COURS | GRAPHIQUES | ACTUS | FORUM |
La mine de lithium de Bougouni, deuxième site minier du Mali, après Goulamina, opérée par la société britannique Kodal Minerals, qui était à l'arrêt depuis le démarrage de la production au premier trimestre de l'année, en raison d'obstacles d'exportation de ses premières cargaisons, ne sera plus qu'un lointain souvenir.
Le pays vient de franchir une étape décisive dans la valorisation de cette ressource stratégique. En effet, le 30 juin dernier, Kodal Minerals et son partenaire chinois Hainan Mining, ont officialisé la signature d'un accord d'achat exclusif du lithium produit à Bougouni. Cet accord de quatre ans prévoit que l'intégralité du concentré de spodumène extrait du site sera exportée vers la Chine, dès que le gouvernement malien délivrera le très attendu permis d'exportation, souligne le communiqué publié par compagnie minière britannique.
Voir aussi - Mali : La seconde mine de lithium peine à exporter ses premières productions de minerais
Lancée en février 2025 dans le Sud du Mali, l'usine de traitement du projet Bougouni fonctionne à plein régime. Plus de 40 000 tonnes de concentré de spodumène y ont déjà été produites, prêtes à être expédiées vers le port d'Abidjan, en Côte d'Ivoire. Toutefois, malgré cette montée en puissance technique, aucune cargaison n'a encore quitté le pays. La raison : le permis d'exportation, condition essentielle pour activer l'accord commercial, n'a pas encore été délivré par les autorités maliennes. Celles-ci poursuivent leurs vérifications, notamment sur les mécanismes de fixation des prix, afin de s'assurer que le lithium malien sera vendu à sa juste valeur, conformément au cours international.
L'accord dit d'''enlèvement'' signé entre Les Mines de Lithium de Bougouni (LMLB), filiale locale de Kodal, et Hainan Mining scelle un partenariat stratégique. Il engage ce dernier à acheter 100 % de la production pendant quatre ans, avec un minimum de 8 000 tonnes par mois à expédier. Le prix de vente sera indexé au cours CIF du spodumène à 6 % de Li₂O, tel que publié sur le Shanghai Metals Market, actuellement autour de 630 dollars la tonne.
Un prix plancher est prévu dans le contrat, bien que suspendu jusqu'au 1er janvier 2026. Cette clause vise à protéger la mine en cas de chute des cours mondiaux, une pratique désormais courante dans les contrats miniers long terme. Les ajustements liés à la qualité du produit (teneur en lithium, humidité, impuretés) seront pris en compte, sur la base d'analyses croisées aux différentes étapes de la chaîne logistique du site de Bougouni au port chinois de Hainan.
Intérêts croisés et vigilance malienne
Si l'accord peut apparaître équilibré sur le papier, la configuration de la gouvernance du projet attire l'attention. Hainan Mining, en plus d'être acheteur exclusif du lithium, détient 65 % du projet Bougouni, via une coentreprise avec Kodal. Le gouvernement malien contrôle les 35 % restants, dont 5 % réservés à des investisseurs locaux.
Cette double casquette d'actionnaire et d'acheteur nourrit l'exigence de transparence de l'État malien. En mai dernier, Bernard Aylward, PDG de Kodal Minerals, a reconnu que Bamako évalue encore les conditions de l'accord, en particulier le modèle de tarification, pour s'assurer qu'il reflète bien une transaction ‘'entre parties indépendantes''.
Une opportunité pour le Mali, un test de souveraineté
Le développement du lithium est stratégique pour le Mali, pays enclavé, dont l'économie dépend encore largement de l'or et du coton. La montée en puissance de Bougouni, avec une capacité de production estimée à 100 000 à 120 000 tonnes par an, place le pays sur l'échiquier mondial de la transition énergétique, notamment face à la demande croissante en batteries électriques.
Mais cette opportunité s'accompagne de défis cruciaux : garantir une gouvernance minière équitable, assurer une plus-value nationale et éviter une captation exclusive par des intérêts étrangers. Alors que les sacs de spodumène s'empilent à Bougouni et que les regards convergent vers Bamako, l'équation est claire : transformer cette mine en succès industriel et diplomatique. Le lithium malien ne doit pas seulement quitter le sol national, il doit le faire au bon prix, dans l'intérêt de la souveraineté économique du pays.
Narcisse Angan
Publié le 07/07/25 11:41
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le avec vos amis en cliquant sur les boutons ci-dessous :