Dévaluation volontaire : Quand le Botswana bouscule les usages économiques en Afrique

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Face à la pression croissante d'un environnement économique mondial défavorable, le Botswana, longtemps cité comme un modèle de stabilité macroéconomique en Afrique, vient de faire un choix monétaire audacieux. Le gouvernement a décidé d'accélérer la dépréciation programmée de sa monnaie nationale, le pula, à hauteur de 2,76% sur l'année à venir, contre 1,51% précédemment fixé.

Derrière cette décision stratégique se cache une logique économique bien calibrée, qui vise à soutenir la compétitivité des produits locaux et à enrayer l'érosion des réserves de change. Explication d'un virage aussi mesuré que significatif.

Un régime de change unique en Afrique, le taux glissant contrôlé

Le Botswana applique depuis plusieurs années un système de ‘'taux de change glissant'' (crawling peg). Cela signifie que le pula, sa monnaie, est ajusté à la hausse ou à la baisse à intervalles réguliers, selon un taux préalablement défini par les autorités, afin de refléter les fondamentaux économiques du pays.

Contrairement à un flottement libre comme au Nigéria, ou à une parité fixe comme dans l'UEMOA avec l'euro, le taux du pula évolue dans une trajectoire maîtrisée, adossée à un panier de devises composé essentiellement du rand sud-africain (ZAR), en raison de la forte interdépendance économique entre les deux pays.

Diamants sous pression, croissance en berne

La décision d'accélérer la dépréciation du pula s'explique avant tout par la contraction de l'économie botswanaise, provoquée par le net repli du marché mondial du diamant, principale source de devises et de recettes fiscales du pays.

En 2023, le produit intérieur brut s'est contracté de 3%, et les perspectives pour 2024 ne sont guère plus encourageantes. Résultat, les réserves de change, autrefois exemplaires, ont fondu, passant de plus de 10 mois de couverture des importations à seulement 5,2 mois en février 2025, leur plus bas niveau depuis plus d'une décennie.

‘'La récente diminution des réserves de change, aggravée par l'environnement macroéconomique actuel, risque de compromettre la stabilité du mécanisme de taux de change'', a reconnu Sayed Timuno, du ministère des Finances.

Pourquoi dévaluer ?

Loin d'une décision désespérée, cette dévaluation ciblée du pula vise plusieurs objectifs structurels, à savoir, entre autres, stimuler les exportations en rendant les biens botswanais plus attractifs à l'international (en particulier hors secteur diamantifère, comme l'élevage ou le tourisme) ; réduire la demande en devises étrangères de la part des importateurs locaux, en renchérissant le coût des biens importés ; préserver les réserves de change, tout en évitant des mesures plus drastiques comme des restrictions monétaires ou des contrôles de capitaux.

Autrement dit, le Botswana cherche à réaligner sa monnaie avec la réalité de ses fondamentaux économiques, tout en préservant sa crédibilité auprès des marchés financiers et des agences de notation.

Une leçon de gestion prudente à contre-courant du continent

Contrairement à d'autres pays africains comme le Nigéria, l'Angola ou le Ghana, qui ont connu des crises aiguës de change ces dernières années, le Botswana reste maître de sa politique monétaire. Il anticipe la pression, au lieu de la subir.

Le pays continue d'assurer un accès relativement stable aux devises étrangères, sans effondrement brutal du taux de change ni fuite des capitaux. Cette capacité d'anticipation témoigne de la solidité de sa Banque centrale et de la cohérence de sa gouvernance économique.

L'ajustement à 2,76% du taux de glissement du pula est certes modéré, mais il reflète un tournant ; celui d'un pays prêt à s'adapter à un environnement international incertain, sans céder au populisme monétaire. Toutefois, cette politique n'est pas sans risque.

En effet, une monnaie plus faible pourrait renchérir l'inflation importée, notamment sur les biens de consommation courante ; elle pourrait aussi peser sur les revenus réels des ménages, déjà fragilisés par le ralentissement économique.

La Banque du Botswana devra donc équilibrer savamment ses instruments de politique monétaire pour éviter une spirale inflationniste, tout en soutenant la relance économique.

En acceptant une dépréciation plus rapide du pula, Gaborone démontre que la politique de change peut être utilisée intelligemment comme outil de relance, dans le cadre d'un plan plus large de diversification économique.

Ce choix, prudent mais assumé, montre qu'il est possible pour un pays africain d'adapter sa monnaie sans crise, sans chaos, et avec un minimum de bruit.

C'est sans doute cela, la vraie réussite botswanaise, un pragmatisme silencieux au service de la stabilité économique.

Dr Ange Ponou

Publié le 15/07/25 09:40

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