Les autorités burkinabè annoncent la nationalisation de la Société nouvelle Huilerie et Savonnerie Citec (SN-Citec), principal acteur de la filière des oléagineux dans le pays. Cette décision met ainsi fin au contrôle du groupe français Géocoton, filiale du groupe Advens, qui détenait jusqu'alors 53% du capital aux côtés de la Sofitex (34%) et d'investisseurs locaux (13%). Cette reprise en main stratégique s'inscrit dans la politique de souveraineté industrielle prônée par le gouvernement burkinabè, avec pour objectif d'assurer la sécurité alimentaire, stabiliser les prix des produits de base et renforcer le contrôle national sur les filières agro-industrielles clés.
La décision de nationalisation intervient dans un contexte international où plusieurs pays renforcent l'intervention publique dans des secteurs industriels jugés stratégiques, notamment dans l'agroalimentaire, face à la volatilité des marchés mondiaux et à la montée des politiques souverainistes. Elle marque également la continuité d'une stratégie burkinabè de recentrage sur les actifs industriels clés, avec un objectif assumé, à savoir transformer localement les matières premières plutôt que de les exporter brutes, afin de capter davantage de valeur ajoutée et sécuriser les besoins nationaux.
La décision intervient aussi dans un contexte où le groupe Géocoton, très implanté dans la filière coton ouest-africaine, reconfigure ses activités sur le continent. Outre la SN-Citec, il contrôle au Burkina la Société cotonnière du Gourma (SOCOMA), active dans l'Est du pays. Le retrait de l'actionnaire majoritaire pourrait annoncer un nouveau chapitre dans les relations industrielles entre l'État burkinabè et le groupe, historiquement au cœur du développement textile et oléagineux régional.
Une nationalisation décidée après l'impasse des négociations
L'État avait initialement engagé des discussions pour racheter les parts du groupe français, après que ce dernier a exprimé sa volonté de se retirer. Mais les pourparlers ont achoppé sur un point central : une dette contractée au nom de la SN-Citec par Géocoton, utilisée à la fois pour les activités de l'usine et pour soutenir d'autres filiales au Burkina et au Togo.
Les autorités jugeaient nécessaire de clarifier cette dette avant tout transfert, afin d'éviter une reprise ‘'chargée'' et de garantir la continuité de l'approvisionnement national. Face au refus de l'actionnaire majoritaire d'aborder ce volet, et à l'approche d'une nouvelle campagne industrielle, la nationalisation a été retenue comme solution pour prévenir un déséquilibre sur le marché. L'État s'engage à indemniser les actionnaires concernés dans le cadre de ce processus.
Fondée en 1941 et privatisée en 1995, la SN-Citec est l'une des plus anciennes unités agroalimentaires du Burkina Faso. Elle joue un rôle central dans la transformation de la graine de coton, un secteur vital pour l'économie nationale. Les capacités industrielles nominales sont de 120 000 tonnes de graines de coton triturables par an ; 20 000 tonnes d'huile raffinée ; 6 000 à 12 000 tonnes de savon ; et 48 000 tonnes d'aliments pour bétail.
En période normale, l'usine pourrait couvrir plus de 30% des besoins nationaux en huiles alimentaires. Cependant, elle ne tourne qu'à environ 50% de ses capacités, en raison d'un approvisionnement irrégulier, aggravé par des exportations parallèles et des dysfonctionnements logistiques. Pour les autorités, reprendre le contrôle de l'entreprise permettra de stabiliser cette chaîne d'approvisionnement et de mieux valoriser localement la production cotonnière.
Narcisse Angan
Publié le 22/11/25 15:30