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Le cabinet conseil à l'investissement AFRIKA FORWARD, dont le siège est basé à Abidjan, publie sur notre site web des notes à l'attention des investisseurs, relatives à certains secteurs porteurs. Ces notes sont une synthèse des critères majeurs macro et microéconomiques entrant dans le processus de prise de décision à l'investissement.
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1- Historique du manioc en Côte d'Ivoire
Le manioc, également connu sous le nom scientifique de Manihot esculenta, est une plante originaire d'Amérique centrale, des Caraïbes et du Nord du Brésil, où il est estimé être cultivé depuis des milliers d'années. Au 16e siècle, les Portugais ont introduit le manioc en Afrique de l'Ouest, dont la culture s'est progressivement répandue dans toute l'Afrique et en Asie du Sud au cours des 18e et 19e siècles, sous l'influence des autorités coloniales de l'époque.
En Côte d'Ivoire, le manioc joue un rôle crucial dans la sécurité alimentaire et l'économie du pays. Au 19e siècle, les colons français ont commencé à cultiver le manioc pour répondre aux besoins alimentaires des colons européens et des populations locales. Il s'est rapidement développé en raison de sa facilité de culture, sa résilience aux conditions climatiques difficiles et sa capacité à produire des rendements élevés, même sur des terres peu fertiles.
Au fil du temps, le manioc est devenu une culture essentielle pour de nombreuses communautés rurales en Côte d'Ivoire. Les agriculteurs ont cultivé différentes variétés de manioc, adaptées aux conditions locales, et ont développé des pratiques agronomiques spécifiques pour améliorer les rendements et la résistance aux maladies.
Voir aussi - Investir dans la transformation de l'hévéa en Côte d'Ivoire
Dans les années 1960 et 1970, la Côte d'Ivoire a connu un essor économique grâce à la production et à l'exportation de cultures commerciales telles que le cacao et le café. Cependant, cela a conduit à une diminution de l'attention accordée à la culture du manioc, car les agriculteurs se sont tournés vers des cultures plus lucratives.
Ces dernières décennies, le manioc a retrouvé de l'intérêt en Côte d'Ivoire, en raison de sa résistance à la sécheresse et aux maladies, ainsi que de sa haute valeur nutritionnelle. Il constitue une source importante de calories et de nutriments pour de nombreux Ivoiriens, en particulier dans les zones rurales où d'autres cultures vivrières peuvent être moins viables.
Parallèlement, l'industrie locale du manioc s'est développée, avec la transformation du manioc en farine, en gari (un produit dérivé du manioc fermenté et séché), en semoule (attiéké) et en amidon (fécule), utilisé dans diverses industries alimentaires. Cela a créé des opportunités économiques pour les agriculteurs et les entrepreneurs locaux, favorisant ainsi la culture du manioc.
En résumé, la culture du manioc en Côte d'Ivoire a une longue histoire et joue un rôle vital dans la sécurité alimentaire et l'économie du pays.
Son importance ne cesse de croître, en réponse aux besoins de ses dérivés et pour garantir la sécurité alimentaire des ivoiriens.
Tableau 1 : Evolution de la production de manioc en Côte d'Ivoire de 2010 à 2022 (en milliers de tonnes)
De 2010 à 2022, la production de manioc en Côte d'Ivoire a augmenté de 173 %, passant de 2 306 839 tonnes à 6 300 000 tonnes. Entre 2010 et 2013, elle est restée relativement stable, avec une moyenne annuelle de 2 378 000 tonnes. Après cette période, la production de manioc a enregistré une tendance haussière, passant de 2 436 495 tonnes en 2013 à 6 300 000 tonnes en 2022, soit une augmentation de 159 %.
La hausse de la production de manioc en Côte d'Ivoire peut être attribuée à plusieurs facteurs, notamment :
En terme de perspective, il faut indiquer que le Gouvernement dans son Plan National de Développement 2021-2025, ambitionne d'accroître la production du manioc en la faisant passer de 6,3 millions de tonnes en 2021 à 8 millions de tonnes en 2025.
Zone de production
Le manioc est cultivé dans tout le pays, mais sa production principale se trouve dans les régions forestières où les précipitations sont abondantes. En revanche, dans la partie sahélienne au Nord du pays, où le climat est moins favorable, la production de manioc est faible. À mesure que l'on descend vers le Sud, la production tend à augmenter, avec une concentration particulière autour des grandes villes telles qu'Abidjan, Yamoussoukro, Bouaké, Daloa, San Pedro et Duekoué.
Cependant, en raison du développement croissant de l'hévéaculture dans le sud du pays, la culture du manioc se retrouve repoussée loin du littoral. Dans ces régions côtières, l'humidité élevée du climat et du sol limite le stockage des racines dans le sol, ce qui entraîne un risque de pourriture. Malgré cela, la culture du manioc se maintient autour d'Abidjan, en particulier dans la région du Sud-Comoé (Bonoua, Aboisso), qui demeure l'une des principales zones d'approvisionnement pour la capitale économique du pays.
Notons que le rendement de la production de manioc en Côte d'Ivoire reste encore faible, avec une moyenne comprise entre 7 et 10 tonnes par hectare, en raison du manque d'utilisation d'engrais, du non-respect des itinéraires techniques et également du fait que le manioc est plus une culture de subsistance qu'une culture de rente.
Le rendement de la production en Côte d'Ivoire est relativement inférieur aux rendements observés dans d'autres pays africains et en Amérique, qui atteignent généralement entre 10 et 20 tonnes par hectare.
Transformation du manioc
En Côte d'Ivoire, le manioc occupe une place importante dans l'alimentation, se classant comme le deuxième produit de base le plus consommé après l'igname et devant le riz. En effet, en 2016 la consommation de manioc par habitant en Côte d'Ivoire s'élevait à 119,3 kg par an, dont plus de 60 kg par habitant pour l'attiéké[1], contre une consommation de 156,9 kg par habitant pour l'igname et 106,5 kg par habitant pour le riz.
Notons que, quatre principaux groupes de produits dérivés sont exportés depuis la Côte d'Ivoire, à savoir le manioc séché, le tapioca, la semoule (principalement l'attiéké) et la pâte de placali. Parmi ceux-ci, l'attiéké et la pâte de placali dominent largement, représentant plus de 85% des exportations annuelles de produits dérivés du manioc de la Côte d'Ivoire ces dernières années.
En plus des dérivés alimentaires du manioc, il en existe d'autres tels que le bioéthanol (biocarburant utilisable dans certains moteurs à essence), l'alcool de manioc, la fécule de manioc (utilisée pour la fabrication de papier, de textile, etc.), et l'amidon de manioc (utilisé comme agent épaississant dans les produits alimentaires, les cosmétiques, les produits pharmaceutiques, etc.).
L'attiéké, en particulier, est le format de transformation le plus connu du manioc en Côte d'Ivoire. Sa fabrication est principalement assurée par de petites unités artisanales, semi-industrielles, voire familiales. Il a progressivement gagné en popularité dans le monde, grâce aux migrations des populations et à la diaspora africaine. Son attrait réside dans sa facilité et sa rapidité de préparation, pouvant être consommé aussi bien chaud que froid.
Selon les données du Ministère chargé de l'agriculture, le taux de transformation du manioc en attiéké en Côte d'Ivoire est en moyenne de 80 %.
La production d'attiéké est passée de plus de 900 000 tonnes en 2016 à plus de 1,4 millions de tonnes en 2021, soit une croissance moyenne de 9 % par an.
Il est à noter que, l'attiéké joue un rôle essentiel dans l'alimentation des populations, en particulier dans la région côtière d'Abidjan, où il est largement produit et consommé. Il représente environ 5% des dépenses alimentaires des foyers ivoiriens et contribue à hauteur de 20,5% de leur apport calorique [2].
2. Marché mondial du manioc
Selon les statistiques de l'Organisation des Nations Unis pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), en 2022, la production mondiale de manioc est concentrée principalement en Afrique avec une production de 208 millions de tonnes, soit 63 % de la production mondiale. L'Asie est le deuxième plus grand producteur de manioc au monde avec une production de 95 millions de tonnes, soit 29 % de la production mondiale.
Tableau 2 : Les 5 principaux producteurs mondiaux de manioc et la Côte d'Ivoire en 2021 et 2022
En 2022, les principaux producteurs de manioc dans le monde sont le Nigéria (18,4 % de la production mondiale), la République Démocratique du Congo (14,8 %), la Thaïlande
[2] Akely, 2012
(10,6 %), le Ghana (7,7 %) et le Brésil (5,5%). La Côte d'Ivoire est le 12e producteur mondial de manioc (1,9 %) et 7e producteur Africain.
Tableau 3 : Evolution de la production mondiale de manioc de 2010 à 2022 (en millions de tonnes)
Le manioc occupe la 4e place des productions végétales mondiales pour sa contribution à l'alimentation après le maïs, le riz et le blé avec une production réalisée en 2022 de 330 millions de tonnes.
En effet, en 12 ans, la production mondiale de manioc a connu une croissance moyenne de 2% par an, passant de 252 millions de tonnes en 2010 à 330 millions de tonnes en 2022.
Notons que, plusieurs facteurs contribuent à la croissance du marché mondial du manioc notamment la croissance démographique et l'urbanisation rapide dans certaines régions du monde. Le manioc est également utilisé dans diverses industries, dont l'industrie du papier, le textile, l'agro-alimentaire, etc.
Marché des produits dérivés du manioc
Dans le monde, les produits dérivés du manioc les plus exportés en 2022 sont le manioc séché (8,8 millions de tonnes) et l'amidon de manioc (5,7 millions de tonnes).
Les principaux importateurs mondiaux de manioc séché sont la Chine (55,4 %), la Thaïlande (33,3 %), le Vietnam (6,3 %) et la Corée du Sud (2,4 %).
En plus d'être le deuxième importateur mondial de manioc séché, la Thaïlande est également le premier exportateur mondial, avec 67 % des exportations mondiales, pour plus de 5,9 millions de tonnes de manioc séché.
Les principaux importateurs d'amidon de manioc en 2022 sont la Chine (71,8 %), Taïwan (5,63 %), l'Indonésie (4,83 %), la Malaisie (3,85 %), les Philippines (2,55 %), les États-Unis d'Amérique (2,44 %) et le Japon (2,11 %).
La Thaïlande et le Vietnam fournissent un peu plus de 92 % du marché mondial en amidon de manioc.
3. Rentabilité des unités de transformation de manioc en attiéké
En Côte d'Ivoire, les unités industrielles et semi-industrielles de transformation de manioc en attiéké, peuvent atteindre une moyenne de marge nette d'exploitation, se situant entre 6% et 14%.
Tableau 4 : Quelques ratios de rentabilité des unités industrielles et semi-industrielles de transformation de manioc en attiéké en Côte d'Ivoire
De plus, la Côte d'Ivoire a importé 14 374 tonnes d'amidon en 2022, pour un montant total de 10,9 millions de dollars US. Les importations nationales d'amidon ont connu une croissance moyenne de 13 % par an entre 2018 et 2022.
Les importations mondiales d'amidon ont atteint plus de 10 millions de tonnes en 2022, pour un montant total de 7,3 milliards de dollars US. La Chine représente 40 % des importations mondiales, suivie de l'Indonésie (4,8 %) et de l'Allemagne (4,9 %). Les importations d'amidon ont connu une croissance moyenne de 8 % par an entre 2018 et 2022.
4. Règlementation et mesures gouvernementales
En Côte d'Ivoire, le Ministère d'État, Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural (MEMINADER), est l'institution chargée de la promotion, du contrôle et du suivi des activités de la filière manioc.
Le décret n° 2016-563 du 27 juillet 2016 portant organisation du MEMINADER fixe les missions et objectifs du ministère, entre autre, promouvoir le développement de l'agriculture et du développement rural ; assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations ; répondre aux besoins des acteurs du secteur agricole ; contribuer à la croissance économique et au développement durable du Pays.
Par ailleurs, il existe une Loi d'Orientation Agriculture de Côte d'Ivoire (LOACI) qui fournit le cadre général pour l'organisation et la réglementation du secteur agricole, y compris la culture du manioc. Elle définit les droits et les obligations des acteurs du secteur, les conditions de production, de transformation, de commercialisation et d'exportation des produits agricoles, y compris le manioc.
De même, le Programme National d'Investissement Agricole de deuxième génération (PNIA 2017-2025) établit les objectifs, les politiques et les stratégies du Gouvernement pour le développement du secteur agricole en Côte d'Ivoire. Il fixe les orientations pour la promotion de la production, de la transformation et de la commercialisation du manioc, en mettant l'accent sur l'amélioration des rendements, la qualité des produits, la formation des producteurs et l'accès aux marchés.
En outre, plusieurs structures nationales jouent un rôle de soutien dans le développement de la filière manioc en Côte d'Ivoire dont :
Ces initiatives sont cruciales pour l'amélioration et le développement de la filière manioc en Côte d'Ivoire. D'autres acteurs tels que l'Agence Nationale d'Appui au Développement Rural (ANADER), l'Office d'aide à la Commercialisation des Produits Vivriers (OCPV), le Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricole (FIRCA) participent au développement de la filière manioc.
5. Contraintes
6. Opportunités
7. Analyse SWOT
8. Conclusion et Recommandations
La Côte d'Ivoire, 12e producteur mondial et 7e producteur africain de manioc frais, a produit 6,3 millions de tonnes en 2022, soit une croissance moyenne de 10 % par an entre 2010 et 2022. Le manioc joue un rôle crucial dans la sécurité alimentaire et l'économie du pays. Il est le deuxième produit de base le plus consommé après l'igname, avec une consommation par habitant de 119,3 kg par an.
La culture du manioc a gagné en intérêt ces dernières années en raison de sa résilience, de sa valeur nutritionnelle et de sa transformation en produits dérivés prisés, tels que l'attiéké et la pâte de placali au niveau local, et l'amidon de manioc à l'international, dont la demande a enregistré une croissance moyenne de 10,5 % par an entre 2010 et 2022.
De plus, la production de manioc en Côte d'Ivoire a connu une croissance significative au fil des ans, répondant à la demande croissante de produits à base de manioc. Cette tendance positive s'explique par la capacité du manioc à s'adapter aux conditions changeantes et au changement climatique, ainsi que par des initiatives gouvernementales visant à stimuler la production.
Malgré certaines contraintes, telles que la concurrence avec d'autres cultures de rentabilité supérieure et les défis techniques des agriculteurs, la filière manioc en Côte d'Ivoire a réussi à s'imposer et à se développer.
En effet, les opportunités offertes par le marché local et le marché mondial, la demande croissante d'attiéké et de produits dérivés, ainsi que le rôle essentiel du manioc dans l'alimentation et l'économie ivoirienne, ouvrent des perspectives prometteuses.
La transformation du manioc en attiéké et d'autres produits dérivés a non seulement créé des opportunités économiques pour les agriculteurs et les entrepreneurs locaux, mais a également renforcé l'identité culturelle et alimentaire du pays.
En conclusion, investir dans la transformation du manioc en Côte d'Ivoire représente une opportunité, même si des risques existent qui peuvent être mitigés en prenant en compte les défis du secteur.
Notre Score : 5,7
Par Wilfried KONAN, Economiste junior, AFRIKA FORWARD
Voir aussi - Côte d'Ivoire : Investir dans la transformation de la noix de cajou
Voir aussi - Investir dans la transformation de l'hévéa en Côte d'Ivoire
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Communiqué
Publié le 25/06/24 11:03
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