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Au Nigéria, la dette des ménages a atteint un niveau sans précédent de 38,7 milliards de dollars, soit 21 607 milliards FCFA au mois d'avril dernier, selon le Global Debt Monitor, de l'Institut de la finance internationale (IIF). Ce chiffre, inédit dans l'histoire récente du pays, propulse les foyers nigérians au rang de principaux débiteurs privés, loin devant les entreprises non financières (12,6 milliards de dollars) et même les institutions financières (23,4 milliards de dollars). Seule la dette publique (98,8 milliards de dollars) conserve sa place de leader dans la structure de l'endettement national.
On déduit une hausse de 740 % en deux décennies. En effet, en 2005, cette dette domestique n'était que de 4,6 milliards de dollars. Sa multiplication par plus de huit en vingt ans, reflète une dynamique ambivalente, avec d'un côté, l'élargissement de l'accès au crédit, notamment dans les zones urbaines ; et de l'autre, les effets corrosifs de l'inflation galopante (23 % en février 2025), de la dépréciation chronique du naira, la monnaie locale, et d'une croissance économique peu inclusive. Cette explosion de la dette s'inscrit dans un contexte marqué par un revenu par habitant stagnante (environ 2 000\$ selon la Banque mondiale) et un taux de bancarisation limité à 40 %, freinant les capacités de planification et d'épargne des ménages.
La dette des ménages recouvre principalement des prêts à la consommation, des crédits hypothécaires marginaux (le marché immobilier représentant moins de 1 % du PIB), ainsi que des découverts bancaires contractés pour faire face aux dépenses de base. Dans les faits, ces financements sont souvent utilisés non pour investir, mais pour absorber le choc du quotidien, à savoir : achats de denrées alimentaires, soins médicaux, scolarité ou soutien à des activités commerciales informelles. Ce glissement du crédit d'investissement vers le crédit de subsistance alimente les risques de surendettement, en particulier dans les grandes agglomérations comme Lagos, Abuja ou Port Harcourt.
Si l'on se propose d'établir une comparaison à l'échelle du continent, le Nigéria se place dans le peloton de tête africain. Le pays affiche en effet, l'un des taux d'endettement des ménages les plus élevés. Toutefois, il reste loin derrière l'Afrique du Sud (125 milliards de dollars), un pays au PIB par habitant trois fois supérieur et doté d'un système financier plus structuré. Des pays comme le Ghana, le Kenya ou l'Égypte affichent des niveaux d'endettement intermédiaires, mais avec des dynamiques propres.
Un secteur bancaire sous pression
Officiellement, le secteur bancaire nigérian reste solide. Les autorités monétaires, à commencer par la Banque centrale du Nigéria (CBN), soulignent une gestion prudente des portefeuilles de crédit. En février 2025, les crédits à la consommation ont même légèrement diminué (de 2,6 à 2,5 milliards de dollars), preuve d'un recentrage des banques face au risque de défaut. Mais derrière cette stabilité apparente, les signaux d'alerte se multiplient. Le FMI et d'autres institutions appellent à une vigilance accrue face à l'accumulation des créances non performantes, dans un pays où une grande partie de la population vit sans couverture sociale et dans une économie largement informelle.
L'un des nœuds du problème réside dans une inclusion financière encore insuffisante. Près de 60 % de la population adulte n'a pas accès à un compte bancaire formel. Conséquence : les petits prêts sont souvent contractés auprès d'acteurs non régulés, avec des taux d'intérêt exorbitants. Parallèlement, de nombreuses microentreprises familiales, notamment dans l'agriculture et les services, dépendent de ces emprunts pour fonctionner au quotidien. Dans ce contexte, l'Etat nigérian est confronté à un défi complexe : soutenir l'accès au crédit, indispensable à la croissance, tout en prévenant une spirale d'endettement qui fragiliserait davantage les ménages.
Narcisse Angan
Publié le 09/07/25 09:15
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