En 10 ans, les actifs d’Afreximbank ont bondi de 760% à 43 milliards USD

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C'est dans une salle du Transcorp Hilton d'Abuja, haut lieu fondateur d'Afreximbank, que le Professeur Benedict Oramah a prononcé, ce 26 juin 2025, son dernier discours en tant que président de la banque. Trente-deux ans plus tôt, il y assistait à la signature du traité qui allait donner naissance à cette institution panafricaine. Cette fois, c'est en patriarche qu'il s'est exprimé devant une assemblée composée de chefs d'État, de dirigeants financiers et de capitaines d'industrie, transformant son allocution en véritable manifeste pour la souveraineté économique du continent.

Une décennie de transformation institutionnelle et financière

Dès sa prise de fonction en 2015, à Lusaka, Oramah avait promis de faire d'Afreximbank une banque de référence, capable d'anticiper et de répondre aux besoins spécifiques du continent africain. Dix ans plus tard, les résultats sont remarquables. Les actifs et garanties de la banque sont passés de 5,5 milliards à 43,5 milliards de dollars. Les revenus annuels ont été multipliés par sept, atteignant plus de 3,2 milliards de dollars, tandis que le bénéfice net a été multiplié par huit, culminant à 1 milliard de dollars en 2024.

Le capital des actionnaires a lui aussi connu une croissance fulgurante, passant de 1 milliard à 7,5 milliards de dollars. Cette performance ne s'est pas limitée à une expansion financière, elle a permis à la banque de renforcer sa mission de développement et de résilience.

Une banque devenue bouclier face aux crises systémiques

À travers cette décennie, Afreximbank a assumé un rôle de stabilisateur macroéconomique pour le continent. Lors du choc des matières premières en 2015-2016, elle a mobilisé 10 milliards de dollars pour venir en aide aux grandes économies africaines. Pendant la pandémie de Covid-19, la banque a mobilisé 8 milliards de dollars, mis en place une plateforme panafricaine d'achat groupé d'équipements médicaux et financé, à hauteur de 2 milliards de dollars, l'acquisition de 400 millions de doses de vaccin. Alors que le système multilatéral international tardait à réagir, Afreximbank s'est imposée comme l'acteur de dernier recours. De même, face aux répercussions du conflit russo-ukrainien, la banque a engagé 50 milliards de dollars entre 2022 et 2023 pour assurer l'accès aux produits essentiels, relancer des projets industriels clés et soutenir les réserves de change de plusieurs pays.

Ces montants, exceptionnellement élevés pour une banque de développement, ont été accompagnés d'innovations structurelles comme AfPAY, un système de paiements en devises destiné à contourner les interruptions des services financiers internationaux.

Un levier stratégique pour l'intégration régionale

Au cœur de l'action d'Oramah s'est trouvée une volonté affirmée d'accélérer l'intégration économique du continent. La mise en œuvre du système de paiement PAPSS, qui permet aujourd'hui des transactions instantanées en monnaies locales dans 16 pays, constitue une avancée majeure. En facilitant la suppression des barrières de change, cette innovation réduit de 5 milliards de dollars par an les coûts de transaction commerciale.

En parallèle, Afreximbank a été à l'origine du lancement du Fonds d'ajustement de la ZLECAf, doté de 10 milliards de dollars, pour accompagner les États dans la transition vers un espace commercial sans droits de douane. L'institution s'est également illustrée dans l'organisation de foires commerciales intra-africaines, catalysant plus de 100 milliards de dollars de contrats en six ans. Cette approche opérationnelle de l'intégration a permis à Afreximbank d'augmenter la part du commerce intra-africain dans son portefeuille de prêts, passant de 3% en 2015 à 32% en 2025.

Une stratégie industrielle ambitieuse et ciblée

L'un des piliers du mandat d'Oramah a été l'investissement massif dans l'industrialisation du continent. À travers Arise IIP, plateforme industrielle cofinancée par la banque, des zones économiques spéciales ont vu le jour dans une douzaine de pays — du Bénin à la Tanzanie, en passant par la Côte d'Ivoire et le Nigéria. Une méga-usine textile prévue à Kano (Nigéria) emploiera à elle seule 250 000 personnes et permettra à la première puissance africaine d'économiser près de 5 milliards de dollars d'importations.

Dans le secteur de la santé, Afreximbank a inauguré son premier centre médical d'excellence à Abuja, avec l'ambition d'en faire un pôle régional pour l'oncologie, la cardiologie, la recherche clinique et la formation, financé à hauteur de 300 millions de dollars. Le projet est adossé à un fonds de recherche doté de 600 millions de dollars, destiné à appuyer les innovations médicales centrées sur les pathologies affectant les populations africaines.

Au-delà des infrastructures physiques, Afreximbank a également agi sur les infrastructures réglementaires. En partenariat avec l'Organisation africaine de normalisation (ARSO), la banque a financé l'harmonisation de près de 500 standards industriels et lancé un vaste programme de création de laboratoires de certification sur le continent. Ces initiatives visent à réduire les obstacles non tarifaires qui freinent le commerce intra-africain, et à créer les conditions d'une convergence technique propice à l'émergence d'un véritable marché continental.

Dans sa quête d'unification économique, Oramah ne s'est pas limité au continent. Il a œuvré activement à l'intégration de la CARICOM au sein d'Afreximbank. En quatre ans, douze États caribéens ont rejoint la banque, un bureau régional a été ouvert à la Barbade, et d'importants financements ont été accordés au Suriname, à la Guyane, à Sainte-Lucie ou encore à la Barbade.

Benedict Oramah a, par ailleurs, condamné le recours aveugle aux modèles de ‘'best practices'' internationaux, qui ont maintenu l'Afrique dans une position de dépendance. À leurs antipodes, il défend ce qu'il appelle une ‘'African Best Practice'', fondée sur le contrôle du capital, la réappropriation des chaînes de valeur, l'audace stratégique et la prise de risque. Cette philosophie a permis à Afreximbank de soutenir des projets emblématiques tels que la raffinerie Dangote ou le barrage Rufiji, là où les institutions occidentales tergiversaient. C'est également cette approche qui a permis d'intervenir au Ghana dans un contexte de crise de la dette, en apportant un financement direct lorsque plus personne ne le faisait.

Au moment de passer le relais à son successeur, dont la nomination était attendue à l'issue de ces assemblées, Oramah fixe un cap ambitieux, à savoir porter les actifs d'Afreximbank à 250 milliards de dollars à l'horizon 2035. Pour y parvenir, il exhorte les États membres à continuer de soutenir la banque, à la considérer comme un levier stratégique de souveraineté, et à ne pas compter sur des appuis extérieurs souvent aléatoires.

Envoyé spécial à Abuja, Nigéria

Dr Ange Ponou

Publié le 28/06/25 11:33

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