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Le Sénégal traverse une zone de turbulence budgétaire majeure. Ce 24 mars 2025, le Fonds monétaire international (FMI) a posé un préalable de taille avant toute reprise des discussions sur un nouveau programme d'aide financière : la clarification des erreurs de déclaration sur les finances publiques, héritées de l'administration de l'ancien président Macky Sall.
En cause, la dissimulation d'environ 7 milliards de dollars (4 245,6 milliards FCFA) de dette entre 2019 et 2024, confirmée à la fois par un audit de la Cour des comptes du pays et par le FMI lui-même.
Une dette largement sous-estimée
En effet, selon le rapport publié en février dernier par la Cour des comptes du Sénégal, l'encours total de la dette publique à fin 2023 s'élevait à près de 100% du PIB (99,67%), contre 74,41% initialement déclaré. Cette différence importante, soit près de 23% du PIB de 30,94 milliards de dollars en 2023, représente environ 7 milliards de dollars de passif non déclaré. Un montant considérable, qui compromet gravement la transparence et la crédibilité budgétaire du pays sur la scène internationale.
C'est dans ce contexte qu'Edward Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal, actuellement en visite à Dakar, a indiqué que les discussions sur un nouveau programme ne pourront reprendre qu'une fois la clarification complète faite sur ces erreurs de déclaration sur la dette et le déficit public.
‘'Nous ne pouvons pas discuter d'un nouveau programme avant d'avoir réglé la question des fausses déclarations'', a-t-il déclaré. L'accord actuel, une facilité de crédit de 1,8 milliard de dollars, est d'ores et déjà suspendu.
Le FMI reste cependant ouvert à un réengagement rapide, à condition que le gouvernement actuel prenne les mesures nécessaires pour assainir les comptes et éviter à l'avenir de telles irrégularités. Edward Gemayel a laissé entendre qu'une fois les erreurs corrigées, l'institution financière pourrait avancer ‘'très, très vite'' dans la négociation d'un nouveau programme, sans toutefois s'engager sur une date. Le gouvernement sénégalais, par la voix de son ministre des Finances Cheikh Diba, espère pour sa part parvenir à un nouvel accord d'ici juin.
Des réformes structurelles en ligne de mire
Pour restaurer cette confiance, le FMI appelle à des réformes en profondeur. La réduction progressive des subventions énergétiques, notamment, figure parmi les priorités. Depuis la pandémie de Covid-19, ces aides, qui bénéficient en grande majorité aux ménages les plus aisés, représentent jusqu'à 4% du PIB. Une dépense jugée inefficace et coûteuse, que le nouveau président Bassirou Diomaye Faye s'est engagé à rationaliser.
Un budget rectificatif, reflétant les véritables niveaux de dette et de déficit, est également attendu pour le deuxième ou troisième trimestre 2025. Il marquera une étape cruciale dans la reconstruction de la transparence budgétaire.
L'espoir d'un rebond grâce aux ressources pétrolières
En dépit de ce contexte tendu, des perspectives positives subsistent. Le FMI prévoit que les revenus pétroliers et gaziers — issus notamment du champ offshore de Sangomar — pourraient contribuer à hauteur de 1% du PIB par an sur les cinq prochaines années. En 2024, la production de brut a atteint 16,9 millions de barils, dépassant largement les prévisions initiales.
Ces ressources pourraient offrir au Sénégal un levier de relance, à condition d'être gérées de manière rigoureuse et transparente — une exigence devenue d'autant plus impérative à l'aune des révélations récentes.
Dr Ange Ponou
Publié le 25/03/25 09:33
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