Moins de 24 heures après une rencontre stratégique avec les dirigeants des bourses africaines, le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Sidi Ould Tah, a réuni le 19 novembre à Abidjan les principales institutions de financement du développement du continent avec pour objectif de bâtir une nouvelle plateforme panafricaine de coordination financière capable d'harmoniser les efforts, de mutualiser les projets et d'accélérer la mobilisation de capitaux à grande échelle.
Cette initiative marque un tournant. Elle intervient au moment où l'Afrique fait face à un déficit annuel de financement du développement estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars, alors même que les marchés internationaux sont devenus plus coûteux et plus volatils. La BAD entend ainsi fédérer la puissance collective des institutions africaines pour mieux peser dans l'économie mondiale.
Une réponse structurante après la rencontre avec les marchés boursiers africains
La réunion s'inscrit dans la continuité directe de la session de travail tenue la veille avec les dirigeants des bourses du continent. L'ambition reste la même : bâtir un écosystème financier intégré et cohérent, où marchés de capitaux, institutions de développement et investisseurs privés fonctionnent de manière coordonnée.
Pour Sidi Ould Tah, le diagnostic est clair : ‘'Nos pays ont besoin d'énormes ressources. Un nouveau cadre de partenariat signifie que nous comptons davantage sur vous''. Autour de la table, la Banque d'investissement et de développement de la CEDEAO, la Banque ouest-africaine de développement, l'Africa Finance Corporation, TDB Group et Shelter Afrique, parmi d'autres, ont validé la nécessité de renforcer la coopération pour transformer les financements disponibles en projets concrets et à fort impact.
Une plateforme pour mutualiser les projets et harmoniser les standards
La plateforme en préparation repose sur trois leviers majeurs.
D'abord, la mutualisation des pipelines de projets. En alignant les priorités et en partageant les dossiers prêts au financement, les institutions pourront agir plus vite et éviter les doublons qui ralentissent souvent les décaissements.
Ensuite, l'harmonisation des normes techniques. Avoir des standards communs contribuera à fluidifier les processus, à renforcer la transparence et à améliorer la bancabilité des projets.
Enfin, une meilleure coordination des calendriers de mise en œuvre. Le but est de synchroniser la planification et la mobilisation des ressources pour optimiser les résultats.
Selon Sidi Ould Tah, cette approche est indispensable, car les institutions régionales de financement du développement ‘'sont les plus proches des bénéficiaires''. Leur renforcement passera notamment par un accroissement de leurs fonds propres pour élargir leur capacité de prêt.
Les réactions des dirigeants présents témoignent d'une adhésion large et argumentée. Admassu Tadesse, président de TDB Group, a rappelé l'importance du rôle des banques multilatérales de développement, notamment grâce à leur notation AAA et à leur maîtrise des instruments financiers nécessaires pour réduire les coûts de financement. Il propose la création d'un mécanisme de liquidité de réserve et l'utilisation accrue de garanties de capital appelable.
Serge Ekué, président de la BOAD, a insisté sur l'impact des instabilités politiques sur les notations souveraines et donc sur le coût du financement. Pour lui, les institutions régionales, proches du terrain, doivent éviter les chevauchements d'actions et clarifier leurs cadres opérationnels.
George Agyekum Donkor, président de la BIDC, a plaidé pour une meilleure synergie entre institutions africaines, estimant que les plus grandes doivent soutenir les plus petites, notamment via des syndications et des cofinancements.
Pour Shelter Afrique, représenté par Thierno-Habib Hann, le défi se situe aussi dans la préparation des projets et dans le renforcement des capacités. La BAD joue déjà un rôle clé à travers ses facilités de développement et son ancrage sur le terrain.
Même analyse du côté de l'Africa Finance Corporation. Selon Sameh Shenouda, il faut décloisonner les secteurs et communiquer davantage d'une seule voix au niveau international pour renforcer l'attractivité du continent : ‘'Il n'y a pas assez de projets bancables, pas assez de capitaux propres'', prévient-il.
Pour Solomon Quaynor, vice-président de la BAD chargé du secteur privé et de l'industrialisation, l'enjeu dépasse la simple collaboration, il s'agit de ‘'fonctionner comme un système''. La Banque prévoit des consultations bilatérales pour définir les mécanismes optimaux d'allocation du capital.
À l'issue de la rencontre, Sidi Ould Tah a annoncé la création d'un groupe de travail chargé de traiter les questions essentielles identifiées lors des discussions : équité, gestion des risques, subsidiarité, prévention des doubles emplois, accès au financement concessionnel et renforcement de la liquidité des institutions de développement.
Le président de la BAD a également confirmé qu'un dialogue sera engagé à Londres mi-décembre avec le secteur privé et les agences de notation, juste après la réunion finale de la reconstitution du FAD-17, organisée par le Royaume-Uni et le Ghana.
La Rédaction
Publié le 21/11/25 11:14