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Entre 2015 et 2023, les 1% les plus riches ont accumulé plus de 33 900 milliards USD de richesse supplémentaire, soit 14,6% du PIB mondial et représentant 22 fois le montant nécessaire pour éradiquer la pauvreté, selon un rapport publié par Oxfam en prélude à la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement qui s'ouvre ce 30 juin à Séville.
Les seuls 3 000 milliardaires recensés ont vu leur fortune croître de 6 500 milliards USD sur la même période. En parallèle, 60% des pays à faible revenu sont au bord de la faillite, étranglés par une dette privée détenue majoritairement par des créanciers refusant toute restructuration.
La promesse trahie du ‘'trillion shift''
Le fameux passage des ‘'milliards aux milliers de milliards'', promu par la Banque mondiale, visait à attirer les capitaux privés vers le financement du développement. Mais selon Oxfam, cette stratégie a échoué, dans la mesure où les montants réellement mobilisés sont faibles, concentrés sur les marchés les plus sûrs, et ont surtout profité aux élites financières du Nord.
Les créanciers privés détiennent aujourd'hui plus de 50% de la dette des pays à revenu faible et intermédiaire, soit 5 fois plus que les bailleurs bilatéraux, et imposent des conditions punitives tout en bloquant les négociations multilatérales.
L'aide publique en chute libre
Le tableau s'assombrit davantage avec les coupes massives annoncées par les pays du G7, qui prévoient une réduction de 28% de leur aide publique au développement (APD) d'ici 2026. À ce rythme, seuls 16% des objectifs de développement durable (ODD) seront atteints d'ici 2030.
Les gouvernements pauvres consacrent aujourd'hui davantage aux remboursements de dette qu'à la santé ou à l'éducation. L'écart entre richesse privée et investissement public atteint un niveau historique. Pour preuve, entre 1995 et 2023, la richesse privée mondiale a progressé de 342 000 milliards USD, contre seulement 44 000 milliards USD pour la richesse publique.
Vers un changement de cap ?
Face à cette spirale, Oxfam appelle à une refonte totale du financement du développement. Parmi les mesures recommandées, on note une taxation des ultra-riches, comme proposé par le Brésil dans le cadre du G20 ; une réorientation des flux d'aide vers les biens publics essentiels (éducation, santé, énergie) ; une réforme du système de la dette, avec une convention multilatérale contraignante ; et un abandon du consensus de Wall Street, pour remettre les États au centre du financement du développement.
Une Alliance mondiale contre les inégalités, soutenue par l'Espagne, le Brésil, la Sierra Leone, l'Allemagne et la Norvège, incarne ce changement de cap possible.
Dans un contexte mondial marqué notamment par la montée des populismes, la conférence de Séville se tient à un moment critique. ‘'Les États doivent choisir entre financer l'oligarchie ou restaurer le pouvoir public'', avertit Amitabh Behar, directeur général d'Oxfam International.
Dr Ange Ponou
Publié le 30/06/25 17:19
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