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Pour renforcer la résilience de son système financier et sécuriser des financements plus diversifiés, la République démocratique du Congo (RDC) s'engage dans une réforme de fond de son marché local des titres publics. Encore dominé par les banques commerciales, ce marché fait aujourd'hui l'objet d'une double initiative portée à la fois par le gouvernement et la Banque centrale, avec le soutien de la Banque africaine de développement (BAD).
Selon les chiffres du ministère des Finances, la RDC a levé en 2024 l'équivalent de 687 millions de dollars (plus de 2 000 milliards de francs congolais) grâce à l'émission de bons et obligations du Trésor. Mais derrière cette performance se cache une structure déséquilibrée. Près de 98 % des titres émis sont détenus par les banques commerciales, laissant peu de place aux compagnies d'assurance, fonds de pension ou épargnants individuels. Un déséquilibre qui fragilise la profondeur du marché et expose l'État à une dépendance excessive envers les banques.
Pour corriger cette vulnérabilité, le ministre des Finances, Doudou Fwamba, a présenté au Conseil des ministres du 11 juillet 2025 un programme de vulgarisation des titres publics. Ce plan vise à attirer de nouveaux investisseurs non bancaires, aussi bien institutionnels qu'individuels. Le gouvernement compte s'adresser plus directement aux compagnies d'assurance, aux caisses de retraite, mais aussi aux particuliers, pour faire connaître les opportunités d'investissement dans les instruments de dette publique.
En parallèle, une réforme plus structurelle est également en préparation à travers le Projet d'appui au développement du secteur financier et à l'inclusion financière (PADSFI), financé par la BAD. L'unité de gestion de ce programme a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour recruter une firme de conseil qui sera chargée de concevoir une plateforme de négociation multilatérale au sein de la Banque centrale du Congo (BCC), ainsi qu'une feuille de route de développement du marché obligataire.
Parmi les missions attendues du consultant sélectionné, une évaluation complète de l'environnement juridique et réglementaire, une analyse du marché existant, la conception d'une salle des marchés moderne, et l'identification des outils techniques, humains et informatiques nécessaires à sa mise en place. Cette salle des marchés vise à fluidifier les échanges de titres, accroître la liquidité et assurer une meilleure transparence des opérations.
L'enjeu est de taille. Un marché obligataire restreint, concentré sur un petit nombre d'acteurs bancaires, augmente les risques de financement pour l'État. En cas de retrait ou de désengagement partiel de ces banques, la capacité de l'État à lever des ressources à court et moyen terme serait compromise. Par ailleurs, une plus grande diversité d'investisseurs permettrait de mieux lisser les coûts d'emprunt et de dynamiser l'épargne nationale.
À court terme, les autorités misent sur la pédagogie et la communication pour changer les perceptions autour des bons et obligations du Trésor. À moyen terme, l'objectif est de créer un cadre opérationnel plus attractif grâce à l'infrastructure de marché en gestation à la BCC. Si elle est bien conduite, cette double approche pourrait transformer en profondeur le marché des titres publics congolais, en le rendant moins dépendant des banques, plus accessible aux épargnants locaux et mieux adapté aux standards internationaux.
Le gouvernement congolais espère que ces réformes poseront les bases d'un financement domestique plus robuste, condition essentielle pour renforcer sa souveraineté budgétaire et financer ses ambitions de développement sans recourir systématiquement à l'endettement extérieur.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 14/07/25 18:32
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