UEMOA : Bond de 265% à près de 7 500 milliards FCFA des avoirs extérieurs nets à fin avril

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Jean-Claude Kassi BROU, Gouverneur de la BCEAO

C'est un chiffre qui interpelle par son ampleur. Les avoirs extérieurs nets dans l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont été multipliés par près de quatre en un an, passant de 2 045,7 milliards FCFA fin avril 2024 à 7 468,5 milliards FCFA fin avril 2025, selon les données officielles consultées par Sika Finance. Soit une hausse vertigineuse de 265%, équivalente à +5 422,8 milliards FCFA.

Mais que représentent exactement ces avoirs extérieurs nets (AEN) ?

Il s'agit de la différence entre les actifs détenus par les banques commerciales et centrales auprès de l'étranger (devises, titres, réserves) et leurs engagements vis-à-vis du reste du monde (dettes, passifs). En clair, c'est le solde net des créances extérieures de l'UEMOA, et donc un indicateur clé de la solidité financière de la région sur la scène internationale.

Pourquoi une telle envolée ? Une conjonction de facteurs favorables

La forte progression des avoirs extérieurs nets résulte vraisemblablement de la convergence de plusieurs facteurs. D'une part, la hausse des recettes d'exportation, soutenue par la solidité des prix des matières premières telles que l'or, le cacao et le coton, a renforcé les entrées de devises ; tandis que d'autre part, la reprise des financements extérieurs, qu'il s'agisse de dons, d'emprunts ou d'investissements directs étrangers, a alimenté les réserves en devises.

Par ailleurs, un ralentissement des sorties de capitaux, lié à des politiques de change prudentes ou à des restrictions temporaires sur certains paiements extérieurs, a également contribué à cette dynamique.

Une poussée de la masse monétaire dans le sillage des réserves

L'abondance de devises ne reste pas lettre morte, elle se répercute sur la masse monétaire de la région, c'est-à-dire la quantité totale de monnaie en circulation dans l'économie. Ainsi, à fin avril 2025, la masse monétaire au sens large (M2) a atteint 53 527,3 milliards FCFA, en hausse de 14,6% sur un an.

Ce gonflement s'explique notamment par une augmentation de la circulation fiduciaire (les billets et pièces en usage) de 17,1% à 12 829 milliards FCFA ; et une croissance des dépôts bancaires de 13,8% à 40 698,3 milliards FCFA, signe de la confiance croissante des agents économiques dans le système bancaire régional.

En d'autres termes, les banques sont plus liquides, ce qui peut théoriquement favoriser l'octroi de crédit, les investissements et la consommation.

Des créances intérieures en croissance modérée

L'autre moteur de la masse monétaire réside dans ce que l'on appelle les créances intérieures, soit les prêts que les banques accordent aux États (créances sur l'administration publique centrale) et au secteur privé (créances sur l'économie).

Ces créances ont progressé de 7,9% à 61 734,6 milliards FCFA, une hausse plus modérée que celle des AEN. Deux composantes sont à distinguer, à savoir les créances nettes sur les États, qui ont crû de 12,3% pour atteindre 26 052,5 milliards FCFA, reflet des besoins croissants de financement budgétaire ; et les créances sur l'économie, en hausse de 5% à 35 682 milliards FCFA, ce qui suggère une reprise progressive du crédit bancaire aux entreprises et aux ménages.

Quel impact pour l'économie réelle ?

Ce boom des avoirs extérieurs nets et de la masse monétaire peut être perçu comme une bonne nouvelle, car il renforce la solvabilité extérieure de l'Union, essentielle dans un contexte de vulnérabilité au niveau des balances de paiement ; la liquidité du système bancaire, offrant potentiellement plus de marges de manœuvre pour le financement de l'économie.

Cependant, cela appelle aussi à la prudence. Une hausse trop rapide de la masse monétaire peut générer des pressions inflationnistes, si elle n'est pas accompagnée par une hausse équivalente de la production de biens et services. Il convient donc pour la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) de suivre attentivement les signaux de surchauffe potentielle et de calibrer ses outils de politique monétaire (taux directeur, réserves obligatoires).

Dr Ange Ponou

Publié le 14/07/25 18:01

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