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L'annonce est tombée comme un couperet : l'administration américaine a décidé, ce 23 avril, de fermer le Millennium Challenge Corporation (MCC), l'une de ses agences les plus emblématiques d'aide au développement. La décision, communiquée par e-mail aux 320 employés de l'agence selon plusieurs médias américains, marque une fin brusque d'une histoire de coopération économique des États-Unis avec les pays en développement qui dure maintenant depuis plus de deux décennies.
Si la nouvelle a surpris à Washington, elle risque surtout de provoquer un électrochoc sur le continent africain, où de nombreux pays, dont la Côte d'Ivoire et le Sénégal comptaient encore sur cette structure pour financer des projets économiques d'envergure.
Une agence modèle sacrifiée sur l'autel de l'efficacité budgétaire
Créé en 2004 sous la présidence de George W. Bush, le MCC était souvent cité en exemple pour sa rigueur, sa transparence et son efficacité. Loin des lourdeurs bureaucratiques de certains canaux d'aide traditionnelle, l'agence liait le versement de subventions au respect de critères rigoureux : bonne gouvernance, liberté économique, investissement dans le capital humain. En vingt ans, elle aura injecté près de 17 milliards de dollars dans des projets de développement à travers le monde.
Mais sous la houlette du très controversé Department of Government Efficiency (DOGE), l'administration américaine a décidé de tourner la page. La fermeture du MCC intervient dans un contexte plus large de repli stratégique, illustré aussi par la mise en veille de l'USAID. Le message est clair : l'aide publique au développement n'est plus une priorité pour Washington.
La Côte d'Ivoire parmi les grandes perdantes
Pour la Côte d'Ivoire, cette décision n'est certainement pas la bienvenue. Le pays bénéficiait de deux programmes majeurs avec le MCC, représentant plus de 850 millions de dollars d'investissements. Il s'agit du compact bilatéral (2017–2025), d'un montant de 537 millions de dollars, ayant permis de lancer la construction de dizaines de collèges et centres de formation, et de réhabiliter des infrastructures routières critiques à Abidjan ; et du compact régional énergie CEDEAO (2024–2031), doté de 322 millions de dollars, visait à moderniser le réseau électrique ivoirien et renforcer l'intégration énergétique régionale.
Avec l'arrêt brutal du MCC, ces projets risquent d'être interrompus, voire abandonnés. Le gouvernement ivoirien a demandé un délai de quatre mois pour achever certains chantiers, mais rien ne garantit que cette période de transition sera accordée.
Pour plus de 11 millions d'Ivoiriens concernés par ces programmes, les retombées concrètes — en termes d'éducation, de mobilité ou d'accès à l'électricité — sont désormais incertaines.
Un désengagement aux lourdes conséquences géopolitiques
Au-delà du choc financier, cette fermeture soulève des questions de souveraineté et d'influence. Alors que la Chine, la Russie, la Turquie et d'autres puissances augmentent leur présence économique et diplomatique en Afrique, le retrait américain pourrait être interprété comme un désintérêt croissant pour le continent.
Les bénéficiaires du MCC, comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou le Ghana, pourraient être tentés de diversifier davantage leurs partenariats, à l'heure où les alternatives se multiplient. En fermant le MCC, les États-Unis se privent d'un outil stratégique de soft power, sans équivalent dans leur arsenal diplomatique.
Ce qui choque le plus, c'est que la décision ne repose pas sur des critères de performance. Le MCC n'était ni inefficace, ni corrompu. Il incarnait, au contraire, une forme de coopération exigeante mais respectueuse des choix des pays partenaires.
‘'L'aide étrangère n'est évidemment pas une priorité pour cette administration'', confie un employé du MCC, amer.
Dr Ange Ponou
Publié le 24/04/25 10:51
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