Nigeria : Dangote hausse le ton contre les importations de carburant

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Le bras de fer entre Aliko Dangote et l'autorité nigériane de régulation du secteur pétrolier intermédiaire et aval (NMDPRA), franchit un nouveau palier. En effet, ce 14 décembre, l'homme le plus riche d'Afrique a publiquement durci sa position, accusant le régulateur de saboter délibérément le potentiel industriel national en favorisant les importations de carburants raffinés au détriment de la production locale. En toile de fond, l'avenir de la plus grande raffinerie du continent, un investissement stratégique présenté comme un levier de souveraineté énergétique pour le pays.

S'exprimant depuis sa raffinerie de 650 000 barils par jour située à Lagos, Aliko Dangote a dénoncé un système qui, selon lui, crée des emplois à l'étranger, alors que le Nigeria peine à s'industrialiser. ‘'On n'utilise pas les importations pour contrer le potentiel national'', a-t-il martelé devant la presse, mettant en garde contre les conséquences économiques et sociales d'une politique qu'il juge incohérente, rapporte Reuters.

Premier producteur de pétrole d'Afrique, le Nigeria reste paradoxalement fortement dépendant des importations de carburants, conséquence directe de la mise hors service chronique de ses raffineries publiques. La raffinerie Dangote, conçue pour inverser cette dépendance et économiser des milliards de dollars de devises, devait incarner un tournant historique. Mais selon son promoteur, cette ambition est aujourd'hui fragilisée par les décisions, ou l'inaction de la NMDPRA. Dangote affirme que les importations ‘'bon marché'', autorisées sans contrôle strict, menacent l'emploi, l'investissement privé et la sécurité énergétique du pays.

Le conflit a pris une tournure institutionnelle lorsque Dangote a réclamé l'ouverture d'une enquête officielle sur Farouk Ahmed, directeur général de l'autorité de régulation. Il évoque des préoccupations liées à la gestion du secteur, ainsi que des allégations de dépenses privées incompatibles avec les revenus légitimes du responsable. Farouk Ahmed n'a pas réagi immédiatement à ces accusations, mais il a précédemment soutenu que la raffinerie Dangote chercherait à instaurer un monopole sur la vente de produits pétroliers, tout en n'ayant pas la capacité de satisfaire à présent la demande nationale. Le mois dernier, l'autorité de régulation avait d'ailleurs recommandé au président nigérian d'abandonner l'idée d'une interdiction des importations de produits raffinés, estimant que la production locale ne pouvait couvrir une demande quotidienne évaluée à 55 millions de litres.

Dangote conteste fermement cette analyse, accusant le régulateur de fausser la réalité industrielle en publiant des statistiques d'écoulement plutôt que des données de production effectives. Selon lui, la capacité réelle de la raffinerie est sous-estimée à dessein pour justifier la poursuite des importations. Autre point de crispation majeur, l'approvisionnement en pétrole brut. Dangote affirme que sa raffinerie n'a pas pu se procurer suffisamment de brut localement, faute d'application d'une règle obligeant à servir les raffineurs nationaux avant les exportations. Résultat : l'usine importerait actuellement environ 100 millions de barils de brut par an, un volume qui devrait doubler après l'extension prévue des capacités, dans un contexte de contraintes persistantes sur l'offre intérieure.

Malgré ces obstacles, Aliko Dangote se veut inflexible. Il a réaffirmé sa détermination à poursuivre l'expansion de la raffinerie et à protéger un investissement qu'il qualifie de ‘'trop important pour échouer'', tant pour son groupe que pour l'économie nigériane. Dans une perspective plus inclusive, le magnat a également renouvelé son intention d'introduire la société en bourse sur le marché local, avec un versement de dividendes en dollars américains. Objectif affiché : permettre à ‘'chaque Nigérian de posséder une part de l'économie''. L'issue de ce bras de fer entre le principal investisseur privé du pays et le régulateur pétrolier pourrait bien servir de test grandeur nature de la crédibilité de la politique industrielle nigériane, dans un contexte où la souveraineté énergétique reste un enjeu stratégique majeur pour l'Afrique.

Narcisse Angan

Publié le 16/12/25 12:16

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