Au Cameroun, la cérémonie officielle de lancement du projet d'exploitation industrielle de la bauxite de Minim-Martap, dans le département de la Vina (région de l'Adamaoua), a eu lieu le 23 septembre 2025. Le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, a posé la première pierre d'un projet porté par la Cameroon Alumina Corporation (Camalco S.A), filiale du groupe australien Canyon Resources Limited.
A en croire le ministère camerounais des Mines, les travaux d'exploration pour le projet de Minim-Martap ont mis en évidence plus d'un milliard de tonnes de bauxite, affichant une teneur de 51 % en alumine et 2,4 % en silice, soit une valorisation estimée à 16 milliards de dollars aux cours actuels. Selon Camalco, 200 millions de tonnes feront l'objet d'une exploitation sur 20 ans, avec une production annuelle de 10 millions de tonnes. La compagnie laisse entrevoir la possibilité d'étendre les extractions aux sites voisins de Makan et Ngaoundal.
La dimension industrielle ne s'arrêterait pas à l'exportation de minerai brut. Camalco prévoit également la construction d'une raffinerie de bauxite en alumine, pour un investissement supérieur à 2 milliards de dollars. L'unité viserait à traiter les minerais à plus faible teneur 44 % d'alumine et 3 % de silice et permettrait, selon les projections, de produire 213 millions de tonnes d'alumine à partir de 640 millions de tonnes de bauxite.
Les retombées annoncées pour l'État sont considérables. 12 % du chiffre d'affaires, auxquels s'ajouteront les impôts de droit commun après retour sur investissement, ainsi qu'une participation gratuite de 10 % au capital de Camalco. À ces apports financiers s'ajoutent des infrastructures promises dans le cadre du projet. Routes, lignes ferroviaires, réseaux énergétiques et installations portuaires.
Sur le plan social, l'entreprise s'est engagée à construire un hôpital de référence et une école moderne à Martap, ainsi qu'un marché à Minim. La société projette également la création de 5 000 emplois directs et 20 000 emplois indirects. La main-d'œuvre qualifiée devrait en partie provenir de l'École de géologie et d'exploitation minière de l'université de Ngaoundéré.
Certains experts appellent toutefois à la prudence. Le Dr Bareja Youmsi, enseignant-chercheur et spécialiste des mines et du pétrole, estime que le projet pourrait difficilement voir le jour avant une décennie. "La pose de la première pierre du 23 septembre est purement à caractère électoral et politique", analyse-t-il. Selon lui, la qualité du minerai reste trop faible, les réserves ne sont pas de classe mondiale et le déficit en infrastructures comme en énergie constitue un frein majeur.
L'expert met également en cause Canyon Resources Limited, maison-mère australienne de Camalco. Constituée en 2009 et basée à West Perth, la société était connue sous le nom de Castlemaine Resources Limited avant de prendre son nom actuel en 2010. "En dehors du projet camerounais, Canyon Resources n'a plus aucun projet ailleurs, ce qui montre que nous avons affaire à des spéculateurs", insiste Bareja Youmsi.
Pour lui, l'exploitation et l'exportation de la bauxite brute de Minim-Martap ne seraient pas compétitives. "Le taux de concentration est bas et le coût de transport ferroviaire élevé. Les acheteurs préfèrent se tourner vers la Guinée, qui produit déjà 80 millions de tonnes de bauxite par an, avec une teneur de 60 %." Le spécialiste juge que le projet ne pourrait être économiquement viable que si la transformation en alumine était réalisée sur place, à destination des industries locales et régionales, et à condition de résoudre au préalable la question de l'accès à l'électricité.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 26/09/25 17:20