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Alors que l'économie mondiale navigue en eaux incertaines, l'UEMOA a affiché, en mai 2025, un signal de résilience modérée mais tenace. Son indicateur du climat des affaires s'est établi à 101,3 points. Un niveau toujours supérieur à sa moyenne de long terme (100 points), révélateur d'une confiance globale des chefs d'entreprise dans la conjoncture économique de la région.
Mais au-delà de ce chiffre, une lecture plus nuancée s'impose. Car si les secteurs du commerce et des services restent dynamiques, l'industrie marque un net ralentissement. Ce contraste sectoriel mérite d'être scruté de près, car il reflète une économie duale, dont la soutenabilité dépendra de la capacité des États à réconcilier croissance des services et vitalité industrielle.
Un climat des affaires toujours positif, mais en ralentissement relatif
L'indicateur du climat des affaires dans l'UEMOA a enregistré en mai 2025 une légère hausse par rapport à avril, confirmant une tendance de résilience conjoncturelle. Il reste cependant en repli de 0,2% sur un an, un signe que l'optimisme des chefs d'entreprise s'érode légèrement, sans toutefois céder à la défiance.
Cet indicateur, élaboré à partir des enquêtes de conjoncture menées auprès d'entreprises de divers secteurs, permet de mesurer la perception des acteurs économiques sur l'évolution future de l'activité. Se maintenir au-dessus du seuil de 100 points signifie que la majorité des entrepreneurs perçoivent positivement la situation économique à court terme.
‘'Dans une conjoncture marquée par des tensions géopolitiques mondiales et des ajustements monétaires, ce maintien est un signal fort de résilience du tissu économique régional”, analyse un économiste de la région.
Le commerce et les services, moteurs de la dynamique économique
Les activités commerciales ont poursuivi leur dynamique de croissance avec une hausse de 4,3% en mai 2025, contre 3,4% en avril, signe d'une consommation domestique qui reste robuste dans plusieurs États membres, malgré les contraintes inflationnistes observées sur les mois précédents.
Mais c'est du côté des services marchands que le bond est le plus significatif. Le chiffre d'affaires dans ce secteur a enregistré une progression de 8,7%, accélérant par rapport aux 7,4% de croissance d'avril. Cette tendance confirme une tertiarisation de l'économie régionale, portée notamment par le dynamisme des services financiers, des télécommunications, des transports et de la distribution.
Une dynamique positive, mais qui appelle à la prudence, car une économie trop tirée par les services, au détriment de la production, peut fragiliser les bases structurelles de la croissance à moyen terme.
Les services, bien que créateurs d'emplois, ne peuvent seuls assurer l'ancrage durable de la croissance, notamment en matière de création de valeur ajoutée, d'exportations ou de compétitivité. À l'inverse, une industrie performante joue un rôle multiplicateur sur l'économie, particulièrement en termes d'emplois indirects, d'innovation et de fiscalité.
Industrie, le talon d'Achille de la reprise ?
C'est la seule ombre au tableau. La production industrielle a connu un net ralentissement. Sa croissance annuelle est passée de 12,7% en avril à 7,9% en mai 2025. Ce repli, s'il reste dans une zone positive, reflète probablement des effets de base (forte performance en 2024), mais aussi des contraintes d'approvisionnement, de coûts de production ou de financement.
Plus structurellement, ce signal rappelle que l'industrialisation demeure le chaînon manquant de l'architecture économique de l'UEMOA. Alors que le débat sur la transformation locale des matières premières est relancé dans plusieurs pays, cette décélération industrielle constitue un signal d'alerte sur la capacité à bâtir une économie plus intégrée et résiliente.
“Le ralentissement industriel pourrait devenir préoccupant si aucune impulsion politique et fiscale forte n'est engagée pour soutenir les investissements productifs”, alerte un analyste régional.
Face à ces signaux contrastés, l'enjeu est double pour les politiques économiques régionales. D'une part, il s'agira de stimuler les investissements industriels, notamment par des mécanismes incitatifs ciblés, un accès au crédit à long terme, et des infrastructures adaptées ; et d'autre part, renforcer la compétitivité du commerce intra-UEMOA, qui reste marginal malgré les gains de croissance dans le secteur commercial.
À court terme, le maintien de la confiance des chefs d'entreprise est un atout précieux, mais fragile. Il repose sur la lisibilité des politiques économiques, la stabilité du cadre réglementaire, et la prévisibilité des réformes monétaires et fiscales.
Dr Ange Ponou
Publié le 07/07/25 11:42
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