Afrique : Quand l’aide de la Banque mondiale est détournée vers les paradis fiscaux

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La Banque mondiale n'aurait-t-elle pas le total contrôle de l'usage des fonds alloués à ses Etats membres les plus fragiles ? La question se pose alors que vient d'éclater un scandale sur l'utilisation des ressources qu'elle affecte à ces derniers.

Tout est parti de la démission de Pinelopi Goldberg, économiste en chef à la Banque mondiale, à la suite de réticences qu'aurait eu l'institution à rendre public un rapport sur l'utilisation des fonds octroyés à certains Etats qui seraient détournés par leurs élites.

Le document de 43 pages, qui a associé des chercheurs indépendants, présente les résultats d'une étude qui établit un lien entre les aides décaissées par la Banque mondiale au profit des pays les plus dépendants – l'aide représente au moins 2% de leurs PIB – et les transferts vers 17 paradis fiscaux répertoriés et d'autres pays spécialisés dans la gestion de fortune privée comme la Suisse.

" Dans notre échantillon principal, qui comprend les 22 pays les plus dépendants de l'aide dans le monde (en termes d'aide de la BM), nous documentons que les versements de l'aide coïncident, au cours du même trimestre, avec des augmentations significatives de la valeur des dépôts bancaires dans les paradis fiscaux ", relève l'étude intitulée "Elite Capture of Foreign Aid " (en français : l'aide financière accaparée par les Elite).

" Plus précisément, poursuit le rapport, dans un trimestre où un pays reçoit une aide équivalente à 1% du PIB, ses dépôts dans les paradis fiscaux augmentent de 3,4% par rapport à un pays ne recevant pas d'aide ".

En outre, il est noté que des transferts comparables ne sont pas observés vers des centres bancaires internationaux de référence comme New York, Londres et Francfort. Toutes choses qui laissent penser, relève-t-on, qu'il ne saurait s'agir de fonds transférés par des sociétés privées rémunérés par les versements de la Banque mondiale, mais plutôt de fonds accaparés par des membres de l'élite dirigeante. Cela d'autant plus que " des recherches récentes (…) montrent que les comptes bancaires offshore (paradis fiscaux, ndlr) sont très majoritairement concentrés au niveau des élites ".

Tableau récapitulatif présentant l'évolution trimestrielle des transferts de fonds vers les paradis fiscaux (5ème colonne) suite aux décaissements des aides de la Banque mondiale

Source: Rapport Banque mondiale " Elite Capture of Foreign Aid : Evidence from Offshore Bank Accounts ", février 2020

 

Le document évalue ainsi que ces détournements représentent " environ 5 % dans les versements globaux " de l'institution, et peuvent aller jusqu'à " 15% " pour les 7 pays les plus dépendants de l'aide comme le Burundi, la Guinée-Bissau ou encore la Sierra Leone. Des niveaux qui peuvent sembler modestes pour la simple raison qu'elle ne tient pas compte de " l'argent dépensé pour l'immobilier, les produits de luxe, etc. ".

L'on note (Voir tableau) que le Ghana, avec 446 millions $ logés dans les paradis fiscaux, les versements des aides de la Banque mondiale sont suivis d'une hausse de 3,14% des transferts vers ces pays, contre par exemple près de 4% au Malawi.

Le rapport montre donc des insuffisances dans la gestion de l'aide accordée aux pays les plus fragiles qui ne profite manifestement pas, du moins dans sa totalité, aux populations les plus pauvres. Une situation qui interpelle au plus haut niveau l'institution engagée dans une course effrénée pour mettre fin à l'extrême pauvreté dans le monde.

" La direction du Groupe de la Banque mondiale prend très au sérieux la corruption et les risques fiduciaires connexes ", a-t-elle décrit dans un communiqué, se défendant d'avoir voulu faire l'impasse sur le document.

" Nous avons mis en place des procédures strictes de passation des marchés et de gestion financière qui dissuadent et détectent la corruption et les irrégularités dans les projets et programmes financés par l'IDA et la BIRD et tiennent les contrevenants responsables dans la mesure du possible " note la Banque qui devrait pouvoir renforcer son dispositif de surveillance des Etats bénéficiant de ses appuis.

Jean Mermoz Konandi

Publié le 21/02/20 19:30

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