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La Direction Générale des Financements, outils stratégique créé par l'Etat ivoirien et dédié à la gestion de sa dette, a réussi en janvier dernier la plus importante levée sur le marché international de la dette en Afrique subsaharienne. Au-delà de l'importance de l'enveloppe, l'opération aura permis d'améliorer significativement le profil de la dette ivoirienne, ce qui a d'ailleurs valu au pays le rehaussement de sa note financière par les agences internationales dont Moody's. Un succès aujourd'hui salué à l'échelle internationale qui distingue la DGF, dirigé Lanciné Diaby ,du Prix du Meilleur Gestionnaire de Dette Souveraine au monde.
En janvier dernier, la Côte d'Ivoire a marqué l'histoire des marchés financiers africains en émettant une obligation d'un montant record de 2,6 milliards de dollars, la plus importante jamais réalisée par un État souverain d'Afrique subsaharienne. Cette émission, la première en dollars américains depuis 2017 pour le pays, s'est distinguée par une série d'innovations financières et stratégiques, incluant un swap de devises pour limiter le risque de change lié au franc CFA, arrimé à l'euro, et l'intégration d'une composante environnementale, sociale et de gouvernance (ESG).
Ce succès est en phase avec le programme de prêts approuvé en mai 2023 par le Fonds monétaire international (FMI), visant à renforcer la soutenabilité de la dette ivoirienne. Deux priorités principales ont été alors identifiées : restructurer et refinancer une dette existante, composée en grande partie de prêts commerciaux à taux variable devenus coûteux en raison de la hausse des taux d'intérêt aux Etats-Unis, et répondre à l'appétit des investisseurs pour les obligations en dollars, perçues comme plus attractives.
Voir aussi - La Côte d'Ivoire réussit un eurobond record de 2,6 milliards de dollars
Après une absence de deux ans sur les marchés financiers internationaux, la Direction Générale des Financements (DGF) a mené une série de réunions avec des banques et investisseurs potentiels à Londres, Boston et New York. " Nous voulions sonder l'appétit des investisseurs pour une nouvelle émission et identifier les structures les plus adaptées à leurs attentes ", explique Lanciné Diaby, directeur général de la DGF.
Malgré des doutes initiaux sur la faisabilité d'une émission d'une telle ampleur, la Côte d'Ivoire a surpris en réussissant à lever 2,6 milliards de dollars via une opération en deux tranches. La demande a été spectaculaire, avec une sursouscription de 300 %. Ce succès a permis non seulement de financer le budget, mais aussi de réduire les coûts de la dette : les prêts à taux moyen de 9 % ont été remplacés par des obligations offrant un coupon moyen de 6,6 %.
La structure des nouvelles obligations, d'une durée de 13 et 9 ans, a également permis d'allonger le profil d'échéance de la dette ivoirienne, tout en limitant les pressions sur les finances publiques. Une partie des recettes a été utilisée pour racheter des obligations arrivant à échéance en 2025 et 2032, une innovation saluée par les investisseurs.
Un swap de devises inédit en Afrique subsaharienne
Pour atténuer le risque lié à l'émission en dollars, la Côte d'Ivoire a procédé à un swap de devises inédit en Afrique subsaharienne, couvrant la totalité des obligations. Cette opération a permis de réduire le coût effectif de financement de 150 points de base par rapport au coupon initial en dollars. " Cette gestion innovante des risques a été rendue possible grâce à notre expérience préalable des swaps ", souligne Diaby.
Une dimension ESG pour attirer de nouveaux investisseurs
Parmi les deux tranches, celle de 1,1 milliard de dollars sur 9 ans a été la première obligation ESG du pays, répondant aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Bien qu'aucun projet spécifique n'ait été identifié lors de l'émission, le cadre ESG adopté en 2021, puis actualisé en 2023, garantit que les fonds seront utilisés pour des projets alignés sur ces principes, avec un suivi rigoureux des résultats.
Cette réussite a inspiré d'autres pays de la région. Le Bénin, le Sénégal ont lancé leurs propres euro-obligations peu après, renforçant les réserves de change communes de l'UEMOA. " L'accès retrouvé aux marchés internationaux est une excellente nouvelle pour notre position extérieure et pour la région ", se réjouit Diaby.
Vers des obligations ‘'Panda'' et ‘'Samouraï''
La DGF, renforcée par une stratégie de communication proactive avec les investisseurs, explore de nouvelles pistes pour diversifier ses sources de financement. Parmi elles figurent les obligations " Panda " sur le marché chinois et les obligations " Samouraï " au Japon.
Enfin, le cadre ESG en cours de mise à jour permettra à la Côte d'Ivoire de proposer à l'avenir des obligations liées au développement durable, offrant ainsi une plus grande flexibilité dans l'utilisation des fonds levés.
La Côte d'Ivoire, grâce à une gestion financière innovante et proactive, consolide sa position de leader régional sur les marchés financiers internationaux. Cette dynamique, associée à une vision stratégique claire, devrait continuer à attirer les investisseurs et à soutenir le développement économique du pays.
Jean Mermoz Konandi
Publié le 27/11/24 18:44
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