Souvent perçue comme une contrainte administrative, la conformité s'impose désormais comme un levier stratégique pour renforcer la crédibilité financière de l'Afrique et attirer les investissements internationaux. Idrissa Diop, directeur de la conformité à Afreximbank, explique comment le respect des règles, loin de freiner l'activité, devient un pilier du développement et un rempart contre l'exclusion financière mondiale.
Pour Idrissa Diop, la conformité — ou compliance — peut se résumer simplement : ‘'C'est le respect des règles fixées par une autorité''. Dans le secteur bancaire, cela signifie suivre les conditionnalités établies par la Banque centrale ou la commission bancaire. Ces règles encadrent la manière dont les institutions financières doivent gérer leurs opérations, prévenir les risques et assurer la transparence.
Mais au-delà de la définition technique, la conformité incarne un état d'esprit. ‘'Être conforme, c'est veiller à ce que la banque agisse en conformité avec les lois, notamment celles contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme ou les exigences prudentielles'', précise-t-il. Autrement dit, la conformité n'est pas une option, elle garantit la stabilité du système financier et la confiance des partenaires.
Si les règles existent, leur respect demeure souvent lacunaire. Pour le directeur de la conformité d'Afreximbank, le problème réside moins dans la réglementation que dans la culture d'entreprise : ‘'Avant de parler de conformité internationale, il faut d'abord penser national. C'est une question d'éducation, de discipline, mais aussi de volonté''.
En Afrique, certaines entreprises contournent leurs obligations fiscales ou dissimulent leurs revenus. ‘'Ne pas payer ses taxes, c'est déjà un manquement à la conformité'', rappelle-t-il. Ce comportement, qui fragilise les finances publiques, mine aussi la confiance des bailleurs et des institutions internationales. À ses yeux, la conformité crée pourtant de la valeur, elle renforce les économies locales, améliore la gouvernance et, in fine, profite au citoyen.
La liste grise du GAFI, symptôme d'un cadre juridique insuffisant
Lorsqu'un pays est placé sur la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI), ce n'est pas toujours le signe d'un comportement frauduleux généralisé, mais plutôt celui d'un retard législatif. ‘'Les lois nationales sont votées à un moment T, mais le monde évolue. À T+1, de nouvelles exigences apparaissent. Si ces conditionnalités ne sont pas intégrées dans le cadre juridique local, le pays est sanctionné'', explique Idrissa Diop.
Cette mise sous surveillance vise donc à inciter les États à moderniser leur cadre réglementaire afin de lutter plus efficacement contre le blanchiment et le financement du terrorisme. ‘'Le problème, ce n'est pas les acteurs économiques, c'est le cadre qui les régit'', souligne-t-il. L'enjeu pour les gouvernements africains est donc de maintenir une législation dynamique et alignée sur les standards internationaux.
Afreximbank, catalyseur de conformité et de compétitivité
Dans ce contexte, Afreximbank joue un rôle central. En tant qu'institution financière panafricaine, elle agit à la fois comme partenaire et régulateur bienveillant. Avant tout financement, la banque examine la conformité des entreprises bénéficiaires. ‘'Si les conditionnalités ne sont pas réunies, nous ne pouvons pas accorder le crédit. Mais nous accompagnons nos partenaires pour renforcer leurs procédures et leur cadre opérationnel'', indique Idrissa Diop.
Cette démarche proactive contribue à structurer un tissu d'entreprises africaines plus robustes, mieux gouvernées et donc plus compétitives à l'échelle internationale. Pour Afreximbank, la conformité est une passerelle entre développement économique et intégration mondiale ; elle favorise la transparence, réduit les risques de réputation et attire les investisseurs institutionnels.
Derrière la rigueur réglementaire se dessine un enjeu stratégique : la souveraineté économique du continent. Dans un contexte mondial marqué par la vigilance accrue du GAFI et la pression des marchés financiers, les pays africains ont tout intérêt à bâtir des systèmes de conformité solides et crédibles.
‘'C'est en améliorant leur cadre d'opérationnabilité que les entreprises africaines deviendront plus musclées'', affirme Idrissa Diop. Cette montée en exigence, loin d'être punitive, prépare l'Afrique à tenir sa place dans l'économie mondiale. En fin de compte, la conformité n'est pas un fardeau administratif, c'est un investissement dans la confiance, la stabilité et la souveraineté financière du continent.
Envoyé spéciale au Caire, Egypte
Dr Ange Ponou
Publié le 25/10/25 14:51