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Face au défi massif de l'emploi dans les pays en développement, la Banque mondiale opère un tournant stratégique dans ses politiques de passation de marchés. En effet, à compter du 1er septembre prochain, les entreprises soumissionnant à des contrats internationaux de travaux publics financés par l'institution devront allouer au moins 30 % de leur coût de main-d'œuvre à la population locale. Une exigence inédite, visant à transformer chaque chantier en levier direct de création d'emplois et de transfert de compétences, indique un communiqué de l'institution de Bretton Wood publiée ce 18 juillet.
Ce nouveau cadre répond à une réalité préoccupante, à savoir que 1,2 milliard de jeunes entreront sur le marché du travail dans les économies émergentes au cours des dix prochaines années, selon les estimations. Dans des contextes souvent marqués par une faible industrialisation, un secteur informel dominant et une croissance démographique soutenue, l'infrastructure devient un secteur stratégique pour absorber cette pression démographique. La Banque mondiale entend capitaliser sur les milliards de dollars injectés chaque année dans les infrastructures (routes, ports, lignes électriques, écoles, hôpitaux), pour produire non seulement des actifs physiques, mais aussi des opportunités concrètes pour les citoyens locaux.
‘'Cette nouvelle exigence renforce notre engagement en faveur de la création d'emplois'', a souligné Gallina A. Vincelette, vice-présidente chargée des politiques opérationnelles et des services aux pays. ‘'En privilégiant la main-d'œuvre locale, nous créons des emplois immédiats, tout en investissant dans le potentiel à long terme des communautés'', a-t-elle ajouté.
Concrètement, cela signifie qu'un projet de réhabilitation routière, de construction de ponts ou d'extension du réseau électrique devra intégrer dans ses équipes des ouvriers, ingénieurs, techniciens, ou encore apprentis issus du pays hôte. Au-delà des salaires distribués, cette approche favorise la transmission de savoir-faire, la montée en compétences et la structuration d'un tissu économique local.
Cette réforme s'inscrit dans la continuité d'un processus plus large de modernisation des pratiques de passation de marchés initié en mars 2025. Le nouveau cadre valorise davantage l'innovation, la durabilité, la qualité des offres et le coût du cycle de vie des projets. L'accent mis aujourd'hui sur la création d'emplois locaux vient enrichir cette approche qualitative, en cohérence avec les Objectifs de développement durable (ODD) et les stratégies nationales de croissance inclusive.
Pour les entreprises internationales, cette évolution implique une adaptation stratégique de leurs modèles d'exécution : partenariats avec des entreprises locales, programmes de formation in situ, recrutements ciblés, intégration de critères sociaux dans les soumissions. Du côté des gouvernements bénéficiaires, il s'agira de renforcer les mécanismes de suivi et de certification, afin de garantir que les engagements contractuels se traduisent sur le terrain par des emplois réels, décents et encadrés.
Au-delà du court terme, la Banque mondiale ambitionne de transformer les projets d'infrastructure en incubateurs de compétences nationales. En reliant les marchés publics à l'emploi local, elle entend soutenir des économies plus résilientes, autonomes et inclusives. Cette réforme s'inscrit dans une vision claire : le financement du développement ne doit pas se limiter à la livraison d'actifs, mais s'attaquer aux causes structurelles de la pauvreté, au premier rang desquelles figure le chômage des jeunes.
Narcisse Angan
Publié le 21/07/25 16:02
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