Le secteur pétrolier nigérian traverse l'une de ses zones de turbulence les plus sensibles de ces dernières années. La démission du directeur général de la Nigerian Midstream and Downstream Petroleum Regulatory Authority (NMDPRA), le régulateur du secteur pétrolier intermédiaire et aval, Farouk Ahmed, à la suite d'allégations de corruption formulées par l'industriel Aliko Dangote, a déclenché une recomposition rapide de l'architecture de régulation voulue par le président Bola Tinubu. Et ravivant les interrogations sur la gouvernance du premier producteur de pétrole d'Afrique.
Au cœur de la controverse, des accusations lourdes. Lors d'une conférence de presse à Lagos, Dangote a affirmé que Farouk Ahmed assumait des dépenses personnelles incompatibles avec ses revenus officiels, évoquant notamment près de 5 millions de dollars de frais de scolarité en Suisse pour ses enfants. Une révélation qui a immédiatement suscité l'émoi dans un pays où les rémunérations de la fonction publique restent modestes, et qui a conduit l'homme d'affaires à saisir la Commission indépendante de lutte contre la corruption (ICPC).
Voir aussi - Nigeria : Dangote hausse le ton contre les importations de carburant
Au-delà des soupçons de corruption, l'affaire met en lumière un conflit structurel sur l'orientation de la politique énergétique nigériane. Dangote accuse l'ancien régulateur d'avoir favorisé les importations de carburants à bas prix, au détriment du raffinage local, notamment de sa raffinerie géante de Lekki, d'une capacité de 650 000 barils par jour, un investissement de 20 milliards de dollars, présenté comme un pilier de la souveraineté énergétique du Nigeria.
Tinubu opère une reprise en main rapide avec un nouveau dirigeant
Face à la gravité de la situation, le président Bola Tinubu a agi sans tarder. Il a officiellement notifié au Sénat, la démission de Farouk Ahmed et sollicité la confirmation de Saidu Aliyu Mohammed pour prendre la tête de la NMDPRA. Dans le même temps, il a proposé Oritsemeyiwa Amanorisewo Eyesan comme nouveau directeur général de la Commission nigériane de réglementation du pétrole en amont (NUPRC), après le départ de Gbenga Komolafe. Ce double remplacement marque une refonte inédite des organes clés de surveillance pétrolière, tous deux créés en 2021 dans le cadre de la loi sur l'industrie pétrolière (Petroleum Industry Act), destinée à moderniser le secteur et à attirer les investissements étrangers.
Pour les observateurs internationaux, cette séquence agit comme un test grandeur nature de la volonté réformatrice du pouvoir en place. Si certains analystes estiment que ces démissions n'entameront pas durablement la confiance des investisseurs, l'épisode souligne néanmoins les défis persistants de transparence et de responsabilité dans un secteur qui génère l'essentiel des recettes en devises du Nigeria. Alors que le Sénat s'apprête à examiner les confirmations, l'attention reste focalisée sur la gestion des accusations portées par Dangote et sur la capacité du gouvernement à arbitrer entre intérêts industriels, impératifs de gouvernance et attractivité économique.
Narcisse Angan
Publié le 19/12/25 11:07