COURS | GRAPHIQUES | ACTUS | FORUM |
Investir sur le marché des titres publics de la zone CEMAC aujourd'hui est deux fois plus rentable qu'il y a sept ans, selon le dernier rapport de politique monétaire de la BEAC, la banque centrale de la région. Il ressort, en effet, de ce document que le taux d'intérêt moyen appliqué aux emprunts des États est passé de 3,66 % en 2016 à 7,51 % en 2023. La courbe n'a pas cessé de grimper, puisqu'au 1er semestre 2024, le rendement moyen sur les instruments de prêts souverains était de 7,65 %. Cela signifie qu'entre les deux périodes, les investisseurs ont plus que doublé leurs exigences, obligeant les États à payer plus cher pour s'endetter.
Voir aussi : CEMAC : Les souscriptions sur les titres publics atteignent un niveau historiquement bas
Ce durcissement est perceptible sur les titres de longue maturité (les OTA), très sollicités par les États, et dont l'encours est passé de 388,4 milliards FCFA à 5 190 milliards FCFA entre 2016 et 2023. Le rendement annuel moyen sur cet instrument a ainsi progressé de 4,55 points de pourcentage à 8,91 %. La RCA et le Tchad sont les deux pays à qui les investisseurs sollicitent les taux les plus élevés en 2023, soit respectivement de 10,25 % et 10,15%. Concernant, les titres de moins d'un an (BTA), les calculs de la BEAC indiquent que le taux d'intérêt moyen est passé de 3,56% au cours de l'année 2016 à 6,68 % 7 ans plus tard. La plus forte progression revient au Cameroun, dont les taux ont presque triplé entre les deux périodes, passant de 2,27% à 6,67%. Son portefeuille de BTA est pourtant à 78,4% concentré sur les prêts de 26 semaines. Avec une focalisation sur les émissions de 52 semaines, la Guinée Équatoriale est le pays qui paie le plus cher cet instrument soit une moyenne de 7,78%.
Pourquoi les taux augmentent ?
Plusieurs facteurs peuvent avoir influencé ce redressement brutal des coûts d'emprunts dans la CEMAC. La courbe des taux permet de constater que le rendement moyen annuel a grimpé à partir de 2020, année où la région a été secouée par la crise du covid-19 obligeant les États à s'endetter massivement pour subvenir à leurs besoins. La même année, la BEAC a allégé l'accès au financement pour les établissements de crédit ce qui n'a pas empêché que les taux d'emprunts augmentent, passant de 5,01% en 2019 à 6,01% en 2020.
Face aux pressions inflationnistes qui se sont intensifiées dans la région, la Banque centrale a, à partir de 2021, changé l'orientation de sa politique monétaire en augmentant ses taux et en suspendant ses injections hebdomadaires de liquidités. Une décision qui a également contribué à durcir les exigences des investisseurs auprès des États sur le marché des titres. Le rendement moyen est ainsi passé de 6,29% en 2020 à 7,51% 3 ans plus tard avec une augmentation de près de 2 points de pourcentage pour les OTA.
Voir aussi : Titres publics /CEMAC : 5 pays mobilisent 38 milliards FCFA sur 85 milliards recherchés
Enfin, l'autre raison qui peut expliquer la situation actuelle sur le marché de la CEMAC est la forte concentration de la dette étatique entre les mains d'une petite catégorie d'investisseurs que sont les banques commerciales. Ces derniers contrôlent environ 75% de l'encours et sont désormais contraints de rationaliser leurs interventions pour limiter leur exposition au risque souverain. La réduction des ressources face à une demande, sans cesse, en augmentation fait que les coûts ont tendance à augmenter.
Voir aussi : Après un défaut sur ses obligations, le Congo évoque un "dysfonctionnement technique"
Tensions de trésorerie
Le relèvement des taux est une bonne nouvelle pour les investisseurs qui augmentent leurs gains ; mais c'est un gros dilemme pour les États qui misaient sur le marché domestique pour financer leurs déficits budgétaires dans un contexte de resserrement des conditions financières mondiales. Une situation qui met en difficulté les pouvoirs publics, contraints d'utiliser une bonne partie des recettes intérieure pour rembourser la dette en lieu et place de l'investissement ou/et des dépenses sociales. Cela peut, bien évidemment, occasionner des défauts de paiement si les ressources internes sont insuffisantes pour honorer les échéances. L'illustration récente est celle du Congo-Brazzaville qui a été contraint de solliciter un rééchelonnement de ses remboursements sur 10 ans.
Cédrick JIONGO
La Rédaction
Publié le 25/10/24 14:53
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le avec vos amis en cliquant sur les boutons ci-dessous :