Joséphine SIDIBE, directrice générale de la SMB : La SMB, un acteur clé pour capter la croissance des marchés africains du bitume

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Joséphine SIDIBE, DG de la SMB :

La SMB, un acteur clé pour capter la croissance des marchés africains du bitume

Dans un contexte où les États africains multiplient les investissements dans les infrastructures, la demande en bitume ne cesse de croître. En Côte d'Ivoire, la Société Multinationale des Bitumes (SMB) s'impose comme l'un des rares producteurs encore en activité sur le continent, incarnant l'expertise industrielle ivoirienne dans la chaîne pétrolière aval. Depuis août 2021, la SMB est dirigée par Joséphine ADIEY SIDIBÉ, première femme nommée à la tête de cette société stratégique, filiale de la SIR, fondée en 1976 sous l'impulsion du président Félix Houphouët-Boigny.

Cadre chevronnée du secteur pétrolier, elle a bâti l'essentiel de sa carrière à la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR), où elle a occupé des fonctions clés : Cadre Trading Opérations, Cheffe du service Administration des ventes, Cheffe du service Contrôle de gestion, Responsable financier, puis Directrice commerciale et économique durant 14 ans. Formée à l'École supérieure de commerce d'Abidjan (ESCA), elle s'est également perfectionnée en France (Total, IFP) et au Royaume-Uni (trading et marchés pétroliers), avec plus de 25 ans de formation continue au plus haut niveau. En juin 2024, elle est devenue administratrice de sociétés indépendante certifiée, à l'issue du programme CIAGE/ESSEC Paris.

Sous sa conduite, la SMB a connu une montée en puissance remarquable, portée par une stratégie industrielle rigoureuse, des investissements ciblés et une vision régionale assumée. Elle revient ici sur les étapes de cette transformation, les opportunités ouvertes par les évolutions du secteur pétrolier, et les projets structurants qui doivent permettre à la SMB de consolider sa place de leader du bitume en Afrique de l'Ouest et centrale.

En avril 2025, elle a été élue Présidente de l'ARDA (Association des Raffineurs et Distributeurs Africains) par le Comité exécutif, à l'issue de l'Assemblée générale annuelle tenue lors de l'ARDA WEEK 2025. Une reconnaissance continentale pour une dirigeante à l'expertise éprouvée.

Quels sont les principaux tournants et transformations que vous avez pilotés au sein de la SMB ces dernières années ?

Nous avons connu une croissance régulière des ventes globales de bitume dans les années 1990-2000. Mais avec la décennie de crise qu'a traversée la Côte d'Ivoire, les ventes sur le marché national ont progressivement chuté, passant d'environ 80 000 tonnes à 7 000 tonnes en 2011. Durant cette période, les investissements dans les infrastructures routières étaient quasiment inexistants, et notre activité s'est principalement tournée vers l'exportation, afin d'écouler une production de 200 000 à 250 000 tonnes de bitume par an vers les pays de la sous-région : Nigeria, Ghana, Togo, Mali, Burkina Faso, voire l'Angola.

Les investissements ont principalement concerné la maintenance, afin de maintenir l'outil technique opérationnel, car l'absence de ventes sur le marché national avait un impact négatif sur la situation financière de l'entreprise.

Le redressement s'est amorcé avec le retour à la stabilité en 2012, et le lancement par le gouvernement d'un ambitieux programme d'infrastructures. Cela a marqué un véritable tournant : les ventes sont passées de 7 000 tonnes en 2011 à 140 000 tonnes, puis à 196 000 tonnes en 2023, notamment grâce aux travaux liés à l'organisation de la Coupe d'Afrique des Nations.

En 2011, nous étions tombés à 7 000 tonnes de production. En 2023, nous avons franchi la barre des 196 000 tonnes. 

Cette croissance a favorisé d'importants investissements destinés à moderniser notre outil de production, améliorer les rendements et les performances techniques, et réduire nos coûts. Nous avons, par exemple, converti nos installations au gaz naturel, en remplacement du fioul, ce qui nous a permis de renforcer notre compétitivité.

Nous bénéficions également des investissements réalisés par la SIR (société ivoirienne de raffinage), notamment en matière de disponibilité des utilités, d'optimisation et de modernisation de l'exploitation, puisque nous opérons sur la même plateforme technique. L'ensemble de ces efforts nous permet aujourd'hui de répondre efficacement à la demande nationale croissante, tout en maintenant une présence active sur plusieurs marchés africains.

Sur le plan financier, la situation de l'entreprise s'est nettement redressée, avec des exercices excédentaires successifs et une consolidation continue des ventes sur le marché ivoirien. Nous avons également mis en place des mécanismes financiers robustes, qui garantissent un approvisionnement fluide en pétrole brut, ressource indispensable au bon fonctionnement de nos opérations.

 Quels sont aujourd'hui vos relais de croissance à l'international ?

La SMB déploie une stratégie d'expansion ciblée, prioritairement en Afrique de l'Ouest. C'est dans cette optique que nous avons conclu une joint-venture avec la société publique ghanéenne GOIL, pour la construction d'un dépôt de bitume d'une capacité de 6 000 tonnes. La SMB détient 40 % des parts de cette infrastructure, qui est désormais opérationnelle.

La SMB a investi dans une infrastructures dépôt de bitume au Ghana dans le cadre d'une joint-venture.

Cette initiative s'inscrit dans le développement stratégique de la SMB, traduit dans sa vision qui est d'être le fournisseur de bitumes de qualité pour toute l'Afrique. La route est un levier de développement de l'activité économique, et donc un vecteur de la croissance économique. Tous les États africains sont donc engagés dans la construction et l'intensification de leurs réseaux routiers en vue de favoriser un développement inclusif. Avec bientôt 50 ans d'expertise et plus de 7 grades de bitume fabriqués, la SMB est en mesure de les accompagner.

Ce partenariat permet de garantir une présence permanente pour la SMB sur ce marché, avec du stock disponible à tout moment pour les opérateurs de BTP. En effet, depuis quelques années, le Ghana a officiellement adopté deux qualités de bitume, AC 10 et AC 20, que la SMB fabrique exclusivement pour leur marché. C'est un bel exemple de coopération sous-régionale, qui s'inscrit dans une dynamique voulue par nos chefs d'État, et particulièrement avec le Ghana, où un autre partenariat, l'initiative cacao Côte d'Ivoire - Ghana, est déjà en mise en œuvre.

C'est le lieu d'exprimer notre sincère reconnaissance à Son Excellence le Président de la République, Alassane Ouattara, pour son encouragement. En effet, répondant à l'invitation de son homologue du Ghana pour la cérémonie d'inauguration du dépôt le 13 septembre 2024, le président de la République a dépêché à Accra le Premier ministre Robert Beugré MAMBE pour le représenter, ainsi que le ministre Mamadou Sangafowa COULIBALY, ministre des Mines, du Pétrole et de l'Énergie, qui suit et accompagne, par son leadership, toutes ses équipes dans leurs projets structurants.

Percevez-vous des opportunités industrielles dans l'essor de la production pétrolière en Côte d'Ivoire, notamment avec les gisements Baleine et Calao ?

Calao nous permet d'avoir du gaz naturel, alors, l'impact sera direct  et bénéfique pour la SMB. Pour Baleine, à ce stade, il est encore prématuré de parler de synergie directe, même  si les retombées pour toute l'économie nationale sont directes et énormes. Nos unités de production, conçues en 1976, sont calibrées pour des bruts lourds, riches en composants bitumineux. Or les bruts actuellement produits en Côte d'Ivoire, le brut Lion, le brut Espoir ou le brut Baleine, sont des bruts légers, très riches en distillats, qui ne peuvent pas produire de bitume avec notre procédé technique actuel qui est la distillation atmosphérique. 

La SMB  importe son pétrole brut, principalement d'Amérique Latine :  Colombie, Mexique, Venezuela. Cela dit, à plus long terme, si de nouvelles découvertes incluent des bruts plus lourds, ou si nos besoins évoluent, nous pourrons envisager la mise en place d'une unité complémentaire : une unité de soufflage, capable de fabriquer du  bitume à partir de ces bruts légers. C'est une option stratégique que nous gardons à l'étude pour réduire notre dépendance de l'Amérique Latine pour notre approvisionnement en pétrole brut.

Quels projets industriels portez-vous pour accompagner la croissance de la demande ?

Nous enregistrons une croissance annuelle moyenne de 5 à 6 %, directement liée à la dynamique économique nationale. Actuellement, nous produisons environ 350 000 tonnes de bitume par an. Mais la hausse de la consommation intérieure réduit progressivement les volumes disponibles à l'export, qui oscillent aujourd'hui entre 150 000 et 180 000 tonnes.

La SMB va accroître progressivement sa capacité de stockage de 30 000 tonnes et projette porter sa capacité de production à 650 000 tonnes. 

Dans l'espace CEDEAO, la demande est estimée à un million de tonnes, et ce chiffre double si l'on intègre l'ensemble du continent. Pour répondre à cette demande, nous avons lancé un projet d'extension de notre capacité de stockage, avec un objectif de 30 000 tonnes supplémentaires pour atteindre 72 000 tonnes en 2028 au plus tard. Également, nous projetons porter la capacité de production à 650 000 tonnes. En effet, avec l'accélération des politiques d'infrastructures sur le continent, la demande ne pourra que croître. Il y a une place stratégique à prendre dans la région, et la SMB est prête à l'occuper.

Parallèlement, nous préparons la mise en place d'une unité de production de bitumes modifiés aux polymères (PMB), dont les performances surpassent celles des bitumes conventionnels. Ces produits offrent une meilleure résistance à la déformation, une durabilité renforcée et une tenue optimale face aux variations de température – des atouts particulièrement adaptés aux conditions climatiques africaines. 

Les bitumes modifiés aux polymères (PMB) répondent pleinement aux objectifs de durabilité, tout en permettant d'optimiser le coût global d'entretien des routes sur le long terme. Ils constituent un levier stratégique pour accompagner l'État dans la mise en œuvre de son ambitieux programme routier. Ce projet transversal, qui implique la....

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La Rédaction

Publié le 29/12/25 09:58

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