Charles-Emmanuel YACÉ, PCA de l’APROMAC : ''La production ivoirienne de caoutchouc naturel a été multipliée par 10 en moins de 20 ans …''

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Charles-Emmanuel YACÉ, PCA de l'APROMAC :

La production ivoirienne de caoutchouc naturel a été multipliée par 10 en moins de 20 ans …

De simple outsider à leader mondial, la Côte d'Ivoire a bouleversé l'échiquier de la production de caoutchouc naturel en se hissant au 3ᵉ rang mondial en moins de 20 ans. Derrière ce succès fulgurant se cache une filière structurée, portée par l'APROMAC et une synergie entre acteurs publics et privés. Charles-Emmanuel YACÉ, Président du Conseil d'administration de l'APROMAC, décrypte les leviers de cette ascension : organisation méticuleuse, innovations agronomiques et ambitions de transformation industrielle.

Entre l'objectif de devenir le deuxième producteur mondial, la traçabilité pour répondre aux normes internationales, et des projets novateurs comme les biocarburants issus de l'hévéa, la Côte d'Ivoire compte redéfinir l'avenir de l'hévéaculture et renforcer son rôle sur la scène internationale. Interview.

La production ivoirienne de caoutchouc naturel a enregistré un développement fulgurant sur les 20 dernières années, hissant la Côte d'Ivoire au 3ᵉ rang mondial. Comment expliquer cet engouement remarquable pour cette spéculation ?

La production ivoirienne de caoutchouc naturel a été multipliée par 10 en moins de 20 ans, passant de 164 138 tonnes en 2005 à 1 678 000 tonnes de caoutchouc sec en 2023, ce qui place la Côte d'Ivoire au 3ᵉ rang mondial des producteurs de caoutchouc naturel. Cette performance résulte des actions conjointes de l'État et d'une synergie entre les acteurs de la chaîne de valeur.

La production ivoirienne de caoutchouc naturel a été multipliée par 10 en moins de 20 ans … 

Parmi les facteurs ayant favorisé ce développement, on peut citer la bonne organisation de la filière par l'APROMAC, qui a mis en place, dès 2009, un fonds pour financer directement le développement des plantations d'hévéa. Cela s'est traduit par la formation des jeunes en milieu rural aux métiers de l'hévéa (pépiniériste, greffeur, ouvrier agricole spécialisé, saigneur et régisseur de plantation), la création d'un réseau performant pour la production de matériel végétal de haute qualité, et la subvention des plants pour les nouveaux et anciens planteurs.

En outre, une conjoncture internationale favorable entre 2011 et 2012, marquée par des cours exceptionnellement élevés du caoutchouc naturel atteignant 1 000 F CFA le kilogramme, a permis une promotion réussie de l'hévéaculture. Aujourd'hui, cet engouement s'explique par la régularité des revenus qu'elle procure, avec des gains mensuels substantiels sur au moins 10 mois de l'année.

Quel a été le rôle de l'État dans cette dynamique ?

L'État a joué un rôle essentiel en tant que régulateur et partenaire de la filière. En 1975, les professionnels de la filière se sont regroupés au sein de l'APROMAC, devenue en 2020 l'Organisation Interprofessionnelle Agricole de la Filière Hévéa de Côte d'Ivoire.

Pour assurer le suivi et le contrôle des activités, l'État a créé le Conseil Hévéa-Palmier à Huile (CHPH). Il a également signé douze conventions avec des usiniers pour renforcer la transformation locale du caoutchouc naturel. Ces conventions visaient à accroître les investissements dans le secteur, améliorer la compétitivité et résoudre des problèmes structurels tels que la baisse des cours mondiaux depuis 2012, la faiblesse des capacités d'usinage (74 % de la production en 2018) et les difficultés d'écoulement de la production des planteurs.

En contrepartie, l'État a accordé des mesures fiscales incitatives (suppression de taxes, crédits d'impôts, abattements), encadrées par l'ordonnance n°2019-826 du 9 octobre 2019. Ces investissements prévoient un montant total d'environ 56,5 milliards de FCFA.

La filière est l'une des rares où le pays opère une première transformation de la totalité de sa production, avec une forte implication des opérateurs locaux. Quelles sont les spécificités de ce secteur, comparé par exemple à celui du cacao, et quels sont les facteurs de cette réussite ?

Comparativement au cacao, l'hévéaculture est une activité récente. Les premières plantations ont été créées en 1953 par des initiatives privées, et l'État est intervenu en 1965 avec un modèle basé sur des plantations développées autour d'unités de première transformation. Ce modèle a permis que, jusqu'en 2015, tout le caoutchouc produit par les producteurs villageois subisse une première transformation localement.

À la différence du cacao, la culture de l'hévéa s'appuie sur le développement de plantations autour d'unités de première transformation. 

Entre 2016 et 2022, la hausse de la production nationale a surpassé les capacités d'usinage. Ce défi a été relevé grâce à des mesures fiscales incitatives qui ont permis la construction de nouvelles usines et l'extension des installations existantes.

Dans le même temps, la rémunération des planteurs a souvent été l'objet de quelques frictions. Quelle est l'approche de votre organisation, très impliquée dans la fixation des prix d'achat ?

Le prix d'achat du caoutchouc naturel est fixé à Singapour, après cotation mensuelle sur la Singapour Commodity Exchange (SICOM). Depuis avril 2022, la répartition du prix SICOM entre producteurs et transformateurs est déterminée par une décision de l'autorité de régulation (CHPH). L'APROMAC s'engage à faciliter un consensus entre producteurs et usiniers pour établir un mécanisme de fixation des prix accepté par toutes les parties, dans l'objectif de maintenir l'équilibre économique du secteur.

Lors des Journées du caoutchouc naturel en septembre 2024, le chef du gouvernement a fixé l'objectif de faire passer le pays au rang de deuxième producteur mondial. Comment y parvenir, et dans quel délai ?

Pour atteindre cet objectif, il faudra vulgariser les bonnes pratiques agricoles, assurer une veille phytosanitaire rigoureuse, replanter les vergers anciens avec des clones à haut rendement, et améliorer significativement la productivité en milieu villageois.

La perspective d'une expansion de la culture ne ferait-elle pas peser une menace sur les forêts ?

Non, car le développement de l'hévéaculture se concentre sur les zones savanicoles et les écosystèmes dégradés. De plus, la recherche a mis au point des clones adaptés à ces nouveaux environnements, transformant ces zones en de nouvelles forêts.

Comment la filière se prépare-t-elle à la réglementation européenne sur l'interdiction des produits issus de la déforestation ?

Une opération de géoréférencement de toutes les plantations d'hévéas est en cours en Côte d'Ivoire, afin de garantir la traçabilité de la production. Depuis 2009, l'APROMAC interdit également la création de plantations dans les forêts, dans le cadre de son programme " Appui à la création de Plantation ". Ces mesures assurent que le caoutchouc ivoirien respecte les normes internationales, notamment celles de l'EUDR.

Depuis 2009, l'APROMAC a interdit la création de plantations dans les forêts …

La deuxième transformation du caoutchouc naturel est également une question à l'ordre du jour dans la filière. Quels sont les défis à relever pour réussir ce nouveau pari ?

La deuxième transformation du caoutchouc naturel est en effet une priorité. Une étude est actuellement en cours pour identifier les leviers nécessaires à la réussite de ce projet, qui vise à accroître la valeur ajoutée et développer une véritable industrie locale.

La deuxième transformation du Caoutchouc Naturel est à l'ordre du jour en Côte d'Ivoire. 

L'APROMAC, en partenariat avec des acteurs locaux, travaille également sur un projet de biocarburant à partir des graines d'hévéa. Où en est ce projet, et quel impact est attendu ?

Initiée par la Fédération des Organisations Professionnelles agricoles de Producteurs de la Filière Hévéa de Côte d'Ivoire (FPH-CI) en collaboration avec un groupe pétrolier, cette initiative vise à valoriser les sous-produits de l'hévéa, notamment la graine. Le projet est actuellement en phase pilote.

Depuis 2019, l'APROMAC finance le CNRA pour la production de l'huile et de tourteau de graine d'hévéa. 

Depuis 2019, l'APROMAC finance le CNRA pour la production de tourteaux (alimentation animale et biofertilisants) et d'huile de graines d'hévéa, utilisée pour le...

Retrouvez la suite de cette interview dans le numéro hors-série de votre magazine téléchargeable par un simple clic sur l'image ci-dessous.

La Rédaction

Publié le 04/08/25 10:26

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