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Le cabinet conseil à l'investissement AFRIKA FORWARD, dont le siège est basé à Abidjan, publie sur notre site web des notes à l'attention des investisseurs, relatives à certains secteurs porteurs. Ces notes sont une synthèse des critères majeurs macro et microéconomiques entrant dans le processus de prise de décision à l'investissement.
1. Historique de l'Hévéa en Côte d'Ivoire
Historique en Côte d'Ivoire
L'hévéa (Hevea brasiliensis) est un arbre originaire d'Amazonie, introduit en Afrique à la toute fin du 19e siècle. En Côte d'Ivoire, les premières Plantations Industrielles (PI) ont vu le jour à partir des années 1950 avec : la Société Africaine de Plantations d'Hévéa (SAPH) en 1956, la Compagnie des Caoutchoucs du Pakidié (CCP) en 1960, et la Société de Développement de l'Hévéa (SODHEVEA) en 1969. Le gouvernement ivoirien s'est fortement engagé dans la filière, notamment à travers une participation majoritaire dans la SAPH et la création de la SODHEVEA devenue la Société des Caoutchoucs de Grand-Béréby (SOGB) en 1979. De plus, entre 1960 et 1980, l'Etat met en place des programmes afin de développer les plantations villageoises.
Dans les années 1990, l'État ivoirien se retire de l'industrie du caoutchouc en réduisant sa participation dans la SAPH et en privatisant la SOGB. Au cours de la même période, la superficie des Plantations Villageoises (PV) n'a cessé d'augmenter pour finalement dépasser celle des PI dans les années 2000.
Tableau 1 : Evolution de la production de caoutchouc naturel en Côte d'Ivoire (en tonnes)
Entre 1990 et 2010, la production de caoutchouc ivoirien, passe de moins de 100 000 tonnes à plus de 200 000 tonnes, issue de manière relativement équilibrée entre PI et PV[1]. A partir de 2010, la production s'accélère fortement, portée par les PV. En 2018, plus de 90 % des surfaces plantées sont villageoises et la production totale de caoutchouc du pays s'élève à 624 000 tonnes. Ce niveau de production a permis à la Côte d'Ivoire de se hisser en 2020, au 4e rang des producteurs mondiaux de caoutchouc avec une production de 950 000 tonnes, alors que le pays dominait déjà la scène africaine depuis plusieurs années avec près de 70 % de la production de caoutchouc naturel du continent.
Process
Le caoutchouc issu des plantations est acheminé vers les unités industrielles de première transformation (transformation des coagulums ou fonds de tasse en balles de caoutchouc de type TSR ''Technically Specified Rubber''). La transformation des coagulums inclut des étapes de stockage et maturation, et de pressage sous forme de balles de 35 kg, avant conditionnement. Bien que la transformation locale en balles avant exportation reste la voie majoritaire de valorisation des coagulums, une part croissante de la production de caoutchouc (environ 30 % en 2019), a été directement exportée sous forme de coagulums. Cette tendance à l'export s'explique par le décalage récent observé entre le niveau de production des plantations et la capacité nationale d'usinage.
Localisation de la production
Les plus grandes surfaces plantées se retrouvent dans les zones les plus adaptées à la culture de l'hévéa d'un point de vue climatique et pluviométrique (en général dans le sud de la Côte d'Ivoire).
2. Marché mondial
En 2021, la production mondiale de caoutchouc naturel est estimée à 13,821 millions de tonnes[2], dont 88 % provient du continent asiatique. Les plus grands pays producteurs sont la Thaïlande, l'Indonésie et le Vietnam avec respectivement 4,9 millions de tonnes, 3,2 millions tonnes et 1,2 million de tonnes, soit 60 % de la production mondiale.
La consommation mondiale de caoutchouc naturel a connu une croissance soutenue de 2010 à 2014 avant de chuter en 2015 en raison de la suspension des ventes de caoutchouc naturel par l'Indonésie et le Vietnam, et dans le but de faire remonter les cours du caoutchouc en chute libre depuis 2010 (passé 5,8$/kg en 2010 à 1,65$/kg en 2021). La consommation mondiale repart à la hausse entre 2016 et 2018 avant de se stabiliser en 2019 puis chuter fortement en 2020 suite à la fermeture des usines de pneumatiques causée par la crise sanitaire (COVID-19).
Qui consomme le caoutchouc naturel ?
La consommation de caoutchouc naturel est principalement localisée dans les pays producteurs (69 % en 2019) et principalement en Chine (6e producteur mondial derrière l'inde) qui reste le premier consommateur au monde (environ 40 % de la demande mondiale) et représente près de 1/3 de la production mondiale d'automobiles en 2021 avec une production de 22 millions d'automobiles sur 79,65 millions. Il faut noter que la consommation de caoutchouc naturel est liée au développement de l'industrie automobile et particulièrement des pneumatiques (75 % de la consommation mondiale).
Aussi, malgré le ralentissement de la croissance économique de la Chine et des pays émergents depuis quelques années, la consommation mondiale de caoutchouc maintient le cap avec une croissance de 4,6 % en moyenne par an de 2016 à 2019.
La part de la Chine dans la consommation mondiale de caoutchouc naturel est passée de 25% en 2005 à 40% en 2019. La Chine est le premier pays producteur et consommateur de pneus dans le monde.
3. Rentabilité
En Côte d'Ivoire, les entreprises transformatrices de caoutchouc en TSR, peuvent atteindre une moyenne de marge nette d'exploitation, se situant entre 18% et 23%.
4. Règlementation et mesures gouvernementales
En Côte d'Ivoire, plusieurs structures publiques, privées et associatives régissent la filière de l'hévéa.
C'est le cas du Conseil Hévéa-Palmier à Huile (CHPH), qui créé en 2018, est l'organe chargé de la régulation, du contrôle et du suivi, des activités des filières Hévéa et Palmier à Huile, dans l'optique de dynamiser ces deux filières.
De plus, différentes structures nationales interviennent en appui à la filière hévéa. Parmi les principales structures, trois peuvent être citées :
- L'Association des Professionnels du Caoutchouc Naturel de Côte d'Ivoire (APROMAC), association interprofessionnelle, chargée de la promotion de l'hévéaculture et de la fixation des prix du caoutchouc naturel pour les exploitants.
- Le Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricoles (FIRCA), organisation professionnelle, chargée de financer les programmes de recherche appliquée, de conseil agricole, de formation aux métiers et de renforcement des capacités des organisations agricoles et forestières.
- Le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA), société ayant pour vocation de mener des programmes de recherche dans les domaines agricoles et agro-industriels, et d'en diffuser les résultats.
Il faut également noter qu'au sein de l'APROMAC, le Fonds de Développement de l'Hévéa (FDH) a été mis en place depuis 2008. Il vise à contribuer à la promotion et au renforcement du développement de l'hévéaculture en Côte d'Ivoire par l'appui à la création de plantations d'hévéas, le renforcement de la formation aux métiers de l'hévéa et l'appui à l'entretien des pistes d'accès aux plantations d'hévéas.
Taxation
En 2011, le gouvernement a institué une taxe supplémentaire de 5 % sur le chiffre d'affaires des transformateurs de caoutchouc naturel, en raison des bonnes performances enregistrées dans la filière caoutchouc et un cours international du caoutchouc assez important.
Par la suite, en remplacement de la taxe susmentionnée, et afin de rationaliser le dispositif de taxation des produits hévéicoles, l'Etat dans l'Annexe fiscale à la loi de Finance n°2021-889 du 21 décembre 2021, a décidé d'appliquer une taxe unique sur les exportations de caoutchouc à la charge des exportateurs de caoutchouc granulé et de fonds de tasse. Cette taxe est fixée au taux de 1,5 % du prix de référence international du caoutchouc.
Résultats
On peut indiquer que la mise en œuvre effective des différentes politiques sectorielles en lien avec la filière hévéa, caractérisée notamment par l'accroissement des surfaces cultivées, couplée à un environnement international favorable et à un dynamisme des acteurs de la filière, ont contribué aux bonnes performances observées, portant la production d'hévéa de la Côte d'Ivoire de 170 000 tonnes/an en 2005 à 1 200 000 tonnes/an en 2022 (prévisions).
5. Contraintes
- Faible productivité des plantations villageoises comparé aux plantations industrielles, alors qu'elles représentent 90 % des surfaces plantées d'hévéa ;
- Le prix du caoutchouc est fixé par le lointain Shanghai Futures Exchange, où les courtiers spéculent sur la valeur du caoutchouc aux côtés de l'or, de l'aluminium et du carburant. De ce fait, le prix de vente n'est pas corrélé au coût de production;
- Moins de 10 % du verger est immature (-7 ans), ce qui pourrait entrainer une stagnation de la production de caoutchouc naturel s'il n'y a pas de nouveaux plantings.
6. Opportunités
- Objectif de la Côte d'Ivoire de transformer 100 % de sa production de caoutchouc naturel d'ici 2025, contre environ 80 % en 2021 ;
- Besoin de nouvelles unités de 1ère transformation pour atteindre l'objectif de transformation de 100% d'ici 2025, et d'unités de 2nde transformation qui est un segment quasiment inexploité à ce jour ;
- Ambition de la Fédération des Organisations Professionnelles Agricoles (OPA) de Producteurs de la Filière Hévéa de Côte d'Ivoire (FPH-CI) d'accroitre la surface plantée d'hévéa de 100 000 hectares d'ici 2027 et ainsi passer à une superficie totale de plus de 750 000 hectares. La production serait donc accrue de plus de 200 000 tonnes ;
- Existence d'une marge d'accroissement de la productivité des Plantations villageoises ;
- Aménagement prévu de plateformes agro-industrielles de 902 hectares proches des producteurs dédiées à la transformation de caoutchouc (PND 2021-2025) dans les zones d'Akoupé, Bonoua, et Yamoussoukro ;
- L'activité de transformation de l'hévéa est éligible au code des investissements ; ce qui accorde à ces opérateurs des exonérations fiscales et douanières.
- L'ordonnance N° 2019-826 du 09 octobre 2019 accorde des mesures fiscales incitatives spécifiques, c'est-à-dire des avantages additionnels à ceux prévus par le code des investissements, aux transformateurs de l'hévéa (la durée de l'ordonnance est de 3 ans) [3]. ;
7. Conclusion et Recommandations
La filière hévéa en Côte d'Ivoire s'est fortement développée depuis plus d'une décennie, avec un niveau de production croissant de 22 % par an en moyenne entre 2010 à 2021 (la Côte d'Ivoire est premier producteur d'Afrique et quatrième producteur mondial de caoutchouc naturel), et un niveau de transformation en progression (en 2021, près de 80 % de la production nationale de caoutchouc a subi une transformation).
Toutefois, l'industrie locale ne présente que des produits de 1ere transformation de type TSR (TSR 10) et très peu de produits de deuxième transformation.
De plus, on note un engagement de l'Etat à travers les différentes initiatives prises pour accroitre la production et le taux de transformation national.
Par ailleurs, en comparaison à d'autres secteurs d'activité, nous constatons que les ratios de rentabilité enregistrés par les transformateurs ivoiriens sont attractifs.
En outre, la consommation mondiale demeure robuste malgré l'atonie de l'économie mondiale.
Voir aussi - Côte d'Ivoire : Investir dans la transformation de la noix de cajou
Enfin, il faut indiquer que des défis existent relativement au secteur, notamment au niveau de la disponibilité d'une main d'œuvre de qualité, la volatilité des cours à l'international, et du vieillissement du verger.
En conclusion, et au vu de ce qui précède, l'investissement dans le secteur de la transformation du caoutchouc naturel en Côte d'Ivoire nous semble judicieux, à condition de s'assurer d'un dynamisme soutenu du planting et d'une disponibilité constante de la matière première.
Par Wilfried KONAN, Economiste Junior, AFRIKA FORWARD
Plus d'informations au +225 27 20 23 05 21 et sur www.afrikaforward.com
[1] Firca Filière Hévéa Côte d'Ivoire Analyse du Cycle de Vie
[2] The Association of Natural Rubber Producing Countries (ANRPC)
[3] Voir note spécifique à ce sujet élaborée par AFRIKA FORWARD.
Communiqué
Publié le 12/09/22 13:14
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