Afreximbank, il enseignait le droit au Royaume-Uni, ce qui lui confère un rare équilibre entre réflexion stratégique et efficacité opérationnelle.

Ce pedigree lui donne une assise certaine pour consolider les acquis des dix dernières années, à savoir croissance à deux chiffres des actifs, réponse aux chocs exogènes, soutien au commerce intra-africain, expansion vers la CARICOM et ancrage de la banque dans le projet de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Le fait qu'il ait supervisé le département de mobilisation des capitaux, ayant permis de lever 3,6 milliards de dollars d'equity au 1^er semestre 2025, illustre aussi son sens des marchés et sa capacité à entretenir la confiance des actionnaires.

Une feuille de route claire, industrialisation, intégration, capitalisation

Dans son discours d'acceptation, Elombi a fixé le cap : Afreximbank poursuivra son rôle moteur dans la réindustrialisation de l'Afrique et la reconquête de la dignité économique de ses populations. Il s'est dit " déterminé à préserver cet actif stratégique qu'est la banque " tout en réaffirmant l'objectif exprimé par son prédécesseur : faire d'Afreximbank une banque de 250 milliards de dollars d'actifs d'ici dix ans. Un objectif ambitieux, mais rendu crédible par la base solide héritée du cycle Oramah : 43,5 milliards de dollars d'actifs en 2025, un bénéfice net record de 1 milliard de dollars, et une assise en capital élargie.

Cette nouvelle étape s'annonce donc comme une phase d'approfondissement. Là où Oramah a été l'homme de l'expansion et des ruptures stratégiques — en créant PAPSS, en soutenant des projets industriels comme la raffinerie Dangote ou les zones économiques spéciales via Arise IIP — Elombi pourrait se révéler comme l'homme de la consolidation, du déploiement fin et de l'optimisation.

Une nomination révélatrice d'une maturité institutionnelle africaine

Le processus de sélection, initié en janvier 2025, s'est distingué par sa rigueur. Un appel à candidatures international a été lancé, avec l'appui d'un cabinet de recrutement de premier plan. Les meilleurs profils ont été auditionnés par le conseil d'administration, qui a ensuite soumis la candidature d'Elombi à l'assemblée générale des actionnaires pour validation. Ce mode de gouvernance moderne, transparent et fondé sur le mérite illustre la maturité croissante des institutions financières africaines. Le fait qu'un cadre historique, originaire du continent, ait été choisi au terme de ce processus envoie un signal fort : les compétences existent, et la relève se construit depuis l'intérieur.

Une transition sereine, un cap stratégique maintenu

La succession d'Oramah par Elombi est avant tout une continuité maîtrisée. Elle s'inscrit dans une tradition de stabilité institutionnelle qui fait la force d'Afreximbank depuis plus de trente ans. Mais elle reflète aussi une volonté de projeter l'Afrique dans une nouvelle phase, où les outils financiers panafricains devront être capables non seulement d'intervenir en cas de crise, mais aussi de construire des économies de production durables, compétitives et connectées.

Au moment où les flux concessionnels se contractent, où les tensions géopolitiques s'intensifient, où l'Afrique revendique une place plus équitable dans la reconfiguration des chaînes de valeur mondiales, le rôle d'Afreximbank devient plus que jamais stratégique. Le choix de George Elombi à sa tête conforte cette perspective : celle d'une Afrique qui s'organise, se dote de ses propres outils, et fait confiance à ses propres bâtisseurs.

Envoyé spécial à Abuja, Nigéria

Dr Ange Ponou

Publié le 28/06/25 13:39